Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mmes Catherine Di Folco et Patricia Schillinger.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

prévisions de croissance

Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ; Mme Marie-Claire Carrère-Gée.

secrétaires de mairie

M. Jean-Baptiste Lemoyne ; M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques.

interdiction de la benfluraline

Mme Marie-Claude Lermytte ; M. Marc Fesneau, ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

crise à mayotte

M. Bernard Fialaire ; Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer.

droit du sol à mayotte

Mme Corinne Narassiguin ; Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer ; Mme Corinne Narassiguin.

école publique

Mme Marie-Claude Varaillas ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Marie-Claude Varaillas.

piratage des numéros de sécurité sociale

Mme Nathalie Goulet ; M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention ; Mme Nathalie Goulet.

situation à gaza

M. Akli Mellouli ; Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux ; M. Akli Mellouli.

carte scolaire

M. Stéphane Sautarel ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Stéphane Sautarel.

fermeture de classes

Mme Annie Le Houerou ; Mme Nicole Belloubet, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Annie Le Houerou.

pêche dans le golfe de gascogne

M. Alain Cadec ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

sauvetage d’atos

M. Daniel Fargeot ; Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique.

sécheresse dans les pyrénées-orientales

M. Jean Sol ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Jean Sol.

diagnostic de performance énergétique des logements

M. Pierre-Alain Roiron ; M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ; M. Pierre-Alain Roiron.

moratoire sur les jurys rectoraux

M. Stéphane Piednoir ; Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Stéphane Piednoir.

transfert des compétences sociales aux départements

M. Laurent Burgoa ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Laurent Burgoa.

infirmiers sapeurs-pompiers

M. Joshua Hochart ; Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ; M. Joshua Hochart.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

3. Confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

M. Louis Vogel, auteur de la proposition de loi

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Hervé Marseille

Mme Mélanie Vogel

M. Ian Brossat

M. Michel Masset

Mme Nicole Duranton

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Agnès Canayer

M. Alain Marc

M. Olivier Rietmann

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. Claude Raynal

M. Francis Szpiner

Amendement n° 11 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 9 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 10 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 5 rectifié de M. Ian Brossat. – Rejet.

Amendement n° 2 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet par scrutin public n° 121.

Amendements identiques nos 1 de M. Claude Raynal, 4 rectifié bis de Mme Nicole Duranton et 8 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Rejet, par scrutin public n° 122, des trois amendements.

Amendement n° 3 de Mme Mélanie Vogel. – Rejet.

Amendement n° 6 de M. Ian Brossat. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 (nouveau)

M. Francis Szpiner

Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Après l’article 2

Amendement n° 7 rectifié ter de M. Ronan Le Gleut. – Retrait.

Article 3 (nouveau) – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Michel Canévet

M. Louis Vogel

Adoption, par scrutin public n° 123, de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

4. Maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la proposition de loi

M. Hussein Bourgi, rapporteur de la commission des lois

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

M. Guy Benarroche

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Michel Masset

M. Olivier Bitz

M. Pierre-Alain Roiron

M. François Bonhomme

M. Jean-Luc Brault

M. Jean-Michel Arnaud

M. Bruno Rojouan

M. Laurent Somon

Clôture de la discussion générale.

Article unique

Amendement n° 2 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 3 de la commission. – Adoption.

Vote sur l’ensemble

M. Philippe Folliot

M. François Bonhomme

M. Pierre-Alain Roiron

Adoption de l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

5. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

6. Mise au point au sujet d’un vote

7. Filière cinématographique en France. – Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi, rapporteure de la commission de la culture

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure de la commission de la culture

M. Jérémy Bacchi, rapporteur de la commission de la culture

Mme Marina Ferrari, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique

M. Gérard Lahellec

M. Bernard Fialaire

Mme Nadège Havet

Mme Sylvie Robert

Mme Agnès Evren

Mme Laure Darcos

Mme Catherine Morin-Desailly

Mme Monique de Marco

M. Pierre-Antoine Levi

M. Jean-Baptiste Blanc

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er, 2, 3, 4 et 5 – Adoption.

Article 6

Amendement n° 8 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 7 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Monique de Marco. – Adoption.

Amendement n° 3 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Amendement n° 5 rectifié de Mme Monique de Marco. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Articles 7 et 8 (nouveau) – Adoption.

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Catherine Di Folco,

Mme Patricia Schillinger.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, permettez-moi de souhaiter aux nouveaux entrants au Gouvernement la bienvenue dans notre hémicycle. Vous le verrez, on y est heureux : les débats y sont parfois vifs, mais toujours respectueux.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun d’entre vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

prévisions de croissance

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Monsieur le ministre, vous l’avez dit, le commerce extérieur est la mère des batailles. Malheureusement, c’est la Bérézina : la France accuse un déficit astronomique de 100 milliards d’euros, soit la deuxième pire performance de l’histoire.

La comparaison avec nos voisins est terrible : l’Allemagne, malade, affiche un excédent de 200 milliards d’euros, l’Italie elle-même enregistre un solde positif.

Non seulement nous battons tous les records européens, mais nous sommes seuls à être sur le podium dans toutes les catégories : déficits extérieurs, déficits publics, déficit en matière d’emploi, avec un chômage élevé et qui augmente.

La comparaison dans le temps est également accablante : depuis votre arrivée au pouvoir, quelle dégringolade ! Le déficit a plus que doublé. Ainsi, en matière d’agriculture, alors que, il n’y a pas si longtemps, nous étions le deuxième exportateur mondial, nous sommes actuellement le sixième ; dans le domaine pharmaceutique, nous importons l’essentiel des molécules innovantes ; les véhicules électriques plombent également le déficit.

Depuis votre arrivée au pouvoir, tant de grandes entreprises ne sont plus sous pavillon français, au nom d’une mondialisation heureuse qui ne l’est pourtant jamais, sans que nos atouts aient été ni valorisés ni protégés !

Ainsi, le grand avantage compétitif que constituait le nucléaire a été délibérément sacrifié. Nous avons abîmé tous nos fleurons, les uns après les autres. Seuls les avions et le secteur du luxe parviennent à s’en sortir.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous, enfin, remettre debout l’économie française ? (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je vous remercie de remonter dans le temps pour rappeler les performances françaises.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Ce n’est pas la question !

M. Bruno Le Maire, ministre. Depuis 2017, pour la première fois depuis trois décennies, la croissance française a été systématiquement supérieure à celle de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et de l’Italie. Vous devriez vous en réjouir.

La France a été le premier pays à retrouver son niveau de croissance d’avant la crise grâce à l’efficacité de la relance, à nos entrepreneurs, à nos salariés et à tous ceux qui travaillent dans notre pays. (M. Olivier Paccaud sexclame.)

En 2019, conformément aux prévisions du Gouvernement, notre croissance a atteint près de 1 %, alors que l’Allemagne subissait une récession.

Madame la sénatrice, je connais votre attachement à l’industrie : pour la première fois depuis trente ans, nous avons créé de nouvelles filières industrielles. Existait-il des filières de batteries électriques voilà seulement cinq ans ? Non. Désormais, quatre gigafactories se sont installées.

Nous sommes la première majorité à avoir pris la décision, avec le Président de la République, de réaliser six EPR (European Pressurized Reactors) et de relancer radicalement la filière nucléaire, à laquelle nous croyons. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Aucune majorité ne s’était engagée dans cette voie depuis des années !

Certes, nous connaissons actuellement des difficultés économiques, liées au ralentissement en Chine ainsi qu’à l’augmentation des taux d’intérêt visant à lutter contre l’inflation, inflation que nous avons réussi à faire disparaître en deux ans.

Pour autant, permettez-moi une remarque plus personnelle. Au vu des performances de l’économie française depuis sept ans,…

M. François Bonhomme. Tout va bien !

M. Bruno Le Maire, ministre. … des deux millions d’emplois qui ont été créés, notamment 100 000 emplois industriels, des 628 usines qui ont été ouvertes pour la première fois depuis trente ans,…

M. Philippe Bas. Et le commerce extérieur ?

M. Bruno Le Maire, ministre. … je préférerais voir une sénatrice saluer les performances des salariés, des entrepreneurs, des petites et moyennes entreprises (PME), des très petites entreprises (TPE) et de tous ceux qui travaillent en France, plutôt que les accabler à propos de leurs résultats ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas du tout ce que nous disons !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour la réplique.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Monsieur le ministre, c’est une très bonne réponse, mais ce n’était pas ma question ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Vous le savez comme moi, en économie, un seul chiffre résume tout. En effet, le commerce extérieur est le juge de paix, l’épreuve de vérité.

Vos choix économiques depuis 2017 ont pour résultat un positionnement compétitif dégradé et un déclassement en marche.

Vous vous êtes privé de marges de manœuvre avec la poursuite du « quoi qu’il en coûte » et des prévisions de croissance fantaisistes, qui vous rattrapent aujourd’hui. Il est temps d’agir pour que nous retrouvions notre croissance et notre souveraineté ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

secrétaires de mairie

M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

L’attachement des Français et de notre assemblée aux communes, ces véritables petites patries qui, toutes réunies, forment notre grande nation, n’est plus à démontrer. Nous savons combien les élus municipaux œuvrent d’arrache-pied, épaulés par les secrétaires de mairie.

Ces femmes et ces hommes, à la fois indispensables pour mettre en œuvre le projet de l’équipe municipale et apporter au quotidien des informations aux administrés et très engagés, sont pourtant parfois isolés et insuffisamment reconnus, alors même qu’ils sont connus de tous dans leur commune.

Grâce au Sénat et à l’implication de tous dans cet hémicycle, justice a été rendue aux secrétaires de mairie par la revalorisation de leur statut. J’ai ainsi à l’esprit le rapport d’information de Cédric Vial, la proposition de loi de Céline Brulin, ainsi que la proposition de loi que François Patriat a déposée avec l’ensemble des membres du groupe RDPI et qui est entrée dans notre législation. Ce texte permet une revalorisation indiciaire accélérée, une formation initiale qualifiante ouvrant vers le grade de secrétaire général de mairie.

Pour autant, monsieur le ministre, cette loi n’est qu’un point de départ, pas un point d’arrivée. Il est important à présent de la compléter par des mesures réglementaires, de manière qu’elle puisse pleinement porter ses effets sur le terrain. Vous vous étiez engagé à nous y associer, conformément au souhait du Parlement.

Ma question est donc simple. Monsieur le ministre, alors que vous venez d’être conforté dans votre mission, quelle forme d’association comptez-vous mettre en œuvre pour que nous puissions préparer ensemble les décrets d’application et quel est le calendrier d’exécution de ces mesures tant attendues ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jean-Baptiste Lemoyne, vous connaissez ma détermination à revaloriser le métier de secrétaire général de mairie ; elle est d’ailleurs partagée par tous les groupes de cette assemblée. Nul besoin de rappeler le rôle vital de ces agents ni les difficultés rencontrées dans leur recrutement.

La loi que vous avez adoptée constitue une avancée majeure : elle acte que ce métier relève a minima de la catégorie B ; elle accélère les déroulements de carrière ; elle crée des voies de promotion en dehors des quotas.

Comme je l’ai toutefois toujours affirmé, la loi seule ne suffira pas à revaloriser pleinement ce métier. Aussi ai-je pris devant vous plusieurs engagements.

Tout d’abord, j’entends que soient rapidement publiés les décrets concernant les conditions du plan de requalification prévu par la loi, s’agissant notamment du rythme d’accélération de l’avancement. Je m’engage ainsi à ce que nous puissions les préparer ensemble, en réunissant un groupe de suivi parlementaire rassemblant tous les groupes du Sénat et de l’Assemblée nationale, afin de les soumettre au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale dès le mois d’avril prochain.

Pour autant, tout n’est pas dans la loi. Nous devons poursuivre le travail avec tous les acteurs concernés – employeurs territoriaux, centres de gestion, Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) – afin de prendre de nouveaux engagements, qui seront traduits dans une charte pour les secrétaires de mairie, sur des questions essentielles comme la mutualisation des compétences ou la formation.

Monsieur le sénateur, vous le voyez, le combat continue pour revaloriser le métier de secrétaire général de mairie et soutenir nos communes rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

interdiction de la benfluraline

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, mes chers collègues, la filière de la chicorée, comme celle de l’endive, fait partie intégrante du patrimoine des Hauts-de-France, notamment du département du Nord.

La maîtrise de ces cultures est assurée par une filière structurée, implantée majoritairement dans les plaines de Flandre. Les étapes de transformation de la plante sont réalisées par plus de 200 planteurs et torréfacteurs, possédant une technologie spécialisée et performante, gage de produits sains et de qualité. Ces filières représentent à elles seules la quasi-totalité de la production nationale et près d’un quart de la production mondiale.

Pourtant, leur avenir est devenu très incertain : le règlement d’exécution 2023/149 de la Commission européenne du 20 janvier 2023 ne renouvelle pas les produits à base de benfluraline, notamment le Bonalan, utilisé par ces filières pour lutter contre les chénopodes.

Les autorisations de mise sur le marché sont déjà retirées et l’utilisation des stocks n’est permise que jusqu’au 12 mai 2024, c’est-à-dire demain. Après cette date, plus rien ne sera possible. Aucune alternative n’a cependant encore été trouvée pour permettre aux producteurs de maintenir leur activité, si ce n’est un désherbage manuel extrêmement coûteux en main-d’œuvre.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comprenez l’angoisse de tous les acteurs de ces filières, dont la survie est menacée.

Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire affirmait hier dans cet hémicycle qu’il ne saurait y avoir d’interdiction sans solution. Monsieur le ministre, nous avons pu en discuter la semaine dernière, je sais que vous mesurez l’urgence de la situation.

Une dérogation pour surseoir à cette interdiction est-elle envisageable dans des délais rapides, le temps qu’un produit de substitution soit mis sur le marché ? Ne laissons pas ces filières historiques et traditionnelles françaises s’éteindre au profit d’une arrivée en masse de chicorée indienne, à mille lieues de nos normes et exigences environnementales.

Qu’adviendrait-il alors de notre souveraineté alimentaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Marc Fesneau, ministre de lagriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question sur la filière de l’endive et de la chicorée, qui représente à la fois un patrimoine et une force économique majeure, notamment dans les Hauts-de-France, où se concentrent 95 % de la production. L’inquiétude est donc légitime, nous en avons déjà parlé.

Notons tout d’abord que cette interdiction résulte non pas d’une surtransposition française, mais bien d’une décision européenne. Dès lors, seule une autre décision européenne pourrait revenir dessus. Or le processus est complexe : je n’ai jamais été témoin d’un tel retour en arrière. (Mme Sophie Primas sexclame.)

Néanmoins, pour répondre à l’urgence de la situation, nous avons fait en sorte que cet herbicide puisse être utilisé au cours de la saison 2024, afin de couvrir le risque durant cette période. Si le mois de juin arrive vite, il en est de même pour janvier 2025.

C’est pourquoi des travaux ont d’ores et déjà été lancés au sein de la direction générale de l’alimentation (DGAL) pour examiner les solutions de substitution possibles parmi les herbicides autorisés. Des expérimentations seront mises en œuvre dès cette année afin de dégager de nouvelles pistes pour 2025.

Par ailleurs, nous accompagnerons l’interprofession dans des programmes de recherche sur ce sujet. Pas d’interdiction sans solution, certes, mais il nous faut chercher des solutions pour ne pas nous retrouver dans l’impasse, d’autant que nous savions que ces molécules risquaient d’être interdites.

La réponse passera par le désherbage mécanique là où c’est possible ou par l’utilisation d’herbicides d’une autre nature.

Après avoir sécurisé l’année 2024, il nous revient d’ouvrir le plus vite possible une perspective pour 2025, puis de nous inscrire dans le temps long pour trouver les meilleures réponses à cette situation. Il n’y a pas d’autre solution pour ce type de produits. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – Mme Audrey Linkenheld sexclame.)

crise à mayotte

M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Bernard Fialaire. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer et à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.

Vous avez promis la fin du droit du sol à Mayotte, une mesure « radicale » selon Gérald Darmanin.

Un sénateur du groupe Les Républicains. Très bien !

M. Bernard Fialaire. Pour autant, tous les républicains radicaux s’interrogent sur les motifs d’une telle exception départementale.

Bien entendu, il s’agit de répondre à une situation sociale et sécuritaire explosive dans ce département ultramarin en difficulté, dont la population exprime depuis plusieurs semaines une colère légitime. Nous avons un devoir de solidarité envers ce territoire qui a choisi la France.

Quelle réponse apporter ? Il faut renforcer notre partenariat avec les Comores, inscrire Mayotte dans son contexte régional afin de promouvoir un développement concerté entre toutes les îles de l’archipel.

Par ailleurs, sur la question des naissances sur ce territoire, notre collègue Annick Girardin propose un statut spécial permettant la création d’un hôpital extraterritorial accompagné d’un double registre de nationalité. Cela pourrait constituer une réponse à cette question essentielle.

Des moyens en faveur de la sécurité des Mahorais sont attendus. Faut-il ajouter à cela la suppression du droit du sol dans un département français, au risque de fracturer l’unité de la République et de créer un précédent, alors que les tensions sont également vives ailleurs ?

La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, bien qu’elle resserre les conditions d’acquisition de la nationalité française à Mayotte, n’a pas tenu ses promesses.

Selon l’auteure comorienne Touhfat Mouhtare, « les petites îles de l’océan Indien ont pris des chemins séparés », mais restent des sœurs de sang.

Dans ces conditions, le droit du sol est-il véritablement le facteur d’attractivité migratoire ? S’il le faut, posons-nous de nouveau, avec Mayotte, la question d’un statut particulier pour Mayotte, sans pour autant compromettre les fondements de la République française. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST, SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le sénateur Fialaire, vous avez raison, Mayotte connaît actuellement des crises sans précédent. Après celle de l’eau, elle fait face à une très forte crise migratoire, avec une immigration en provenance des Comores – situées à soixante-dix kilomètres –, mais également des pays de la région africaine des Grands Lacs.

Face à cette situation, le ministre de l’intérieur et moi-même nous sommes rendus à Mayotte le week-end dernier pour annoncer des mesures radicales : la fin du droit du sol dans ce département et un durcissement des conditions de délivrance des titres de séjour, y compris des titres de séjours territorialisés. Ces mesures exceptionnelles constituent une réponse unique à une situation unique.

Pour autant, vous avez raison, ces mesures ne suffiront pas et devront être complétées. C’est pourquoi nous avons proposé un projet de loi d’urgence pour Mayotte, qui concernera à la fois l’immigration et la sécurité, mais qui contiendra aussi des mesures d’ordre économique, d’équipement, d’éducation et de santé. Nous pourrons y revenir avec votre collègue Annick Girardin lors des discussions.

Monsieur le sénateur, nous avons adressé un courrier aux élus et aux collectifs mahorais que nous avons rencontrés dimanche dernier, conformément à nos engagements.

M. Mickaël Vallet. Aux milices, oui !

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée. Il faut désormais que les barrages se lèvent et que le calme revienne à Mayotte. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Pas seulement à Mayotte !

droit du sol à mayotte

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Corinne Narassiguin. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer.

Madame la ministre, Mayotte connaît un nouveau pic de tensions. Des barrages routiers perturbent la circulation et l’économie de ce département, le plus pauvre de France, où la violence est quotidienne depuis des années. Ses habitants sont exaspérés. De nombreux jeunes, exclus du système scolaire et vivant dans une grande pauvreté, sont livrés à la délinquance. Beaucoup d’entre eux sont des mineurs isolés, sans parents ni repères.

En 2018, en violation du principe d’indivisibilité de la République, votre gouvernement a durci le droit du sol à Mayotte. Pour autant, cette mesure n’a divisé que par deux l’accès à la nationalité française dans le département et n’a pas eu d’effet sur le nombre d’arrivées d’étrangers.

Pis, elle a accru la grande précarité de nombreuses familles et de jeunes gens, privés d’accès à la nationalité française et contraints de survivre sur le territoire. Les visas territorialisés n’ont fait qu’aggraver cette situation.

Aujourd’hui, de manière cynique et démagogique, vous vous entêtez dans cette impasse. À rebours du choix constant des Mahorais d’une plus grande intégration dans la République par la départementalisation, vous leur promettez de différencier encore davantage le droit de la nationalité, comme à l’époque coloniale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Stéphane Ravier sexclame également.)

Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer en quoi la suppression du droit du sol à Mayotte améliorera la situation sociale, sanitaire, économique et sécuritaire du département ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des outre-mer.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Madame la sénatrice, je ne peux pas vous laisser dire cela. La Constitution prévoit déjà la possibilité d’adapter nos lois et règlements aux spécificités de nos territoires, notamment ultramarins, y compris en ce qui concerne l’immigration.

Vous m’interrogez sur les raisons qui nous ont conduits à annoncer la fin du droit du sol à Mayotte.

Actuellement, 90 % des titres de séjour délivrés à Mayotte sont liés à la vie familiale. À notre sens, cette mesure aura un effet dissuasif sur les femmes qui quittent les Comores, parfois au péril de leur vie, pour venir accoucher à Mayotte, devenir parent d’un enfant français et, ainsi, obtenir un titre de séjour. (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Bien sûr, nous envoyons un signal difficile, mais cette situation unique appelle une réponse unique.

Mme Cécile Cukierman. Le RN n’aura pas à le faire, grâce à vous !

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée. Je tiens par ailleurs à rappeler nos autres engagements pour Mayotte.

Nous avons prolongé notre action en mettant en place l’opération Wuambushu 2, qui se traduit par le déploiement d’importants moyens de sécurité. Nous menons des actions de décasage qui ont permis la libération de 700 habitations. De plus, des opérations contre les gangs ont permis l’arrestation de soixante chefs de bande.

Concernant la crise de l’eau, 100 millions d’euros ont été engagés pour faire face à l’urgence depuis l’été 2023. En matière d’éducation, 190 millions d’euros supplémentaires seront alloués aux établissements scolaires d’ici à 2027. Enfin, les crédits consacrés aux routes seront doublés pendant la même période.

Vous le voyez, madame la sénatrice, la réponse du Gouvernement est beaucoup plus complète que la caricature que vous entendiez en faire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Cécile Cukierman. Mme Le Pen vous dit merci !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour la réplique.

Mme Corinne Narassiguin. Madame la ministre, vous mentez aux Mahorais et ils le savent. Les Comoriennes n’arrivent pas à Mayotte pour accoucher, mais pour fuir la misère et parfois la répression. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Stéphane Ravier sexclame également.)

Résoudre la crise migratoire à Mayotte, c’est d’abord s’attaquer aux causes de l’immigration : anticiper pour mieux prévenir les déstabilisations politiques, économiques, sociales et bientôt climatiques dans l’archipel des Comores comme dans la région des Grands Lacs.

Il faut mener une politique ambitieuse de coopération et de codéveloppement dans la zone du canal du Mozambique, en particulier avec les Comores. Au lieu d’apporter des réponses à cette crise structurelle, vous fracturez encore les principes républicains les plus fondamentaux.

Avec cette attaque contre le droit du sol, vous choisissez, une fois de plus, de faire triompher les obsessions xénophobes et racistes de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Stéphane Ravier sexclame.)

école publique

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Marie-Claude Varaillas. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Après deux journées de grève et deux votes unanimes du Conseil supérieur de l’éducation (CSE) contre la réforme du « choc des savoirs » et des lycées professionnels, vous exprimant hier dans les médias, vous persistiez dans votre remise en cause du collège unique. Celle-ci va donner naissance à une école à deux vitesses et accentuer le tri social, avec la mise en place des groupes de niveau à la rentrée 2024.

Ne pensez-vous pas que l’urgence est ailleurs ?

Le bilan de vos prédécesseurs, marqué par l’insuffisance des moyens, notamment ceux qui sont dédiés à l’école inclusive, les suppressions de postes d’enseignants et la succession de réformes contradictoires, ont mené l’école publique au bord de l’effondrement.

Le constat est le même partout dans nos territoires : les enseignants sont en colère, les personnels de direction fatigués. Plus de 3 000 postes ne sont pas pourvus à la rentrée 2023 et les démissions connaissent une hausse inédite, alors que le Conseil supérieur des programmes prévoit 328 000 postes à pourvoir d’ici à 2030.

Je vous le dis avec gravité, madame la ministre : c’est la continuité même du service public de l’éducation qui est en jeu aujourd’hui. Comment comptez-vous remédier à cette situation et faire face, en l’état, à l’intenable promesse des groupes de niveau au collège ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Varaillas, vous partagerez sans doute le constat que dressent toutes les enquêtes internationales : l’efficacité de notre collège n’est pas optimale.

Certes, les mesures que nous avons mises en place depuis 2017 dans le primaire n’ont pas encore produit tous leurs effets, mais les chiffres démontrent que les résultats scolaires demeurent insuffisants. Bien plus, cette insuffisance est corrélée à l’indice socioéconomique des élèves. Nous ne pouvons nous en satisfaire.

C’est la raison pour laquelle mon anté-prédécesseur – qui a, depuis lors, changé de fonction ! (Sourires.) – a décidé de mettre en place un véritable « choc des savoirs ». Je m’inscris pleinement dans cette démarche, car nous ne pouvons pas rester inertes. Un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale a été rendu, 230 000 enseignants ont été consultés et ont indiqué qu’ils ne pouvaient plus gérer une telle hétérogénéité de niveaux.

J’agirai donc en mettant en place plusieurs mesures.

Premièrement, au collège, des groupes permettront de différencier la prise en charge des élèves pour traiter cette hétérogénéité. Des petits groupes seront constitués pour les élèves les plus en difficulté.

Deuxièmement, nous allons modifier la formation continue et changer les règles de la formation initiale, afin de recruter plus aisément.

Troisièmement, je souhaite que tous nos corps d’inspection accompagnent les enseignants et les chefs d’établissement dans cette démarche.

Enfin, je m’engagerai pleinement et entièrement dans cette évolution de notre système éducatif. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour la réplique.

Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la ministre, vous ne pourrez mettre en œuvre ce changement qu’avec des moyens substantiels. Vous l’avez vous-même défendu à une certaine époque : pour la réussite de nos élèves, il faut plus d’enseignants formés et mieux rémunérés et moins d’élèves par classe. Pourtant, depuis 2017, 8 000 postes d’enseignants ont été supprimés.

À l’heure où nous souffrons d’un cruel manque de mixité sociale, le choc des savoirs va séparer les élèves, les assigner à leur niveau et creuser davantage les inégalités.

La communauté éducative aura connu cinq ministres en moins de deux ans. Elle attend maintenant de vous que vous offriez une boussole à notre école publique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

piratage des numéros de sécurité sociale

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, mais concerne tout autant M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Notre base de données des assurés sociaux est peu fiable. Le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires sociales (Igas), qui date du mois d’avril 2003, dénombre 73,1 millions de bénéficiaires pour 67 millions de Français et note que « l’exploration de l’écart entre les deux dénombrements semble aporétique ».

Les organismes de protection sociale font de surcroît l’objet d’un véritable piratage informatique : 33 millions de données relatives à la gestion du tiers payant piratées ; 600 000 comptes piratés à la caisse d’allocations familiales ; 10 millions de personnes piratées à Pôle emploi, devenu France Travail, mais qui subit toujours ce piratage.

Les cybercriminels ont ainsi accès à de multiples données personnelles, dont le fameux NIR, le Numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques, véritable « Sésame, paie-moi ! » de l’ensemble des prestations. Ces données sont désormais offertes en pâture à tous les arnaqueurs. Fraude, usurpation d’identité, substitution de comptes bancaires : la liste des possibilités de détournement est infinie, sans parler de la marchandisation des données elles-mêmes.

Ma question est simple : quelles mesures comptez-vous prendre pour protéger les assurés sociaux et le contribuable de ces pillages en règle ?

Compte tenu de cette situation apocalyptique, allez-vous abandonner le projet de versement automatique des prestations jusqu’à ce que la base des bénéficiaires soit sécurisée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention.

M. Frédéric Valletoux, ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention. Madame la sénatrice Goulet, je vous remercie de votre question. Le sujet que vous évoquez est sensible et il a été de nouveau mis en avant par l’actualité, du fait des cyberattaques dont les opérateurs Viamedis et Almerys, que vous avez cités sans les nommer, ont récemment fait l’objet, conduisant au piratage des comptes des 33 millions d’assurés qui ont contractualisé avec ces opérateurs.

Je précise que ces opérateurs sont des plateformes privées et que seuls ont été piratés l’état civil, la date de naissance, le numéro de sécurité sociale de ces assurés, ainsi que les contrats que ceux-ci ont souscrits auprès d’eux. En aucun cas, les données « larges », celles qui sont notamment liées à la carte Vitale, n’ont été compromises.

Ces opérateurs ont déposé plainte et ont encouragé leurs adhérents à en faire autant.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) mènent par ailleurs une enquête afin d’évaluer la sécurité informatique de ces opérateurs. Le Gouvernement en étudiera précisément les résultats.

En tout état de cause, soyez assurée, madame la sénatrice, que ces attaques nombreuses – vous en avez du reste rappelé quelques-unes – interpellent le Gouvernement, qui ne compte pas rester inactif. Un programme a été lancé au mois de décembre dernier conjointement par le ministère de la santé et des solidarités et la direction interministérielle du numérique afin de réaliser un audit de la sécurité de ces comptes.

Je réponds à votre ultime question : non, le Gouvernement n’a pas l’intention d’abandonner le projet de transferts de charges sur les cotisations sociales. (Applaudissements sur quelques travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Vous allez donc bien procéder à des paiements directs sans aucune vérification de la base de données… J’avais raison de ne pas être rassurée, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Gabriel Attal, lorsqu’il était ministre délégué chargé des comptes publics, a lancé un ambitieux plan de lutte contre la fraude, affirmant que la fraude sociale, comme la fraude fiscale et la fraude douanière, était une fraude du contribuable. (M. le Premier ministre acquiesce.) Il faut y revenir, d’autant que notre situation budgétaire n’est pas des plus florissantes !

J’estime qu’une nouvelle expertise du Sandia (service administratif national d’identification des assurés) et du NIR s’impose.

La cerise sur le gâteau, c’est l’hébergement des données chez Microsoft, avec ce que l’on sait de l’extraterritorialité américaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains, GEST et SER.)

M. Mickaël Vallet. C’est une honte !

Mme Nathalie Goulet. Il est difficile de faire pire ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

situation à gaza

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Akli Mellouli. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux.

« À Gaza, on ne soigne plus, on ampute. » Lors de mon déplacement au poste frontière de Rafah voilà quelques jours, c’est ainsi que le médecin humanitaire Raphaël Pitti décrivait ainsi l’insoutenable réalité, madame la secrétaire d’État. Lui qui est intervenu en Syrie, en Ukraine et dans bien d’autres zones de conflit me confiait n’avoir jamais vu une telle horreur.

Quelque 10 000 orphelins : derrière ce chiffre transparaît une réalité qui doit interpeller notre humanité.

Quelque 27 000 Palestiniennes et Palestiniens tués : derrière ce chiffre se cache une vérité, la prudence complice de notre pays à condamner le plus grand massacre de ce siècle. (Exclamations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Un peu d’humanisme vous fera du bien ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Quelque 67 000 blessés qui manquent cruellement de soins : derrière ce chiffre se dessine une évidence, celle du parti pris et du double standard de notre pays, qui lui font perdre désormais toute légitimité à diffuser un message de portée universelle.

Madame la secrétaire d’État, alors qu’une offensive terrestre sur Rafah est annoncée, que comptez-vous mettre en œuvre pour obtenir un cessez-le-feu immédiat et durable, et ainsi prévenir, conformément à nos obligations conventionnelles, ce que la Cour internationale de justice qualifie de « risque génocidaire » ? Comptez-vous par exemple instaurer un embargo sur les armes ?

Alors que l’aide humanitaire est bloquée, que compte faire la France pour éviter ce que Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’Union européenne, qualifie de « catastrophe humanitaire indescriptible » à venir à Rafah ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et des partenariats internationaux.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée du développement et des partenariats internationaux. Monsieur le sénateur Mellouli, ne pouvant être présent, Stéphane Séjourné, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, m’a chargée de vous répondre et d’exprimer de nouveau notre grande inquiétude face aux frappes israéliennes à Rafah.

La catastrophe humanitaire qui se déroule à Gaza doit cesser. Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères l’a clairement indiqué au Premier ministre israélien à plusieurs reprises depuis le début de ce mois.

Rafah est le refuge de plus de 1,3 million de personnes. Une offensive israélienne créerait une situation intenable. Cela donnerait une nouvelle dimension à une crise humanitaire déjà injustifiable.

Pour éviter un désastre, nous appelons de nouveau à un arrêt des combats et nous appelons Israël à prendre des mesures concrètes pour protéger les civils.

Cela nous concerne aussi directement. Nous nous mobilisons pour faciliter l’évacuation de nos ressortissants et des personnes qui ont travaillé pour la France. Dimanche dernier, quarante-deux personnes ont ainsi pu quitter Gaza.

Je tiens enfin à rappeler que l’avenir des Gazaouis ne pourra s’écrire que dans un État palestinien vivant en paix et en sécurité aux côtés d’Israël. La détermination de la France est totale, comme le montrent les actions prises hier contre vingt-huit colons violents.

Un cessez-le-feu est indispensable pour la libération des otages à Gaza, parmi lesquels se trouvent encore trois de nos compatriotes ; il est également nécessaire pour acheminer davantage d’aide aux populations civiles. Nous ne pouvons plus attendre. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Akli Mellouli, pour la réplique.

M. Akli Mellouli. Commençons par reconnaître l’État de Palestine, madame la secrétaire d’État !

À l’instar des ONG, des journalistes, des médecins, nous ne cessons de vous alerter sur la tragédie que vivent les Palestiniens. Après le temps médiatique viendra tôt ou tard celui du jugement implacable de l’Histoire. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

carte scolaire

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Sautarel. Monsieur le Premier ministre, c’est à vous que ma question s’adresse, puisque, comme vous l’avez indiqué, vous avez emporté à Matignon la cause de l’école, qui dépasse de loin la seule question pédagogique, quand bien même celle-ci est essentielle.

La réussite scolaire et l’égalité des chances données à tous les enfants de notre pays revêtent aussi une dimension d’aménagement du territoire, de prise en compte de nos provinces et de notre ruralité, qui, comme on le sait – la crise agricole en est du reste un nouveau symptôme –, se sent oubliée, ignorée, abandonnée, bien souvent, hélas ! à juste titre.

Cette dimension rejoint d’ailleurs la question de l’intérêt de l’enfant, notamment quant au temps de transport et à l’offre éducative.

Le dispositif France Ruralités devait permettre d’instaurer un réel dialogue avant toute suppression de classe dans nos écoles à petits effectifs. En ruralité, supprimer un poste, c’est en effet supprimer une classe et, partant, fragiliser directement l’école qui se veut le premier des services publics.

On en est loin ! La méthode reste brutale, l’approche exclusivement quantitative et le résultat, traumatisant pour tous, enfants, parents, enseignants et élus.

Pour la rentrée prochaine, les cartes scolaires du premier degré du Cantal et de l’Allier, et plus largement de toute la ruralité, sont les pires que l’on ait jamais vues. Elles répondent aux seules logiques verticale et quantitative. Les engagements ne sont pas tenus et les délais ne sont pas respectés.

La parole publique a pourtant encore de la valeur, notamment dans un département comme le Cantal, dont le sens civique développé est, hélas ! rarement récompensé. Pour combien de temps encore ? Monsieur le Premier ministre, entendez l’appel de notre ruralité avant que le lien ne soit rompu !

M. Bruno Belin. Très bien !

M. Stéphane Sautarel. Allez-vous tenir les engagements de France Ruralités ? Allez-vous surseoir à toute fermeture de classe rurale à la rentrée prochaine, en particulier dans le Cantal, et mettre en place un moratoire de trois ans, le temps de construire un cadre de confiance pluriannuel avec les maires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Je suis désolée que ma réponse suscite déjà des regrets… (Sourires.)

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Sautarel, pour avoir été rectrice de l’académie de Limoges, je suis consciente que la carte scolaire est un sujet sensible dans les départements ruraux et j’aurai à cœur de travailler en amont avec les élus pour prendre en compte les réalités des territoires.

Depuis le mois de décembre 2023, une instance de concertation a été mise en place, notamment dans les territoires ruraux, pour donner à la carte scolaire de la visibilité à trois ans. (Marques de contestation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Non, c’est faux !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Je veillerai personnellement à évaluer l’efficacité de ce dispositif qui vient d’être déployé. Nous verrons au printemps prochain comment il s’est déroulé.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la carte scolaire est le résultat d’un travail qui vise à répondre aux évolutions des effectifs scolaires et à la réalité des territoires.

Dans le Cantal, il nous faut prendre en compte la baisse démographique que nous constatons. Certes, le taux d’encadrement n’est qu’un chiffre abstrait, mais, dans le Cantal, son niveau, qui est déjà l’un des meilleurs de notre pays, va continuer à s’accroître, puisqu’il passera de 7,88 à 7,89. (Marques dironie sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Mathieu Darnaud. C’est Byzance !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Cela indique une tendance, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je vous rejoins toutefois sur le fait que l’on ne peut pas se satisfaire de chiffres et que nous devons élaborer des réponses qui soient mieux adaptées aux territoires, notamment une allocation progressive des moyens qui prenne en compte à la fois l’indice d’éloignement et ce que l’on appelle le dispositif territoires éducatifs ruraux au bénéfice des écoliers.

M. Laurent Burgoa. Gabriel, reviens !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Je crois savoir que celui-ci fonctionne parfaitement dans le Cantal.

Nous allons également labelliser des places supplémentaires en internats d’excellence, ce qui constituera un élément d’attractivité pour nos étudiants.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Nicole Belloubet, ministre. En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur moi pour être très attentive à la question de la ruralité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour la réplique.

M. Stéphane Sautarel. Madame la ministre, au-delà des intentions, nous attendons des actes. À ce titre, je puis vous assurer que, contrairement aux engagements qui ont été pris, la concertation que vous évoquez n’a pas eu lieu.

C’est la raison pour laquelle nous demandons qu’un moratoire soit instauré pour la rentrée prochaine, non pas seulement pour le Cantal, mais pour l’ensemble des territoires ruraux concernés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) On ne peut en effet faire entrer des communes dans le programme Villages d’avenir et en même temps y fermer des classes. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

fermeture de classes

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, dès votre prise de fonction, vous êtes allée sur le terrain pour mesurer les préoccupations de nos écoles. Curieusement, vous n’évoquez pourtant pas les fermetures de classes qui constituent le principal sujet d’inquiétude et suscitent des manifestations de parents d’élèves et d’enseignants soutenus par leurs élus.

Dans les Côtes-d’Armor, 45 classes sont menacées de fermeture, pour une baisse de 125 élèves.

Dans nos départements, à Pléguien, Penvénan, Lannion, Flavignac, Aurillac, Châteldon, les fermetures sont dénoncées. Elles conduisent à dépasser les moyennes nationales d’élèves par classe, souvent même à plusieurs niveaux par classe, notamment dans les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI).

« Le réarmement de nos services publics, c’est le réarmement de notre école », clamait Gabriel Attal dans cet hémicycle le 31 janvier dernier. Quel réarmement, monsieur le Premier ministre, quand vous demandez à vos services de fermer des classes pour rendre des postes ?

L’école est le socle de nos communes, qui investissent dans des équipements de qualité. La vie sociale se crée autour de l’école, qui est gage d’emploi local, d’installation d’entreprises et de médecins, ainsi que d’un moindre isolement de nos agriculteurs.

L’autorité ne se décrète pas, elle se construit dans cette cohésion sociale !

Madame la ministre, pour la réussite scolaire de tous nos enfants, pour une école inclusive, pour répondre aux enseignants qui crient leur colère et leur épuisement, pour rassurer les élus, les moyens – vous en convenez – sont insuffisants. Allez-vous donc revenir sur ces suppressions de postes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes GEST et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Nicole Belloubet, ministre de léducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous êtes dans un département rural…

Mme Silvana Silvani. Il n’y a pas que le rural ! Vous fermez partout !

Mme Nicole Belloubet, ministre. Comme je l’ai indiqué en réponse à la question précédente, nous suivons avec attention les questions de la ruralité. Dans les départements urbains, les problématiques qui se posent sont un peu différentes, même si elles méritent également d’être prises en compte.

Si, dans le département des Côtes-d’Armor, nous constatons en effet une baisse du nombre d’élèves relativement limitée, je rappelle qu’un effort a été fait pour maintenir le taux d’encadrement des élèves à 5,85.

Contrairement à ce que vous avez indiqué, madame la sénatrice, nous avons fermé, non pas 45 classes, mais 19. (Mme Annie Le Houerou sexclame.) Le bilan est bien celui-ci.

Comme vous le savez sans doute, des suppressions de classe ont été annulées, ce qui est de nature à répondre aux préoccupations que vous avez exprimées. Je pense notamment aux RPI de Lohuec-Calanhel, ainsi qu’aux nouvelles classes que nous avons ouvertes dans un RPI de Plusquellec. Tout cela prouve que nous prenons en compte le terrain.

Ma préoccupation est que nous puissions disposer, en amont et si possible de manière pluriannuelle, d’une prévision de l’évolution des classes et d’une projection, si ce n’est budgétaire, du moins d’engagement réciproque. Je crois que c’est cela qu’attendent les élus et nos concitoyens. Soyez assurée que je vais m’y atteler, madame la sénatrice.

Pour le reste, je veillerai à ce que soient préservées à la fois la vie de nos villages et de nos cantons et la qualité pédagogique, qui est essentielle à mes yeux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour la réplique.

Mme Annie Le Houerou. Madame la ministre, les fermetures de classes concernent, non seulement les territoires ruraux, mais aussi les zones urbaines. Votre rôle n’est pas d’organiser le déclin de nos communes rurales ou urbaines, il est de promouvoir leur attractivité.

L’école est à ce titre la mère des batailles ; or les effectifs des classes françaises sont les plus élevés d’Europe, les remplacements ne sont pas assurés, provoquant la fuite vers le privé. Le point d’alerte est franchi dans nos écoles. Voilà ce que nous disent les enseignants, motivés, mais frustrés de la dégradation des conditions de travail et de la violence qui se traduit dans les fiches d’incident qui remontent au ministère.

L’inclusion suppose des moyens et des classes moins chargées. Nous refusons l’école du tri social !

Si l’école est votre priorité, annulez les suppressions de postes et ne diminuez pas des moyens que vous estimez déjà insuffisants ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

pêche dans le golfe de gascogne

M. le président. La parole est à M. Alain Cadec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Alain Cadec. Ma question s’adressait à M. le secrétaire d’État chargé de la mer et de la biodiversité, qui devait être absent, mais qui vient de nous rejoindre. Peut-être me répondra-t-il, plutôt que M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, qui était prévu pour répondre à sa place. Quoi qu’il en soit, ce sera parfait ! (Sourires.)

Je souhaite interpeller le Gouvernement sur la fermeture spatiotemporelle de certains métiers de la pêche dans le golfe de Gascogne pendant un mois, fermeture du reste théoriquement reconductible dès l’année prochaine.

Cette fermeture a été obtenue par certaines ONG devant le Conseil d’État, alors même que le Gouvernement avait décidé de surseoir à cet oukase.

Si nous sommes tous convaincus, les pêcheurs les premiers, que nous devons protéger les cétacés, nous devons aussi la protection à l’espèce en voie de disparition que sont les pêcheurs eux-mêmes. (Très bien ! sur quelques travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur des travées du groupe GEST.)

Après le plan de sortie de flotte post-Brexit, cette interdiction spatiotemporelle contraint notre capacité à produire.

Certes, l’État indemnisera les marins à hauteur de 80 % de leurs pertes, soit environ 80 millions d’euros, mais avec quel argent ? En appliquant une fois de plus le principe du « quoi qu’il en coûte », vous creusez le déficit, messieurs les ministres !

Je rappelle par ailleurs que le domaine maritime européen est déjà le plus réglementé du monde et que nous importons 70 % des produits de la mer que nous consommons. Cette fermeture, qui affecte 450 navires et 1 500 marins, aura pour conséquence d’amoindrir de 8 000 tonnes l’apport de nos criées, qui sont déjà dans le rouge. Où est la souveraineté alimentaire que vous brandissez comme un étendard ?

Dans le même temps, les observations réalisées ces dernières années par les scientifiques européens démontrent que la population de cétacés dans le golfe est au moins stable, et sans doute en hausse.

Nos pêcheurs, pas plus que nos agriculteurs, ne demandent l’aumône, messieurs les ministres : ils veulent simplement pouvoir exercer leur métier et en vivre.

Quelle drôle de démocratie que la nôtre, quand le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État décident en lieu et place du Gouvernement et du Parlement ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Prenez vos responsabilités, messieurs les ministres ! Allez-vous mettre en œuvre tout ce que vous pouvez pour que cette fermeture arbitraire ne soit pas reconduite en 2025 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. (Ah ! sur diverses travées.)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Cadec, si le règlement intérieur de cette maison le permettait, c’est non pas un ministre, mais un duo de ministres qui vous répondrait, d’autant qu’il faudrait à la fois répondre au sénateur des Côtes-d’Armor que vous êtes, mais aussi à l’ancien président de la commission de la pêche du Parlement européen – trop peu le savent dans cet hémicycle –, qui connaît à ce titre parfaitement les politiques de décarbonation, d’électrification des bateaux et d’accompagnement de la pêche.

Mme Audrey Linkenheld. Quel flatteur ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Christophe Béchu, ministre. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, le point de départ est, non pas la position du Gouvernement, mais la décision du Conseil d’État du 22 décembre dernier, dont l’effet se termine le 20 février prochain, c’est-à-dire dans quelques jours.

Face à cette situation, qu’a fait le Gouvernement ?

Nous nous sommes tout d’abord assurés que cette décision d’une juridiction française s’appliquerait à tous les navires étrangers. Nous avons donc contrôlé cette fermeture spatiotemporelle. Je tiens à saluer le ministre des armées pour la participation de la marine nationale et de nos patrouilleurs à ces contrôles. Je puis du reste vous assurer, monsieur le sénateur, même si tel n’était pas l’objet de votre question, qu’à cette heure aucun manquement à cette fermeture n’a été constaté.

Je ne peux pas imaginer, ensuite, que vous opposiez les dauphins et les pêcheurs ni que vous considériez qu’il ne convienne pas de les accompagner à la hauteur de leur préjudice.

M. Rachid Temal. Les dauphins ? (Sourires sur les travées du groupe SER.)

M. Christophe Béchu, ministre. Après la tenue du Comité national des pêches le 1er février dernier, nous avons obtenu l’accord de la Commission européenne le 5 février, de sorte que la plateforme qui permettra aux pêcheurs d’être indemnisés à hauteur de 80 % à 85 % de leurs pertes sera ouverte dès la semaine prochaine. J’ajoute que, comme cela a été demandé, les mareyeurs, les ports et les criées seront également accompagnés.

Enfin, dès la semaine prochaine, Hervé Berville, qui est pleinement mobilisé sur cette question, et moi-même irons à la rencontre des pêcheurs pour tirer le bilan de cette année et réfléchir aux moyens d’éviter que l’on ne se retrouve dans la même situation l’année prochaine.

Le Gouvernement ne conteste pas que, avec près de 2 500 échouages, nous avons un niveau de capture élevé, même si cela peut par ailleurs faire débat. Les estimations selon lesquelles entre 5 000 et 10 000 dauphins communs ont été capturés de manière accidentelle nous interpellent sur la survie de l’espèce.

En tout état de cause, dès la semaine prochaine, la fin de cette fermeture sera l’occasion de regarder ensemble vers l’avenir. En effet, nous croyons à la filière de la pêche et à sa participation pleine et entière à la souveraineté alimentaire de notre pays. Alors même que la surpêche reflue, nous devons aller encore plus loin pour accompagner la reconstitution des stocks. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

sauvetage d’atos

M. le président. La parole est à M. Daniel Fargeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Daniel Fargeot. Ma question s’adresse à madame la secrétaire d’État chargée du numérique.

La semaine dernière, le groupe Atos, entreprise de services numériques implantée dans le Val-d’Oise, renonçait à son projet d’augmentation de capital. Dans la foulée, le titre dévissait une nouvelle fois de 25 %, soit un repli de plus de 50 % de sa valeur depuis le début de l’année et de 95 % en trois ans, traduction boursière d’une réelle perte de confiance dans la capacité de l’entreprise à se transformer.

Le projet de scission entre les activités d’infogérance et les activités de cybersécurité plus stratégiques a du mal à convaincre, malgré la récente présence d’Airbus à la table des négociations. Atos est bel et bien au bord de la faillite et confronté à une véritable problématique de liquidité.

Le recours annoncé à un mandataire ad hoc facilitera sans aucun doute les discussions avec les vingt-deux banques créancières pour refinancer les 3,6 milliards d’euros de dettes du groupe d’ici à la fin de l’année 2025.

Cela pourrait être l’histoire ordinaire d’une entreprise qui connaît une grave crise financière et qui utilise des outils lui permettant de gagner du temps pour négocier. L’histoire n’est peut-être toutefois pas si ordinaire, puisque le Sénat s’apprête à lancer une mission d’information sur les raisons de cette déconfiture. Et pour cause, nous sommes bien dans une situation d’urgence, car la France est plus que jamais liée à Atos.

Le géant informatique intervient en effet dans les secteurs stratégiques fondamentaux en matière de défense et de nucléaire. C’est aussi un partenaire de premier plan des jeux Olympiques de 2024 qui gère les opérations technologiques et de sécurité des soixante-trois sites olympiques et paralympiques.

M. le ministre Bruno Le Maire a indiqué la semaine dernière dans Les Échos que l’État « utilisera tous les moyens à sa disposition pour préserver les activités stratégiques » du groupe.

Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : quels sont ces moyens indispensables pour garantir la continuité de nos activités sensibles, sans perte de souveraineté, et pour pérenniser nos 10 000 emplois en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Rachid Temal applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Monsieur le sénateur Fargeot, je tiens tout d’abord à vous assurer de la pleine et entière mobilisation de l’intégralité des membres du Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre et du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, sur le dossier Atos, crucial pour notre pays.

Comme vous l’avez rappelé, Atos est l’un des fleurons de l’informatique. Ses technologies jouent un rôle clé pour notre autonomie stratégique, notre sécurité collective et notre défense.

Atos est aussi chargé de nombreux services pour la gestion des services publics et parapublics que nous utilisons quotidiennement.

Au mois de novembre dernier, M. le ministre Bruno Le Maire a indiqué que l’État veillerait à ce que les activités les plus sensibles, notamment les activités en lien avec la défense et les supercalculateurs, restent bien sous contrôle de l’État français.

M. Rachid Temal. Comment ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Nous sommes déterminés à défendre fermement les intérêts de la France dans ce dossier, monsieur le sénateur.

Nous le faisons notamment au travers des mécanismes de contrôle des investissements étrangers en France.

M. Rachid Temal. Comment ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Nous disposons également d’autres outils que nous saurons mobiliser si nécessaire.

M. Rachid Temal. Avec quels moyens ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. L’État veillera ainsi à encadrer et coordonner les discussions de restructuration en cours, avec la mobilisation du comité interministériel de restructuration industrielle qui accompagne d’ores et déjà le groupe.

M. Rachid Temal. Avec quels moyens ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Atos est par ailleurs l’un des principaux intégrateurs des technologies conçues pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), qui a audité les infrastructures développées par Atos très récemment, n’a à ce jour identifié aucune dégradation des relations avec Atos. Les équipes de l’entreprise continuent de travailler en étroite coordination et en bonne relation avec l’Anssi sur la sécurisation des infrastructures sensibles pour l’organisation des jeux Olympiques.

Nous serons enfin naturellement très attentifs aux conclusions de la mission d’information que le Sénat conduira. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

sécheresse dans les pyrénées-orientales

M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Sol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécheresse historique que traverse le département des Pyrénées-Orientales – pas de pluie, pas de neige et barrages au plus bas –, confirmée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), place les nappes phréatiques de notre département dans le rouge et emporte des conséquences inédites sur les deux piliers que sont l’agriculture et le tourisme, ce qui affecte fortement notre économie.

La situation est telle que certains maires sont obligés d’alimenter leurs administrés en eau potable à l’aide de bouteilles ou de citernes.

Malgré les efforts réalisés par tous notamment à la suite d’une charte cosignée par l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), les services préfectoraux et les élus locaux en matière d’usage, dont les dispositions ont permis d’économiser 30 % d’eau, ou du partenariat passé entre Perpignan Méditerranée Métropole (PMM) et l’agence de l’eau, nous n’y arrivons toujours pas.

Il est donc grand temps de passer à la vitesse supérieure. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de comités Théodule et de déclarations d’intention : il faut agir, et vite !

La délégation à la prospective de notre assemblée a déjà tiré la sonnette d’alarme en 2016, avec le rapport d’information Eau : urgence déclarée de nos collègues Jean-Jacques Lozach et Henri Tandonnet. En 2022, nous avons encore affiné nos analyses et nos propositions dans le rapport d’information Éviter la panne sèche – Huit questions sur lavenir de leau, dont j’étais corapporteur.

Dans ce contexte alarmant qui ne va pas s’améliorer compte tenu du dérèglement climatique, un plan d’action doit être rapidement mis en œuvre afin de limiter les fuites des réseaux d’eau tout en agissant sur les canaux d’irrigation, les retenues collinaires, les eaux usées, les usines de désalinisation, les débits réservés et la prolongation du « tuyau » Aqua Domitia qui achemine l’eau du Rhône et qui s’arrête dans l’Aude.

Si la question du coût ne doit naturellement pas être éludée, il faut lâcher les vannes, monsieur le ministre. Il y a urgence, car, chaque jour qui passe, c’est une entreprise qui s’assèche, une commune qui n’a pas d’eau potable, un incendie qui se déclenche, un projet urbanistique qui s’éteint.

À quand un plan Marshall pour les Pyrénées-Orientales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Jean Sol, depuis vingt mois, c’est-à-dire depuis le mois de juin 2022, le département des Pyrénées-Orientales n’est pas sorti des mesures de restriction. Ce cas est unique en France.

Nous sommes confrontés à un niveau de sécheresse historique, avec un déficit d’humidité des sols qui atteint 90 %. La sécheresse historique qui sévit également plus au Sud, près de Barcelone en Espagne, est la preuve, pour les rares climato-sceptiques qui pourraient subsister, que le temps de l’action et de l’adaptation s’impose désormais.

À travers vous, monsieur le sénateur, je tiens à saluer l’ensemble des collectivités locales, qui ont pris leurs responsabilités et qui, en appliquant le plan préfectoral, ont permis une baisse de 30 % de la consommation d’eau. Je salue également le plan d’action présenté il y a quelques jours par le préfet des Pyrénées-Orientales sous l’autorité du ministère de l’intérieur et de mon ministère.

Alors qu’il n’existait qu’un seul projet de réutilisation des eaux usées l’année dernière, ce sont désormais sept projets qui sont accompagnés par l’État. Nous sommes sur le point de soutenir un nouveau projet ambitieux lancé par la communauté urbaine de Perpignan.

En parallèle, des projets de retenues collinaires ont été élaborés, avec la réserve que, même si nous en acceptons le principe, il faut bien qu’il pleuve pour que ces retenues soient utiles. Or, avec 153 millimètres cumulés de précipitations au cours de ces derniers mois, nous constatons que la ressource manque.

M. Yannick Jadot. Et pourquoi pas des mégabassines ?

M. Christophe Béchu, ministre. Nous devons donc à la fois poursuivre ces efforts de sobriété, qui ont permis, comme vous le mentionnez, une baisse de 30 % de la consommation d’eau dans votre département, et optimiser l’ensemble de notre stratégie, dans le prolongement du plan Eau, lequel prévoit de nouveaux moyens pour lutter contre les fuites, insiste sur la nécessité pour une commune isolée de ne pas gérer seule la compétence eau, et rappelle l’intérêt que nous aurions à réutiliser les eaux usées.

D’ici à la fin du mois de février, le préfet des Pyrénées-Orientales me fera part de l’ensemble des perspectives qui sont les nôtres en la matière. J’aurai en outre l’occasion, au mois de mars prochain, de me rendre dans votre département, à la rencontre de vos administrés, qui sont particulièrement concernés par ces difficultés et qui subissent une situation, certes unique, mais dont, à bien des égards, nous devons nous inspirer pour nous adapter efficacement au changement climatique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Jean Sol, pour la réplique.

M. Jean Sol. Monsieur le ministre, je vous remercie de reconnaître l’étendue des dégâts, mais ce ne sont pas des mots que nous attendons pour panser nos maux.

M. Christophe Béchu, ministre. Je le sais bien…

M. Jean Sol. Nous vous demandons un véritable plan Marshall pour éviter la guerre de l’eau et garantir la survie de notre département ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Cécile Cukierman applaudit également.)

diagnostic de performance énergétique des logements

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, créer un choc d’offre pour permettre à chacun d’accéder au logement, tel est votre credo. Certes, mais à quel logement faites-vous allusion ?

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, annonçait l’interdiction à la location des passoires thermiques les moins bien isolées, les habitations classées G, dès 2025.

Lundi, monsieur le ministre, vous avez annoncé qu’avec votre réforme nous sortirions « 140 000 logements de moins de 40 mètres carrés de la catégorie des passoires énergétiques », soit 15 % des logements classés F et G.

Pourtant, nos concitoyens aux revenus les plus faibles souhaitent avoir un logement locatif qui ne soit pas une passoire énergétique ou financière.

Vous faites en réalité le choix de remettre des logements énergivores sur le marché locatif. Or près de 37 % de ces logements sont occupés par des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté, parmi lesquels on dénombre de nombreux étudiants.

Ce n’est pas parce que vous modifierez l’algorithme du diagnostic de performance énergétique (DPE) que, tel un magicien, vous modifierez la qualité énergétique du logement !

Mes questions sont simples. En abaissant les critères qualitatifs des logements, au lieu d’inciter et d’aider les propriétaires à procéder à leur rénovation, quel signal pensez-vous envoyer ? Comment parviendrons-nous à respecter les engagements climatiques de notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Roiron, ne pas connaître un sujet est un privilège dont il ne faut pas abuser…

En essayant de présenter cette réforme et ce problème d’algorithme comme une remise en cause de la loi Climat et résilience, alors même que les trois fédérations de diagnostiqueurs, la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim), la Fédération française du bâtiment (FFB), mais aussi la Fondation Abbé Pierre ou Leclerc, membre du Réseau Action Climat, saluent une mesure qui, d’une part, est limitée, puisqu’elle ne vise que de petites surfaces, d’autre part, contribue à corriger un biais mathématique, vous faites le jeu de ceux qui pensent qu’il faudrait revoir en totalité nos ambitions concernant les passoires énergétiques, voire le dispositif lui-même. (Mme Cathy Apourceau-Poly proteste.)

M. Christophe Béchu, ministre. De quoi parle-t-on ?

Quand 68 % des logements de moins de 10 mètres carrés sont des passoires énergétiques, alors que ce n’est le cas que de 12 % des habitations de plus de 100 mètres carrés, vous admettrez que c’est peut-être à cause d’un problème de calcul.

Quand, de surcroît, vous prenez conscience que la consommation du ballon d’eau chaude n’est pas calculée globalement, mais qu’elle est rapportée au mètre carré – alors que chacun sait que l’on ne prend pas dix fois plus de douches dans un logement de 100 mètres carrés que dans un studio de 10 mètres carrés ! –,…

Mme Audrey Linkenheld. Qui peut habiter dans 10 mètres carrés ?

M. Christophe Béchu, ministre. … vous saisissez pourquoi il y a une forme de justice à appliquer une franchise sur les premiers mètres carrés.

C’est la raison pour laquelle les professionnels nous disent, depuis des mois, que la réforme que nous avons conduite est une réforme de bon sens ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Emmanuel Capus. Excellent !

M. Christophe Béchu, ministre. Cela étant, peut-être aurez-vous des raisons valables de vous plaindre de nos propositions dans les jours qui viennent. Avec Guillaume Kasbarian, je recevrai demain matin des représentants de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) et de la FFB.

C’est une chose de prétendre avoir l’ambition de lutter contre les passoires énergétiques, c’en est une autre de se complaire dans une complexité administrative qui, en définitive, dégoûte les artisans, voire les Français dans leur ensemble. (MM. Emmanuel Capus et Jean-Baptiste Lemoyne acquiescent.)

M. Michel Savin. Mais c’est de votre faute !

M. Christophe Béchu, ministre. Je pense à la multiplicité des labellisations, mais aussi à la complexité de dispositifs, dont la durée diffère bien souvent. (Protestations sur des travées du groupe CRCE-K.)

Depuis plus d’un an, certains d’entre vous, ici même, dans cet hémicycle, ou par courrier, m’alertent de telle ou telle situation dans leur circonscription, me signalent que leurs administrés sont confrontés à telle ou telle difficulté, et me demandent si l’on ne pourrait pas simplifier le dispositif existant ou faire évoluer les critères relatifs à la fraude.

M. Christophe Béchu, ministre. Nous faisons le choix de garder un cap ambitieux en matière climatique – notre pays a réduit de 4,5 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2023 – en accélérant la rénovation énergétique des logements, tout en continuant à écouter les professionnels et les Français.

Mme Cécile Cukierman. Vous n’écoutez pas les Français !

M. Christophe Béchu, ministre. Pour le Gouvernement, il s’agit d’être inflexible sur l’objectif, mais souple sur les moyens d’y parvenir, et cela en débureaucratisant, comme le Premier ministre s’y est engagé. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme Cécile Cukierman. Ce sont les plus pauvres qui vont payer !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour la réplique.

M. Pierre-Alain Roiron. Agir pour résorber la précarité énergétique est une nécessité sociale et environnementale.

Nous constatons que vous préférez remettre en cause votre loi, vos mesures, et précariser les logements plutôt qu’accompagner efficacement la rénovation indispensable du parc locatif.

Hausse des coûts de l’énergie, décence des logements, leasing social : quand il s’agit de la situation des Français les plus modestes, vous ne pratiquez pas la politique que vous annoncez ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

moratoire sur les jurys rectoraux

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Piednoir. Ma question s’adressait à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

En France, « l’enseignement supérieur est libre », aux termes de la loi du 12 juillet 1875, dont les dispositions sont toujours en vigueur. Cette liberté s’exerce dans le cadre du monopole de collation des grades et des diplômes, monopole qui appartient à l’État depuis la loi du 18 mars 1880.

Pour faire coexister la liberté de l’enseignement supérieur et ce monopole, le législateur a prévu deux voies permettant aux étudiants des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général (Eespig) de bénéficier de diplômes d’État : d’un côté, la voie de la convention avec une université publique, parfois difficile à mettre en œuvre dans certains territoires ; de l’autre, la voie du jury rectoral, qui se compose de professeurs d’université désignés par le recteur.

Or le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a récemment annoncé un moratoire sur les jurys rectoraux, qui a d’ores et déjà mis en difficulté plusieurs établissements qui souhaitaient ouvrir de nouvelles formations pour la prochaine rentrée universitaire.

Dans la mesure où la ministre a rencontré les représentants de ces établissements il y a quelques jours, je souhaitais connaître sa position sur le sujet.

Confirme-t-elle la décision de la directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle d’appliquer un moratoire sur les jurys rectoraux ? A-t-elle, au contraire, l’intention de revenir sur une mesure qui pénalise autant les établissements que les étudiants ? Plus largement, doit-on craindre une remise en cause de la liberté d’installation des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général, en faisant de l’avis des universités publiques un préalable indispensable à toute nouvelle création de formation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Piednoir, je vous réponds au nom de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui se trouve actuellement à Bruxelles avec ses homologues européens.

Oui, et encore oui, il faut continuer à encourager la diversité et le dynamisme de l’enseignement, en assurant le choix d’un enseignement supérieur de qualité, qu’il soit public ou privé.

Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fait savoir qu’il se réjouit du développement des établissements privés et, plus particulièrement, des établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général.

Toutefois, et compte tenu du caractère national d’un certain nombre de diplômes, comme la licence ou le master, ceux-ci doivent remplir deux conditions : la première tient à la qualité de la formation délivrée ; la seconde a trait à la nécessaire cohérence de cette formation avec la charte de formation territoriale.

Pour satisfaire à cette double condition, l’établissement peut conclure une convention avec une université, convention qui lui ouvre alors le droit de proposer cette formation. Si l’établissement privé n’y parvient pas, il peut emprunter la voie du jury rectoral.

M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas une réponse : c’est la loi !

Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. Saisi, le rectorat vérifie la qualité de la formation dont l’ouverture est sollicitée. Il contrôle également la complémentarité de celle-ci avec l’offre de formation préexistante au sein de la région académique et du site d’implantation concerné. C’est à ces conditions que le rectorat autorisera l’établissement privé à former des étudiants en vue de la délivrance d’un diplôme national.

Dès lors que ces conditions ont été clarifiées par le ministère, comme je viens de le faire aujourd’hui devant vous, je confirme qu’il n’y a aucun moratoire sur les jurys rectoraux : les recteurs peuvent donc reprendre tranquillement leurs travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, je suis réellement surpris de votre réponse : chacun sait que les difficultés que j’ai évoquées existent et qu’une forme de moratoire s’applique aux nouvelles formations que certains établissements privés veulent proposer à la future rentrée universitaire. C’est un fait qu’il est inutile de cacher derrière des arguties.

Vous avez évoqué les différentes voies d’accès, je les avais moi-même rappelées. Je connais la volonté de la ministre de maintenir la diversité de l’enseignement supérieur, mais celle-ci n’existe pas dans les faits aujourd’hui.

Certains établissements d’enseignement supérieur privés d’intérêt général seront en difficulté à la rentrée prochaine. Je contacterai la ministre pour en savoir davantage sur le sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

transfert des compétences sociales aux départements

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Monsieur le Premier ministre, lors de votre discours de politique générale, vous avez annoncé vouloir la suppression pure et simple de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), dont vous prévoyez le basculement des bénéficiaires vers le revenu de solidarité active (RSA).

Comme vous le savez pertinemment, cette allocation est gérée par Pôle emploi et relève du régime de solidarité financé par l’État, tandis que ce sont les conseils départementaux qui sont chargés du financement du RSA.

Les départements sont invités à investir toujours plus dans la transition écologique, à mieux armer nos pompiers face aux risques climatiques, mais aussi, évidemment, à entretenir leur réseau routier et les collèges, et à poursuivre le déploiement de la fibre.

Désormais, pourtant déjà confrontés à une érosion de leurs recettes, ils devront assumer vos décisions, comme la mise en place, sans concertation, du montant net social destiné à servir de référence pour les futurs bénéficiaires du RSA.

Permettez-moi de vous rappeler un adage bien connu ici, au Sénat : « Qui décide paie. »

La mise en place de la solidarité à la source et la suppression de l’ASS auront de lourdes conséquences sur le volume des dépenses sociales. Environ 5,5 milliards d’euros viendront s’ajouter aux plus de 10 milliards d’euros que versent déjà les départements. L’État ne couvre désormais plus que la moitié de cette somme, alors qu’il prenait en charge – souvenez-vous-en mes chers collègues ! – 88 % du montant du revenu minimum d’insertion, le RMI, au moment où ce dernier a été mis en place.

Les départements ne seront pas en mesure de mobiliser les milliards d’euros nécessaires. Aussi, j’en appelle à votre sens de l’État, madame la ministre : comment comptez-vous soutenir les départements ? Comment compenserez-vous les dépenses sociales que vous engagez et qui relèvent de la solidarité nationale ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Burgoa, vous nous interrogez sur les conséquences, pour les départements, des réformes annoncées en matière de solidarité.

Vous le savez, notre gouvernement porte en son sein la volonté de moderniser, de simplifier, donc de réformer. En matière de solidarité, nous avons besoin de réformer et d’apprendre à faire différemment – je pense que l’on partage cette ambition –, tout simplement pour mieux accompagner les bénéficiaires des politiques d’insertion, mieux revaloriser le travail et, comme l’a dit le Premier ministre, « désmicardiser » notre pays.

La solidarité à la source, qui est une réforme promue par le Premier ministre, constitue un chantier majeur de simplification de la vie des Français. Elle doit permettre, d’une part, de lutter contre le non-recours aux aides pour les ménages qui y ont droit, d’autre part, de lutter contre la fraude aux prestations sociales.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. On a testé dans l’Yonne : cela fonctionne !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Comme vous l’avez indiqué, le Premier ministre a annoncé la suppression de l’allocation de solidarité spécifique, laquelle se fera de manière progressive et ne s’appliquera qu’aux nouveaux bénéficiaires potentiels de l’allocation.

Mme Silvana Silvani. Qui va payer ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Ces réformes ont bien sûr des conséquences pour nos départements, tant en termes d’organisation que pour leurs finances ; vous avez eu raison de le souligner, et nous en sommes parfaitement conscients.

Cela étant, comme je le disais, il faut apprendre à faire différemment pour mieux servir nos objectifs, lesquels sont partagés par nos concitoyens. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)

Pour autant, j’entends et je comprends les craintes exprimées par les départements quant à l’impact de ces réformes sur leur situation financière dans un contexte que nous connaissons bien de baisse des recettes liées aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et de dégradation de l’épargne de certains d’entre eux.

Nous avons prouvé, au cours des derniers mois, notre plus totale détermination à soutenir financièrement les départements. J’ai même personnellement suivi, en lien étroit avec Départements de France, l’évolution de la situation budgétaire de chacun d’entre eux – j’y insiste. (M. Mickaël Vallet sexclame.)

Nous regarderons au cas par cas les conséquences des choix que nous faisons. Nous serons aux côtés des départements pour continuer de servir ensemble une France plus juste. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé sexclame.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour la réplique.

M. Laurent Burgoa. Madame la ministre, nous avons besoin de gouvernants et non de communicants.

M. Mickaël Vallet. C’est mal barré !

M. Laurent Burgoa. En ce 14 février, souvenez-vous que, en politique comme en amour, il n’y a que les actes qui comptent ! (Sourires.) Nos départements les attendent. Ils ne sont pas les sous-traitants de l’État !

Notre démocratie le mérite. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

infirmiers sapeurs-pompiers

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

M. Joshua Hochart. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer. Elle concerne les 8 000 infirmiers sapeurs-pompiers et, plus particulièrement, les 230 infirmiers sapeurs-pompiers du département du Nord, qui se trouvent actuellement dans une situation préoccupante.

Ces derniers réalisent chaque année plus de 8 000 interventions, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, dans le cadre de l’aide médicale d’urgence (AMU). Récemment, sous l’autorité du président du conseil départemental, le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) du Nord a émis le souhait de supprimer de ses prérogatives toutes les interventions que celui-ci réalise dans le cadre de l’aide médicale d’urgence.

Cette décision entraînerait une perte de chances considérable pour les habitants du Nord, dans un territoire qui souffre déjà énormément et dont les indicateurs de santé sont inférieurs à la moyenne nationale.

Cette mesure budgétaire qui ne veut pas dire son nom est un scandale !

Les infirmiers sapeurs-pompiers, dont le statut a été créé il y a plus de vingt ans, ont largement démontré leur efficacité. D’autres départements s’en sont d’ailleurs inspirés.

Qui, aujourd’hui, pourrait assurer leurs 8 000 interventions, qui plus est dans un contexte où les services mobiles d’urgence et de réanimation (Smur) de la région Hauts-de-France sont obligés de réduire leur activité faute de médecins ?

Au-delà de l’énorme risque qui serait pris à quelques mois des jeux Olympiques et Paralympiques, il en résulterait une perte d’attractivité considérable pour le service de santé et de secours médical du Sdis.

Aussi, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette question. Quel rôle souhaite-t-il que les infirmiers sapeurs-pompiers jouent dans la chaîne de secours : auxiliaires de santé au travail ou véritables acteurs de l’urgence préhospitalière ? Plus largement, dans un contexte où les déserts médicaux se multiplient, quelle place entend-il réserver à la paramédicalisation des interventions préhospitalières ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le sénateur Hochart, le conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours (Sdis) du Nord, sous l’autorité du président du département, a engagé une réflexion sur le recentrage de ses activités de soutien sanitaire pour mieux s’articuler avec le service d’aide médicale urgente (Samu) et tout simplement éviter d’envoyer des infirmiers et des médecins sur des opérations de secours à la personne pouvant être prises en charge, notamment en milieu urbain, par le Samu.

Quoi de mieux qu’une meilleure coordination, notamment entre les « rouges » et les « blancs » ? Nous sommes pour notre part très heureux que le Sdis du Nord conduise cette réflexion.

Je relève que rien n’interdit à un Sdis de faire un tel choix pour son organisation, pour peu qu’il continue à assurer ses missions de secours. Chaque Sdis peut avoir une approche différente du sujet en fonction des réalités territoriales qui sont les siennes.

Dans les territoires ruraux, l’intervention des équipes médicales des Sdis est souvent la plus rapide. Dans les zones plus urbaines, la réponse du Samu est très souvent plus efficace.

Pour ce qui est du Sdis du Nord, les infirmiers et les médecins resteront toujours en soutien des sapeurs-pompiers en opération. Je tiens donc à rassurer les sapeurs-pompiers qui s’en inquiéteraient.

Le Gouvernement reste, comme toujours, très attentif aux conditions d’emploi de nos sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Joshua Hochart, pour la réplique.

M. Joshua Hochart. Madame la ministre, la coordination se fera les uns avec les autres, et non les uns sans les autres, comme le veut le Sdis du Nord.

Les belles paroles ne suffisent plus. Je me permettrai de faire un parallèle avec ce merveilleux jour de la Saint-Valentin : en politique, comme en amour, seules comptent les preuves ! Alors, au boulot ! (Exclamations amusées. – Mme Christine Herzog applaudit.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 28 février, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Pierre Ouzoulias.)

PRÉSIDENCE DE M. Pierre Ouzoulias

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise
Discussion générale (suite)

Confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, présentée par M. Louis Vogel et plusieurs de ses collègues (proposition n° 126, texte de la commission n° 321, rapport n° 320).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Louis Vogel, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi quau banc des commissions.)

M. Louis Vogel, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présenter devant vous une proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

Certains des traits de cette proposition de loi sembleront probablement familiers à plusieurs d’entre vous, puisqu’elle prolonge un amendement déposé par notre collègue Hervé Marseille dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027. Sans son initiative, je ne serais pas devant vous aujourd’hui ; qu’il en soit remercié, de même que le groupe UC.

Alors qu’une commission mixte paritaire avait consacré l’inscription de ce dispositif dans la loi, le Conseil constitutionnel, par sa décision du 16 novembre 2023, l’a censuré en tant que cavalier législatif. La censure n’a donc pas porté sur le fond : elle est d’ordre technique.

Un nouveau véhicule législatif était donc nécessaire et je remercie mon groupe, le groupe Les Indépendants – République et Territoires, d’avoir saisi l’occasion de notre niche parlementaire pour inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Louis Vogel. Le texte qui vous est présenté résulte d’un important travail commun de la commission des lois, dont je salue le président, François-Noël Buffet, ainsi que tous les membres avec lesquels j’ai pu débattre de ce sujet avec sérieux et responsabilité.

Je tiens à remercier également nos collègues Olivier Rietmann, président de la délégation sénatoriale aux entreprises, et Agnès Canayer de leurs éclairages. Quant à notre rapporteure Dominique Vérien, je la salue, évidemment, pour son investissement et son écoute bienveillante. Les auditions qu’elle a menées l’ont conduite à proposer des amendements qu’elle a pu faire adopter par la commission, et qui ont beaucoup enrichi le texte initial.

Loin d’être un sujet anecdotique ou purement technique, la question de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise concerne, en France, plus de 5 000 sociétés et plus de 20 000 juristes d’entreprise. Il s’agit, après les avocats, de la deuxième profession juridique dans notre pays.

Ce sujet essentiel fait l’objet de discussions depuis plus de trente ans en raison des enjeux économiques et politiques qu’il recouvre.

Il a été abordé sous de multiples angles depuis la publication du rapport remis en 1988 par Daniel Soulez-Larivière, qui préconisait déjà de faire bénéficier les juristes d’entreprise de « règles de confidentialité d’échanges de correspondances ».

Ont suivi les rapports d’Henri Nallet, de Marc Guillaume, de Jean-Michel Darrois, du député Raphaël Gauvain et, enfin, du groupe de travail sur la justice économique et sociale présidé par Jean-Denis Combrexelle.

Tous ces rapports, s’ils ne placent pas le curseur au même endroit, vont dans le même sens, celui de la reconnaissance de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise.

La question sur laquelle vous êtes appelés à vous prononcer, mes chers collègues, n’est donc pas anodine : elle est déterminante et n’a pu trouver, à ce jour, de réponse législative.

Par ce texte, nous proposons une adaptation de notre système juridique qui est plus nécessaire que jamais, en répondant à toutes les critiques qui ont été formulées au fil des années.

Longtemps, les juristes d’entreprise se sont contentés, dans notre pays, de mettre en forme juridique des décisions prises par d’autres – des ingénieurs, des commerciaux… Mais la pratique a évolué : le juriste d’entreprise voit son rôle de plus en plus reconnu. Surtout, l’État lui-même lui délègue désormais des tâches de plus en plus nombreuses. Ce faisant, il fait des juristes d’entreprise de véritables auxiliaires des pouvoirs publics, en les investissant de missions préventives, l’objectif étant d’identifier les risques juridiques avant que d’éventuels problèmes ne se posent.

C’est ce que l’on appelle la « compliance », ou « conformité ». D’origine anglo-saxonne, où elle fait florès, notamment dans les domaines bancaire, financier et de la concurrence, cette notion a pris de l’ampleur en France, en particulier depuis l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2.

Cette dernière avait pour objet d’aider les personnes confrontées à la loi à prévenir et à détecter les violations d’intégrité.

Le contrôle de la conformité s’est ensuite étendu, avec l’entrée en vigueur de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, à d’autres domaines de la vie des entreprises – égalité entre les femmes et les hommes, environnement, responsabilité sociétale des entreprises (RSE), etc. – pour lesquels la méthode traditionnelle d’application uniforme des règles à toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur économique, et de sanction a posteriori apparaissait peu adaptée.

Le contrôle s’étend désormais des programmes de conformité préconisés par l’Autorité de la concurrence jusqu’aux autoévaluations imposées par la Commission européenne en matière de respect du droit antitrust.

Dans cette conception nouvelle du droit, les rôles de l’État et des entreprises sont modifiés : ce sont les juristes d’entreprise qui élaborent et qui appliquent la norme – codes de conduite, dispositifs d’alerte, cartographie des risques… L’État n’intervient plus que dans un second temps, en cas de non-respect des obligations de conformité.

Le phénomène est aujourd’hui si répandu que, dans de nombreuses grandes sociétés françaises, le directeur juridique porte désormais le titre de « directeur juridique et de la conformité ».

Cette évolution majeure de notre droit implique d’adapter nos règles. Si nous voulons inciter les juristes d’entreprise à dénoncer les comportements déviants à leur direction générale ou à leur direction commerciale et à assumer le rôle préventif qu’on leur demande de jouer, nous devons éviter tout risque d’auto-incrimination.

Pour ce faire, il n’existe qu’un seul moyen : que leurs avis juridiques préventifs soient protégés en cas de contrôle. À défaut, aucun avis ne sera émis, et tous les textes que j’ai évoqués auront été votés pour rien. Tel est précisément l’objet de cette proposition de loi.

Le qui vous est soumis, mes chers collègues, est équilibré ; il répond à l’ensemble des critiques et des inquiétudes qui ont été à juste titre exprimées et permet l’adaptation de notre système juridique aux défis qui l’attendent.

Tout d’abord, cette proposition de loi ne vise pas à entraver – je veux l’affirmer avec force – le travail d’enquête des autorités de contrôle. Celles-ci élaborant elles-mêmes des programmes de conformité et auront besoin de ce texte pour les mettre en œuvre.

Je rappelle que l’avis d’un juriste d’entreprise n’est pas un élément indispensable à défaut duquel une enquête ne pourrait être menée à son terme. Il est même très rare, en cas d’enquête, qu’intervienne l’avis d’un juriste d’entreprise.

Ensuite, la confidentialité de l’écrit du juriste d’entreprise ne sera pas applicable lorsque ce dernier participe, encourage ou facilite la commission d’une infraction.

De plus, en cas de soupçon par les autorités de contrôle, une procédure spécifique de mainlevée de la confidentialité a été prévue, dans le respect des droits de la défense.

J’ajoute que les domaines du droit pénal et du droit fiscal sont exclus du champ d’application de cette proposition de loi.

Ce texte ne crée pas non plus une nouvelle profession réglementée, qui concurrencerait la profession d’avocat. La confidentialité des avis des juristes d’entreprise ne doit pas être confondue avec le secret professionnel des avocats, qui n’a pas le même objet ni n’est soumis au même régime.

La confidentialité n’est pas un secret absolu lié à la qualité de juriste d’entreprise in personam : elle est une protection in rem, liée à un avis spécifique, identifié et traçable. En d’autres termes, il s’agit d’une protection des avis et non des personnes.

Enfin, par cette proposition de loi, nous entendons offrir un cadre juridique compétitif aux entreprises françaises – c’est fondamental ! Applicable, sous diverses formes, en Belgique, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans dix-sept des trente-trois pays membres de l’OCDE, la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise est une arme essentielle en matière d’attractivité économique.

Si la France souhaite disposer de juristes d’entreprise de plein exercice, elle doit à son tour leur reconnaître cette prérogative. L’adoption de ce texte évitera l’installation de services juridiques offshore et constituera une réponse beaucoup plus efficace que les lois de blocage aux injonctions extraterritoriales inadmissibles des juges étrangers, notamment américains.

Je l’ai vécu ! J’ai entendu un juge dire, après avoir engagé une procédure d’injonction de produire tel ou tel document, que s’il avait existé une loi sur la confidentialité il n’aurait pas prononcé une telle ordonnance.

Il convient de placer le droit français à l’avant-garde et d’inspirer les futurs textes européens qui ne manqueront pas d’être adoptés dans les domaines que j’ai cités.

Je tiens à affirmer, car certains ont prétendu le contraire, que la confidentialité française n’est absolument pas en contradiction avec les textes européens. En effet, elle s’appuie sur le principe d’autonomie procédurale des États membres et ne s’oppose aucunement au principe de primauté du droit européen en cas d’enquête européenne.

En définitive, loin d’avoir à craindre je ne sais quelle concurrence nouvelle, les avocats français peuvent se féliciter que ce texte leur ouvre de nouveaux marchés.

Avec cette proposition de loi, nous allons de l’avant : il n’y a aucune crainte à avoir. Il faut y aller, pour nos juristes, pour nos entreprises et pour notre droit ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Hervé Marseille et Olivier Rietmann applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner la proposition de loi, déposée par notre collègue Louis Vogel, visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

La principale vertu du dispositif qui est soumis à notre délibération n’est certainement pas son originalité. En effet, nous avons déjà adopté un dispositif très similaire lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, dont Agnès Canayer et moi-même étions rapporteures.

Cette disposition a néanmoins été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’elle constituait un cavalier législatif. Je remercie donc notre collègue Louis Vogel de nous donner l’occasion d’achever le travail entamé l’année dernière.

Nous souhaitons, par la présente proposition de loi, clore un débat récurrent sur le statut et les prérogatives des juristes d’entreprise.

Cependant, nous avons bien entendu les inquiétudes de certains avocats et autorités de contrôle ; nous avons tenté d’y répondre en amendant le texte initial.

D’une part, certains avocats craignaient la création d’une nouvelle profession réglementée – je dis bien « certains avocats », car la profession est divisée sur le dispositif ici proposé, le barreau de Paris y étant favorable tandis que le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers s’y opposent.

D’autre part, certaines autorités administratives indépendantes craignaient que la confidentialité ainsi octroyée aux consultations juridiques n’obère leurs pouvoirs d’enquête et de contrôle.

En ce qui concerne la première de ces craintes, il me semble que ce dispositif, qui sera facteur d’attractivité économique pour la place de Paris, ne doit poser aucune difficulté à la profession d’avocat. La commission des lois a porté une attention particulière à ce point, en supprimant la référence à la déontologie dans le contenu des formations que les juristes d’entreprise seraient tenus de suivre et en supprimant la création d’une commission chargée de définir le contenu de cette formation, qui laissait poindre un fonctionnement ordinal.

Dès lors, il est inexact de prétendre que nous créons une nouvelle profession réglementée, d’autant que, je le rappelle, la confidentialité ici définie, contrairement à celle qui est reconnue aux avocats, est attachée seulement au document, et non à la personne du juriste.

Pour ce qui est de la seconde inquiétude, plusieurs amendements déposés sur le texte de la commission nous permettront d’avoir un débat sur les pouvoirs de contrôle et d’enquête de certaines autorités administratives indépendantes.

Le texte de notre commission me paraît pourtant apporter certaines garanties à cet égard.

Il renforce en particulier la procédure de contestation et de levée de la confidentialité via le recours à un commissaire de justice, ce qui permet d’éviter que le document saisi dont la confidentialité est alléguée ne demeure dans les locaux de l’entreprise, laquelle ne pourra ainsi l’altérer.

Par ailleurs, afin de répondre à une critique qui a été formulée contre le dispositif, nous avons prévu une procédure ad hoc pour la contestation ou la levée de la confidentialité d’un document. Les autorités de contrôle trouvaient trop facile pour les entreprises de tout mettre dans un coffre-fort siglé « confidentiel ».

Selon la procédure que nous avons conçue, lorsque la saisie aura lieu, les documents seront mis à l’abri chez un commissaire de justice. Un juge les triera dans le cadre d’une procédure contradictoire et remettra aux autorités ce qui leur revient.

Dans ces conditions, si je peux naturellement comprendre les craintes de ces autorités de contrôle, je ne les partage pas.

Du reste, je constate que nos principaux partenaires économiques garantissent un certain degré de confidentialité aux juristes d’entreprise ou aux avocats en entreprise sans constituer pour autant des Far West de la régulation économique…

Je ne partage pas non plus les arguments constitutionnels et conventionnels parfois invoqués par les détracteurs de ce texte.

Sur le plan constitutionnel, il ne me semble pas que cette proposition de loi méconnaisse les objectifs de sauvegarde de l’ordre public économique ou de recherche des auteurs d’infraction. Il s’agit au contraire, par le présent texte, d’en assurer la conciliation, sur des bases nouvelles, avec d’autres principes à valeur constitutionnelle, dans un objectif d’intérêt général.

Sur le plan de la conformité au droit européen, notre rédaction ne nous paraît pas poser de réel problème, étant entendu que les autorités de contrôle de l’Union européenne ne se verraient pas imposer la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

S’il apparaissait néanmoins nécessaire d’apporter une précision en la matière pour rassurer les acteurs concernés – tel est du reste l’objet d’un amendement déposé par le Gouvernement –, je n’y serais pas opposée par principe.

Au surplus, le dispositif qui est soumis à votre examen me paraît équilibré et proportionné à l’objectif visé, et ce à deux égards.

Il est proportionné, en premier lieu, au regard du champ d’application que nous avons retenu : toutes les personnes exerçant des fonctions de juriste en entreprise ne pourront pas ab initio revêtir leurs consultations juridiques du privilège de la confidentialité. Ces personnes seront tenues d’être dûment formées à cette fin et devront remplir des conditions de qualification que nous avons renforcées – les juristes qui rédigent des consultations couvertes par la confidentialité devront notamment être titulaires d’un master 2 en droit.

Par ailleurs, toutes les pièces écrites qu’ils produisent ne seront pas confidentielles : seules celles qui auront été spécialement identifiées comme telles et auront fait l’objet d’un classement particulier au sein des fichiers de l’entreprise le seront.

Il est proportionné, en second lieu, au regard des conséquences juridiques qu’il prévoit pour les documents dont la confidentialité serait alléguée : cette confidentialité ne serait pas opposable en matière pénale ou fiscale, ce qui me paraît une garantie importante.

En outre, dans les autres matières, la confidentialité ne sera pas absolue et pourra être soit contestée, dès lors que le document en question n’en respecte pas les critères, soit levée, dès lors que le juriste d’entreprise a facilité ou incité à la commission de manquements.

En d’autres termes, si un juriste d’entreprise outrepasse le rôle d’alerte qu’il s’agit de lui confier et qui est précisément défini par la présente proposition de loi, la confidentialité du document pourra être levée.

Dans ces conditions, à moins de faire peu de cas de nos délibérations passées, il serait particulièrement paradoxal que nous n’adoptions pas un texte dont le dispositif est plus robuste et plus précis que celui de l’amendement que nous avons adopté l’année dernière. (M. le garde des sceaux approuve.) À cet égard, je remercie l’auteur de la proposition de loi, Louis Vogel, de la qualité de nos échanges.

En conséquence, mes chers collègues, je vous propose d’adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Pierre-Antoine Levi et Hervé Marseille applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le sénateur Vogel, monsieur le vice-président de la commission des lois, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de me retrouver cet après-midi devant vous, car l’examen de cette proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise va nous permettre de poursuivre un travail engagé de longue date – je vous en remercie tout particulièrement, monsieur le sénateur Vogel.

Vous aviez déjà voté une disposition qui représentait une réelle avancée en la matière, voilà à peine quelques mois, dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, sur l’initiative du président Hervé Marseille, que je salue, et avec l’appui décisif des rapporteures Dominique Vérien – déjà ! – et Agnès Canayer. Cette initiative avait trouvé un écho favorable à l’Assemblée nationale, où le dispositif avait été perfectionné par le rapporteur Jean Terlier et le président Olivier Marleix.

M. Laurent Burgoa. Quelles références !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce travail consensuel avait finalement été – nous étions un certain nombre à le craindre – censuré par le Conseil constitutionnel, non pas pour des raisons de fond, mais pour des raisons de procédure, le Conseil ayant estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

Monsieur le sénateur Vogel, vous me donnez, par cette proposition de loi, l’occasion de redire avec conviction ma volonté de renforcer la fonction juridique au sein de l’entreprise.

En effet, le constat est simple et unanimement partagé : les entreprises françaises sont soumises à des obligations de conformité de plus en plus exigeantes. Les analyses des juristes d’entreprise portent donc sur des sujets toujours plus nombreux – protection des données personnelles, lutte anticorruption, lutte contre le blanchiment, responsabilité sociale des entreprises.

À défaut d’être protégés par des règles de confidentialité, les juristes d’entreprise sont mis en difficulté s’agissant d’élaborer des stratégies internes claires. Ils amputent souvent leurs analyses écrites et se contentent d’alerter oralement les cadres dirigeants.

Les juristes d’entreprise se trouvent dès lors dans une situation somme toute paradoxale : ils doivent mettre en œuvre des obligations de conformité et alerter les cadres dirigeants des risques juridiques encourus tout en n’auto-incriminant pas leur entreprise. Cette situation singulière ne favorise pas la santé juridique et économique de nos entreprises.

En outre, elle nuit à l’attractivité de la France, de nombreuses directions juridiques choisissant de s’établir dans des pays où elles bénéficient de ce legal privilege. Or, dès lors que la direction juridique se trouve à l’étranger, le droit qui s’applique aux contrats de l’entreprise est un droit étranger.

L’ouverture du bénéfice de la confidentialité aux avis des juristes d’entreprise est donc non seulement un outil efficace au service de la politique de conformité de l’entreprise, mais aussi un levier puissant pour favoriser l’attractivité de notre droit. Il y a bel et bien, derrière le choix du droit applicable, des emplois et de l’attractivité pour notre pays.

Notre objectif est donc simple : faire en sorte que les entreprises françaises disposent des mêmes outils juridiques que les entreprises étrangères en inscrivant dans le droit français une confidentialité dont jouissent depuis longtemps les pays de common law et la plupart des États membres de l’Union européenne. (Mme Agnès Canayer et M. Olivier Rietmann lèvent les bras au ciel.)

Ces arguments en faveur de la reconnaissance d’un legal privilege à la française, je les ai déjà défendus lors des débats sur le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui reprend les principales caractéristiques du dispositif déjà voté par le Parlement.

Mme Agnès Canayer et M. Olivier Rietmann. Eh oui !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est le signe qu’un consensus sur le principe s’est déjà dégagé au cours de ces derniers mois. Nous pouvons collectivement nous en féliciter.

Évoquons plus en détail le dispositif envisagé.

Le texte qui est soumis à vos suffrages, mesdames, messieurs les sénateurs, prévoit une protection in rem. Autrement dit, le bénéfice de la confidentialité se rattache non pas à la personne qui a rédigé le document, mais au document lui-même ; et cela change tout !

Cette proposition de loi ne crée donc pas une nouvelle profession réglementée, qui bénéficierait d’un secret professionnel attaché à son statut, à l’instar des avocats ou des médecins. C’est la consultation juridique elle-même, délivrée par un juriste d’entreprise à son employeur, qui est couverte par cette confidentialité.

Bien évidemment, cette confidentialité ne sera acquise que lorsque la consultation juridique remplira tous les critères requis par la loi ; ces critères sont au nombre de trois.

Tout d’abord, le rédacteur de la consultation devra remplir un critère de qualification et de formation ; ainsi s’assurera-t-on de son niveau de compétence et de son éthique professionnelle.

Ensuite, le destinataire de cette consultation ne pourra être que le représentant de l’entreprise, son organe de direction, d’administration ou de surveillance.

Enfin, une mention obligatoire devra être expressément apposée sur le document concerné, le rédacteur devra être identifié et le document fera l’objet d’un archivage spécifique dans les dossiers numériques de l’entreprise.

Je le dis et je le répète : aucun autre document de l’entreprise ne sera protégé par cette confidentialité.

De surcroît, vous avez fait le choix de retenir un champ d’application suffisamment large pour que la protection soit effective, à savoir les procédures civile, commerciale et administrative. Comme vous en aviez décidé à l’occasion du précédent vote, les procédures pénales et fiscales sont exclues du dispositif.

Cet équilibre, qui figurait déjà dans l’amendement déposé par le président Marseille lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, doit impérieusement être conservé si nous ne voulons pas vider le dispositif de sa substance.

En dépit de l’encadrement strict du dispositif, certaines voix s’élèvent pour faire part de leur crainte qu’une boîte noire ne soit créée au sein des entreprises. Je ne partage pas ce point de vue, qui fait peu de cas de la réalité du dispositif proposé et des nombreuses garanties procédurales qui l’accompagnent.

Votre commission a permis d’affiner les choses à cet égard, et je gage que les travaux parlementaires à venir parachèveront cet effort.

En l’état, le texte prévoit deux procédures relativement similaires de levée de la confidentialité, selon la matière concernée – litige civil ou commercial ou procédure administrative.

Dans tous les cas, lorsque la confidentialité d’un document est alléguée, le document est appréhendé en présence des parties par un officier public ministériel, le commissaire de justice, qui le place sous scellé. C’est ce dernier qui conserve le document dans l’attente de l’examen par le juge.

L’intervention d’un officier public ministériel dans le cadre de ces procédures est un ajout de la commission des lois.

Elle permet, tout d’abord, de préserver l’intégrité du document jusqu’à ce que le juge tranche la contestation, ce qui est un facteur de confiance pour les demandeurs à une mesure d’instruction ou pour les autorités administratives ayant conduit une opération de visite.

Elle permet, ensuite, de préserver la confidentialité du document, puisque, dans l’attente du jugement sur la contestation, le demandeur à une mesure d’instruction ou l’autorité administrative ayant conduit une opération de visite ne peut pas y avoir accès, ce qui est de nature à rassurer les entreprises.

Madame la rapporteure, c’est donc un texte d’équilibre que vous soumettez aujourd’hui à l’examen de la Haute Assemblée.

Permettez-moi de souligner la grande qualité de votre travail, sur un sujet que vous connaissez bien. Vos propositions nous permettent d’avancer dans la bonne direction : soyez-en chaleureusement remerciée !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Merci à vous, monsieur le garde des sceaux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit l’intervention du juge pour statuer sur la levée de la confidentialité dans les cas où les conditions légales ne sont pas réunies, ou lorsque la consultation appréhendée facilite ou incite à la commission de manquements.

Contrairement à ce que certains tentent de faire croire, le dispositif proposé n’ouvre aucun risque de « boîte noire » : précisément, il est assorti de procédures contradictoires et équilibrées de levée de la confidentialité.

Ce nouveau dispositif ne crée pas davantage une nouvelle profession du droit qui concurrencerait les avocats : au contraire, le renforcement de la fonction juridique au sein des entreprises confortera les partenariats existants entre les entreprises et leurs avocats. Les activités juridiques doivent en effet être appréhendées comme un vecteur de croissance économique.

En conséquence, l’adoption de cette proposition de loi aura pour effet de renforcer la filière juridique dans son ensemble. J’ai la conviction, au regard des modèles étrangers, que les avocats s’en trouveront renforcés.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le présent texte n’est pas pour autant une simple reproduction à l’identique du principe de confidentialité en vigueur chez certains de nos voisins. Il instaure un legal privilege, oui, mais à la française : c’est la french « touche », ou la french touch, si j’ose à cet instant m’exprimer ainsi ! (Sourires.)

Notre volonté est que les juristes d’entreprise, qui conseillent leur employeur au quotidien, notamment dans les nombreuses matières qui touchent à des obligations de conformité, puissent faire leur travail sans autocensure.

Notre volonté est qu’ils puissent exercer leurs fonctions en conseillant utilement et avec force leur employeur. En enclenchant un processus vertueux, dont on peut observer les effets dans d’autres États, on contribuera ainsi à l’attractivité économique et juridique de la France. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. Hervé Marseille applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de la possibilité d’attribuer, sous certaines conditions, le bénéfice de la confidentialité des consultations juridiques aux juristes d’entreprise ; il s’agirait, ce faisant, de clore un débat vieux de trente ans.

Avant de vous exposer les raisons pour lesquelles les élus du groupe Union Centriste, que j’ai l’honneur de présider, voteront majoritairement en faveur de cette proposition de loi, je tiens à saluer le travail de notre rapporteure, Dominique Vérien, et de la commission des lois : celle-ci a acté l’octroi aux juristes d’une telle confidentialité tout en s’efforçant d’élaborer le dispositif juridique le plus approprié.

La commission a explicitement prévu que cette confidentialité ne serait pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale « ou » fiscale, et non pas pénale « et » fiscale, comme l’indiquait de manière réductrice le texte initial de cette proposition de loi.

Surtout, elle a veillé à ne pas créer une nouvelle profession réglementée, supprimant la notion de « déontologie », source de confusion avec les spécificités inhérentes à la profession d’avocat – la question a provoqué quelques remous, jusqu’au sein du Sénat.

J’y insiste, la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise n’est pas un sujet nouveau. Elle fait l’objet de débats depuis les années 1990.

À l’automne dernier, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, j’ai moi-même obtenu, par voie d’amendement, l’adoption d’un dispositif prévoyant l’octroi d’une telle confidentialité. Or cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui l’a jugée contraire à l’article 45 de la Constitution.

Dès le lendemain de cette décision, notre collègue Louis Vogel – je l’en remercie – a déposé la présente proposition de loi.

Mes remerciements vont aussi à tous les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, qui ont consacré une partie de leur espace réservé à l’examen de ce texte, qui me semble non seulement important, mais nécessaire.

M. Hervé Marseille. Les juristes d’entreprise œuvrent à garantir la conformité des actes de leur employeur, alors que le droit a pris une place considérable dans la vie des entreprises, sous l’effet conjugué du surcroît de réglementation et de la judiciarisation de la vie des affaires. Reste que, en l’absence de toute forme de confidentialité des avis juridiques – telle est bien la situation qui prévaut actuellement –, ces juristes courent le risque d’auto-incriminer leur entreprise en cas de saisine ou d’obligation de remise à un tiers de leurs avis dans le cadre d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative.

Les juristes d’entreprise peuvent, dès lors, contribuer à la mise en cause de leur employeur : il s’agit là d’une situation unique, aussi bien en Europe que parmi les pays de l’OCDE.

Aussi de plus en plus d’entreprises françaises établissent-elles leur direction juridique à l’étranger, notamment à Londres, en y déplaçant les emplois associés, ou décident-elles d’y transférer leurs dossiers les plus stratégiques.

D’autres sociétés, animées par les mêmes préoccupations, se résignent à ne pas recruter de juristes français. Alors font-elles le choix de se tourner vers des cabinets d’avocats anglo-saxons, contribuant ainsi à affaiblir l’attractivité de la France en général et de la place de Paris en particulier.

Enfin, lors d’investigations d’autorités étrangères ou en cas de litiges transnationaux, les juristes des entreprises étrangères bénéficient de la confidentialité de leurs avis juridiques ; mais les juristes des entreprises françaises, eux, doivent communiquer l’ensemble de la production issue de leur travail d’assistance juridique. Une véritable rupture de l’égalité des armes se trouve ainsi consommée.

Monsieur le garde des sceaux, pour toutes ces raisons, les élus de notre groupe voteront cette proposition de loi, en espérant que, le cas échéant, le Gouvernement permettra une poursuite rapide de la navette à l’Assemblée nationale. (M. le garde des sceaux acquiesce.)

Cela a été rappelé, les dispositions qui nous sont soumises aujourd’hui ont été votées par nos deux chambres, à l’automne dernier, dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice ; nous ne voyons pas ce qui pourrait s’opposer à ce qu’elles soient de nouveau adoptées par le Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP. – Mme Agnès Canayer applaudit également.)

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. « Cela revient à créer ce que l’on appelle le “coffre-fort juridique” » : c’est ce que déclarait Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie, en s’opposant devant le Sénat à l’idée de soumettre les travaux des juristes d’entreprise à la confidentialité.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis…

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Eh oui !

Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a précisément le même objectif : il s’agit, comme en 2015, de rendre confidentiels les documents rédigés par les juristes employés par une entreprise.

Chaque présentation, note ou rapport serait potentiellement placé sous le sceau de la confidentialité, et l’entreprise pourrait refuser de remettre ces documents à des tiers. Par exemple, elle ne serait désormais plus tenue de présenter ces travaux à une autorité publique lors d’un contrôle. À quelques exceptions près, elle ne serait même plus contrainte de les communiquer à l’autorité judiciaire.

Le présent texte créerait ainsi le fameux « coffre-fort juridique » – l’expression n’est pas de moi ! – dont Emmanuel Macron ne voulait pas en 2015.

Cette confidentialité fragiliserait non seulement le bon fonctionnement de notre système judiciaire, mais aussi celui de notre économie : par sa nature même, le coffre-fort juridique est un obstacle supplémentaire à la surveillance et au contrôle du secteur privé.

Les autorités publiques et les autorités de contrôle, comme l’Agence française anticorruption ou l’Autorité de la concurrence (ADLC), auraient dès lors beaucoup plus de mal à accomplir leurs missions.

Il en irait de même pour l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui est pourtant chargée d’une mission de la plus haute importance, puisqu’elle veille à la stabilité des marchés financiers. Depuis la crise économique et financière de 2008, et afin d’éviter qu’un tel épisode ne se reproduise – car nous sommes tous d’accord pour admettre qu’il faut à tout prix l’éviter -, ses compétences ont été renforcées.

Or la confidentialité pourrait mettre en péril les avancées ainsi obtenues : les opérateurs financiers deviendraient soudain beaucoup moins contrôlables.

Idem pour la lutte contre le blanchiment d’argent : nous disposons à ce jour de mécanismes plutôt solides pour lutter contre un tel type de fraude. Forte de ces outils, la France pourrait d’ailleurs être désignée, à la fin du mois, pays hôte de la future autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent. Or, derechef, la confidentialité rendrait notre économie plus opaque, réduisant à néant les avancées si difficilement acquises en ce domaine.

La droite sénatoriale est aveuglée par la promesse, purement hypothétique, selon laquelle une telle disposition améliorerait l’attractivité économique de la France. Pour l’heure, elle refuse malheureusement de voir que cette idée est dangereuse, car elle fragilise l’économie française ; elle ne veut pas admettre qu’il n’y a aucun rapport entre l’attractivité économique de notre pays et la confidentialité des travaux des juristes d’entreprise.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ah, si !

Mme Mélanie Vogel. Je m’interroge sur l’utilité même d’une telle confidentialité : si vous avez besoin d’un coffre-fort, c’est que vous avez quelque chose à cacher… (M. Laurent Burgoa proteste.)

M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission des lois. Le coffre-fort n’est pas là pour cacher, mais pour protéger…

Mme Mélanie Vogel. La confidentialité serait acceptable à la double condition qu’elle réponde à un intérêt commun et que des garde-fous soient mis en place.

Mais – je crois l’avoir démontré – la confidentialité ne relève pas de l’intérêt commun ; au contraire, elle risque plutôt de fragiliser notre économie.

Et ce texte ne prévoit aucun garde-fou sérieux !

Quelques mesures ont certes été ajoutées en commission, comme le rehaussement de la qualification minimale des juristes ; il n’empêche que ceux-ci restent des salariés. Par nature, ils sont attachés à leur entreprise par un lien de subordination qui exclut toute indépendance. Là réside la différence avec les avocates et avocats, qui ne peuvent bénéficier de la confidentialité que parce que leur indépendance est garantie. Tel est aussi le sens du serment qu’ils prêtent et que vous connaissez très bien, monsieur le garde des sceaux : « Je jure d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. »

À l’inverse, qui est lié par un contrat de travail ne saurait jouir d’une telle indépendance. En toute logique, les travaux dont il s’agit ne devraient donc pas bénéficier de la confidentialité.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le monde des affaires…

M. Ian Brossat. … essaie d’imposer, depuis plus de dix ans, le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui, qui instaure la confidentialité des documents produits par les juristes d’entreprise au bénéfice de leur employeur.

Pour le dire simplement, en cas de litige ou de conflit, pour négocier un contrat ou bénéficier d’un conseil, il arrive régulièrement que des entreprises, a fortiori celles dont la taille est importante, consultent leurs juristes.

Les documents produits dans ce cadre pouvaient jusqu’à présent être remis ou saisis à la demande des enquêteurs des autorités de contrôle, comme l’Autorité des marchés financiers ou l’Agence française anticorruption. Avec le présent texte, ce ne sera plus possible.

Dès lors que les documents porteront la mention « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise », les enquêteurs devront adresser une demande au juge des libertés et de la détention (JLD) pour les consulter ; les contrôles s’en trouveront nécessairement alourdis.

Les avis de juristes sont pourtant des mines d’informations là où il s’agit de dénicher les abus et les atteintes aux droits des consommateurs et des citoyens.

Disons-le clairement : cette proposition de loi vise à protéger outrancièrement le secret des grandes entreprises. De l’aveu même d’Emmanuel Macron – Mélanie Vogel le rappelait à l’instant –, qui s’opposait à cette mesure lorsqu’il était ministre de l’économie, ce dispositif ouvre un risque de « boîte noire dans les entreprises ». Celles-ci pourraient désormais estampiller « confidentiel » des documents non juridiques en y ajoutant artificiellement quelques éléments de droit, dans la seule intention de les soustraire à la saisine d’une autorité de contrôle.

Il est évident, à cet égard, que le lobbying mené en la matière par certaines entreprises n’est malheureusement pas dénué d’arrière-pensées malsaines. Or notre rôle est d’œuvrer pour l’intérêt général.

Si les consultations des avocats sont couvertes par la confidentialité, c’est parce qu’elles s’inscrivent dans le système équilibré qui régit l’exercice de cette profession réglementée, soumise à de strictes règles déontologiques, à des exigences éthiques et à des obligations de formation.

Au contraire de l’avocat, le juriste d’entreprise n’est pas indépendant : il est subordonné à la société pour laquelle il réalise la consultation.

La protection des avis qu’il rend peut transformer le juriste d’entreprise en complice de malversations ou, à l’inverse, en victime d’une hiérarchie mal intentionnée.

Si le législateur a voulu protéger l’intérêt général par la loi Sapin 2, imposant une protection des lanceurs d’alerte, la présente proposition de loi met désormais ceux-ci en danger : soumis à la confidentialité, les lanceurs d’alerte ne pourront plus librement révéler les graves manquements dont ils sont témoins. Je pense par exemple à la juriste Houria Aouimeur, qui a dénoncé en 2019 des détournements de fonds de très grande ampleur au sein de l’Agence de garantie des salaires (AGS). Si le présent texte avait été en vigueur à l’époque, elle n’aurait sans doute pas pu le faire.

Enfin, cette proposition de loi sera source de nombreux contentieux, alors que les magistrats sont déjà surchargés et que rien n’est fait pour pallier cette carence.

Mes chers collègues, afin de préserver l’intérêt général et de faire face aux assauts des multinationales, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – Mme Mélanie Vogel et M. Francis Szpiner applaudissent également.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. On s’en doutait un peu…

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il reste difficile, pour les non-spécialistes, de mesurer pleinement la portée juridique et économique des dispositions contenues dans cette proposition de loi.

À la différence des avocats, des notaires, des experts-comptables, des commissaires de justice ou encore des architectes, les juristes d’entreprise ne constituent pas une profession réglementée. Ils sont des salariés, généralement titulaires d’un diplôme de droit, chargés d’apporter des solutions juridiques aux projets de leur employeur et, plus largement, de veiller à la conformité des activités de l’entreprise avec l’environnement juridique dans lequel elle évolue.

Les compétences de ces professionnels varient sensiblement en fonction du secteur d’activité de l’entreprise : droit des affaires, le plus souvent, mais aussi droit social, droit fiscal, droit de la propriété intellectuelle, droit de la construction, etc.

L’essor de la responsabilité sociale et environnementale, ainsi que l’importance croissante des enjeux liés à la protection des données, ou encore le devoir de vigilance des donneurs d’ordre, tendent à conférer aux juristes salariés d’entreprise un rôle de plus en plus grand dans les procédures de mise en conformité.

Leur activité s’exerce de surcroît dans un contexte de concurrence entre systèmes juridiques nationaux et dans un domaine où les pays de tradition de common law ont souvent une longueur d’avance.

Concrètement, le présent texte modifie la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Il introduit dans notre droit un principe de confidentialité attaché aux avis internes émis par les juristes salariés en matière civile, commerciale et administrative.

L’auteur de cette proposition de loi l’a souligné, ladite confidentialité s’attache aux avis et non aux personnes. Elle n’est donc pas de même nature que le secret dont bénéficient les avocats dans leurs échanges avec leurs clients, secret lié à la protection des droits de la défense.

Les consultations visées par la proposition de loi devront ainsi comporter la mention expresse « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise ». L’usage abusif de cette mention sera puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Il est nécessaire, me semble-t-il, de prévoir de telles garanties afin de prévenir d’éventuels abus auxquels pourrait donner lieu la nouvelle protection ainsi accordée aux consultations juridiques.

Par ailleurs, la confidentialité ne pourra être invoquée en matière pénale ou fiscale.

Lors de l’examen des articles, le groupe du RDSE présentera un amendement visant à préserver expressément les prérogatives des autorités de régulation – Autorité des marchés financiers, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et Autorité de la concurrence – dans l’exercice de leurs pouvoirs d’enquête, de contrôle et de sanction. En effet, la rédaction actuelle protège insuffisamment ces pouvoirs ; et lesdits régulateurs s’en sont inquiétés.

Enfin, la commission des lois a resserré les conditions d’accès à la confidentialité, en particulier les conditions de diplôme, tout en précisant la procédure de levée de la confidentialité. Il a été convenu de ne définir ici ni la consultation juridique en tant que telle ni la notion de déontologie, afin de ne pas tendre à créer une nouvelle profession réglementée.

Sur la base de ces différentes observations, les membres du groupe RDSE se prononceront plutôt en faveur de cette proposition de loi, sous réserve de l’adoption des modifications que je viens d’indiquer. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte vise à clore un débat qui resurgit régulièrement dans l’actualité législative depuis trente ans. Pour cette raison, il mérite non seulement notre attention, mais aussi notre approbation.

La loi du 31 décembre 1971 octroie aux juristes d’entreprise le droit de rédiger des consultations juridiques à destination de l’entreprise qui les emploie. Mais, plus de cinquante ans après son adoption, la France reste « un des rares pays à ne pas protéger du tout la confidentialité des avis juridiques émis par des juristes en entreprise » : c’est ce qu’indiquait, dans son rapport du 26 juin 2019, notre ancien collègue député Raphaël Gauvain.

L’année dernière, dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, nous avons voté un dispositif conférant le bénéfice de la confidentialité aux consultations juridiques des juristes d’entreprise. Censurée par le Conseil constitutionnel, cette mesure est reprise et précisée par le présent texte, qui nous rapproche du legal privilege des pays de common law.

L’attribution d’un privilège de confidentialité aux consultations juridiques des juristes d’entreprise répond à une vulnérabilité française.

Nos entreprises sont en effet la cible de procédures administratives et judiciaires extraterritoriales. Leurs services juridiques sont bien moins protégés que ceux des entreprises étrangères, ce qui conduit parfois les entreprises ou les groupes français à délocaliser leurs services juridiques ou à se tourner vers des avocats anglo-saxons dans le but de bénéficier de la protection des avis juridiques, qui fait défaut dans notre pays.

En instaurant la confidentialité des consultations juridiques, nous mettons ces entreprises à égalité avec leurs concurrentes étrangères. Nous leur offrons une protection indispensable pour qu’elles puissent s’épanouir sur la scène internationale. Il y a là un enjeu considérable dans le contexte que nous connaissons, marqué par un effort de réindustrialisation de notre pays et de renforcement de notre souveraineté économique.

Adopter ce texte reviendrait à opérer une avancée significative vers la protection des entreprises françaises sans tomber dans les travers du legal privilege anglo-saxon.

Mes chers collègues, il est important de le souligner, il ne s’agit nullement ici de laisser aux entreprises un pouvoir discrétionnaire sur la confidentialité de leurs documents.

Tout d’abord, la confidentialité ne s’appliquerait que dans les matières civile, commerciale et administrative. Ce texte l’exclut en effet pour les procédures pénales et fiscales.

Ensuite, si les entreprises peuvent décider elles-mêmes de lever ou de maintenir la confidentialité de certains documents, le juge a toujours la faculté d’ordonner la levée de cette confidentialité par la saisie des documents mis en cause.

Par ailleurs, l’apposition d’une mention les identifiant comme confidentiels sur des documents ne relevant pas du travail de consultation juridique du juriste d’entreprise peut faire l’objet de poursuites pénales. Ce garde-fou supplémentaire permettra d’éviter un détournement du dispositif par des entreprises qui souhaiteraient dissimuler certains documents en y apposant frauduleusement un cachet « confidentiel ».

Malgré tous les avantages que présente cette proposition de loi, je sais que les représentants de la profession d’avocat sont divisés sur ce sujet.

Les inquiétudes exprimées à cet égard sont légitimes ; certains de mes collègues s’en sont d’ailleurs fait l’écho.

Je tiens à rassurer celles et ceux qui craignent de voir leur statut ou leur travail dévalorisé par ce texte.

Le principe de confidentialité ne bénéficiera qu’aux consultations juridiques délivrées par les juristes d’entreprise titulaires d’un master en droit ou d’une des qualifications équivalentes mentionnées à l’article 2.

J’ajoute qu’il ne s’agit pas de créer une nouvelle profession réglementée ou un statut d’avocat en entreprise ; il s’agit simplement de couvrir par le secret les consultations des juristes d’entreprise.

Les avocats sont soumis à des exigences déontologiques très contraignantes ; c’est l’une des nombreuses distinctions qui les séparent des juristes d’entreprise, et nous entendons garder cette dichotomie intacte.

Mes chers collègues, cette proposition de loi répond à un besoin majeur, pour nos entreprises comme pour notre système juridique. Voilà pourquoi les membres du groupe RDPI voteront, pour l’essentiel, en faveur du présent texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le statut des juristes d’entreprise reste très flou : je remercie d’ailleurs Dominique Vérien de l’avoir noté, en toute sincérité, à la page 5 de son rapport. À l’heure où je vous parle, je vous l’avoue, je n’ai toujours pas compris ce qu’était précisément un juriste d’entreprise… (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Quant à l’application du privilège légal, qui constitue pour nous un sujet d’inquiétude, elle occupe une place singulière dans le débat qui traverse une partie de notre paysage juridique.

Au regard des interrogations qu’il suscite, ce sujet exige une évaluation approfondie. Mais, à ce stade, nous pouvons déjà tirer plusieurs enseignements du contexte dans lequel s’inscrit l’examen de cette proposition de loi.

Tout d’abord, l’extension du legal privilege aux juristes d’entreprise fait débat depuis plusieurs décennies en France. L’urgence de l’introduction d’une telle disposition dans notre droit est donc assez relative, même s’il est peut-être temps d’apporter de premiers éléments permettant de clore la discussion, sans négliger la complexité et la sensibilité du sujet.

Ensuite, nous dit-on, les entreprises étrangères réserveraient une attention toute particulière à la protection que les différents pays offrent en matière de confidentialité, pour ce qui est en particulier des communications entre le juriste d’entreprise et son employeur.

Je crois avoir entendu tout à l’heure M. le garde des sceaux indiquer que la plupart des pays européens font bénéficier leurs juristes d’entreprise d’une telle confidentialité.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Or voilà qui est inexact : comme l’a subtilement relevé notre rapporteure, ce sont les avocats en entreprise qui en bénéficient – et chacun a bien compris qu’il ne s’agit pas du tout de la même chose.

La volonté de renforcer l’attractivité de la France est tout à fait légitime : elle doit bien sûr être saluée ; mais il faut garder à l’esprit que notre pays est d’ores et déjà doté d’un cadre juridique solide et protecteur, qui permet d’attirer les investissements et les entreprises.

Alors que Paris est devenu la première place financière d’Europe en 2022, quels sont les effets attendus de l’introduction du legal privilege ? A-t-elle réellement vocation à nous permettre de rivaliser avec des systèmes de common law, qui diffèrent de nos conceptions sur bien des aspects ?

Surtout, pour les membres du groupe socialiste comme pour de nombreux professionnels, cette mesure nous expose à des risques, dont le moindre n’est évidemment pas celui d’entraver les enquêtes des autorités de régulation – les précédents orateurs l’ont déjà noté.

Il est impératif de ne compromettre ni notre droit de la preuve ni la capacité de nos autorités à mener des enquêtes efficaces : il s’agit tout simplement de faire respecter la loi et, partant, de protéger l’intérêt commun.

La limitation du pouvoir de contrôle des différentes autorités affaiblirait notre système de régulation et compromettrait durablement le respect de la conformité aux normes légales.

Certes, la confidentialité ne serait pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale, et c’est heureux ; reste qu’elle le serait pour tout litige commercial et civil et pour toute procédure administrative, y compris dans le cadre des enquêtes menées par des autorités publiques comme l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Autorité de la concurrence.

L’absence de dérogation pour ces trois instances soulève d’importantes difficultés. En effet, le risque est grand de limiter fortement, voire d’entraver totalement, leurs pouvoirs d’enquête et de contrôle en permettant aux entreprises de se constituer des « boîtes noires ». De plus, l’opposabilité de la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise aux trois autorités que j’ai citées créerait des régimes probatoires différents, notamment avec le parquet national financier. En résulterait une situation qui serait pour le moins singulière en droit français.

Je tiens à remercier Ian Brossat d’avoir rappelé l’opportun refus opposé à une réforme analogue, en 2015, par le ministre de l’économie : il s’appelait Emmanuel Macron…

Par conséquent, nous défendrons tout à l’heure un amendement visant à garantir la non-opposabilité de la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise à l’AMF, à l’ACPR et à l’ADLC dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs d’enquête, de contrôle et de sanction. Je précise que cette dérogation ne remet pas en cause la volonté d’éviter toute auto-incrimination des entreprises.

Le risque que je viens d’évoquer en recoupe un autre, plus global : celui d’aller à contre-courant des tendances actuelles en matière de transparence et de responsabilité, qui sont le véritable ciment de la confiance dans notre système juridique et dans la vie des entreprises. Masquer certains dangers en matière fiscale, environnementale ou de droit du travail, c’est aller à rebours des attentes de la société moderne.

Face à ces défis, nous plaidons fermement pour l’atténuation des risques associés à l’octroi du legal privilege aux juristes d’entreprise. Nous soutenons évidemment l’exclusion des procédures fiscales et pénales du champ de cette confidentialité et demandons que cette précision soit encore clarifiée.

Nous soutiendrons pleinement tout ce qui permettra de renforcer la souveraineté économique de la France et de préserver sa position concurrentielle sur la scène internationale, mais nous resterons vigilants quant à la protection de certaines garanties essentielles.

Nous continuerons également à défendre une approche équilibrée, conciliant les impératifs de confidentialité des communications avec les nécessaires principes de transparence et de responsabilité et avec le respect des droits fondamentaux des citoyens et des acteurs économiques.

Nous n’accepterons pas que l’instauration de ce nouveau principe de confidentialité se fasse au détriment des différentes autorités de contrôle et de la mission de sauvegarde de l’ordre public économique qu’elles assument.

Mes chers collègues, nous vous invitons par conséquent à conserver l’approche que vous avez adoptée pour les enquêtes fiscales et pénales, donc à faire bénéficier ces autorités d’une dérogation d’ensemble à ce nouveau régime de confidentialité.

Notre vote final dépendra de l’adoption ou non de notre amendement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Mme Audrey Linkenheld. Très clair !

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, lorsqu’il est question de justice, les questions de privilège et de confidentialité font souvent peur.

Lors de l’examen de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, ma collègue Dominique Vérien et moi-même – nous étions corapporteures de ce texte – avions défendu et fait adopter une disposition portant création d’un legal privilege à la française pour les juristes d’entreprise, orientation confirmée par l’Assemblée nationale dans la suite de la navette.

Pourtant, avant la promulgation du texte, l’article fut censuré par le Conseil constitutionnel, celui-ci considérant, au nom d’une application stricte du désormais bien connu article 45 de la Constitution, qu’il s’agissait d’un cavalier législatif.

La présente proposition de loi, déposée par notre collègue Louis Vogel, reprend donc une mesure déjà discutée et adoptée au Sénat, et je m’en félicite !

L’octroi d’un legal privilege aux juristes d’entreprise revient à reconnaître la confidentialité de leurs consultations écrites, sous certaines conditions qui, comme je l’ai dit, ont déjà été validées par notre assemblée.

Plus précisément, il nous est proposé d’instaurer la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise dans les matières civile, commerciale et administrative, tout en excluant – c’est une demande forte – les procédures pénales et fiscales.

Ce débat, vieux d’une trentaine d’années, comme l’a rappelé notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie, mérite d’être clos via l’adoption par l’ensemble de la représentation nationale du présent dispositif législatif.

En effet, les juristes d’entreprise sont aujourd’hui enfermés dans un paradoxe : ils ont pour mission d’alerter les cadres dirigeants de leur entreprise sur les risques juridiques encourus tout en évitant l’auto-incrimination. Ainsi la reconnaissance d’une telle confidentialité contribuerait-elle à améliorer la mise en œuvre du principe de bonne administration de la justice et de l’intérêt général au cœur de l’économie.

De surcroît, en refusant toute confidentialité aux avis des juristes d’entreprise, la France se met à l’écart des pays membres de l’OCDE et de ceux de l’Union européenne, alors même qu’une telle reconnaissance satisfait pleinement au droit communautaire, en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres.

Le droit français ne peut décemment pas continuer de faire exception au droit européen, et ce au détriment de nos professions juridiques !

En outre, cette situation nuit à la compétitivité de nos entreprises et à l’attractivité de la France. Ainsi, nombre de directions juridiques s’exilent dans des pays qui bénéficient de cette protection. Pis, les sociétés qui décident de rester en France font le choix de ne pas recruter de juristes français, se tournant vers des avocats anglo-saxons.

Nous nous félicitons néanmoins qu’un certain nombre de tempéraments au principe de confidentialité aient été posés, visant notamment à en restreindre le bénéfice aux juristes justifiant de l’obtention d’un master. Je précise que les juristes d’entreprise titulaires d’une maîtrise en droit ayant accumulé huit ans d’expérience seront considérés comme satisfaisant à cette condition.

Souhaitant éviter la création d’une nouvelle profession réglementée, la commission des lois a également supprimé du texte la notion de déontologie, source de confusion avec la profession d’avocat.

De plus, la confidentialité des avis des juristes d’entreprise ne doit pas être confondue avec le secret professionnel des avocats. La confidentialité est non pas un secret absolu lié à la qualité de juriste d’entreprise, mais une protection accordée sous conditions à un document identifié.

Quant à la modification de la sanction pénale attachée à l’apposition frauduleuse de la mention « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise », elle est bienvenue. Elle a été alignée sur la sanction déjà prévue pour la violation des conditions d’exercice de la profession de juriste d’entreprise.

Enfin, par souci d’un juste équilibre, notre commission, sur l’initiative de notre rapporteure, Dominique Vérien, a explicitement prévu que la confidentialité ne serait pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale, afin qu’il ne soit pas porté atteinte à la recherche des auteurs d’infractions.

Notre but est non pas de couvrir par la confidentialité, mais de protéger les juristes par des mesures justes.

C’est pourquoi, en cas de saisie d’une consultation juridique confidentielle, son placement sous scellé et sa conservation par un commissaire de justice sont prévus.

Je félicite notre collègue Louis Vogel d’avoir pris l’initiative de reprendre ces dispositions déjà adoptées, et je salue l’excellent travail de notre rapporteure, qui a trouvé le juste équilibre permettant de garantir l’attractivité de cette profession et de notre économie.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains, dans sa très grande majorité, votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Louis Vogel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, sous des aspects techniques, la proposition de loi de notre collègue Louis Vogel que nous examinons cet après-midi traite de sujets importants : l’efficacité et la modernisation de notre système juridique.

Mes collègues qui se sont exprimés à la tribune avant moi l’ont rappelé : de plus en plus de dispositions de notre droit font peser sur les entreprises elles-mêmes l’exigence d’un premier contrôle du respect de leurs obligations. Ce faisant, il leur appartient de se surveiller et de se corriger elles-mêmes.

Aussi, je me félicite que cette proposition de loi tende à faciliter et à rendre plus efficace la mise en conformité des entreprises concernées par ces réglementations visant à prévenir les infractions.

Cela dit, si le dispositif de confidentialité des consultations des juristes d’entreprise allège la charge pesant sur les services de l’État, il ne conduit pas pour autant à les en dessaisir. En effet, afin de maintenir l’ordre public économique, l’État doit pouvoir continuer d’assurer les contrôles et de sanctionner les manquements.

En ce sens, comme l’ont rappelé mes collègues, la confidentialité ne fait pas obstacle à l’engagement de poursuites par les autorités administratives indépendantes. La confidentialité de l’écrit du juriste d’entreprise n’étant pas applicable lorsque celui-ci encourage, facilite ou participe à la commission de l’infraction, elle n’empêche ni la constatation de l’infraction ni l’ouverture d’une enquête par les autorités de contrôle. Ainsi le document pourra-t-il être saisi s’il est un élément constitutif de l’infraction.

Par ailleurs, les exceptions posées en matière pénale et fiscale ne sont pas incohérentes, bien au contraire ! En effet, dans les matières couvertes par ces autorités de contrôle, le droit pénal ne s’applique que lorsqu’un seuil de gravité dans l’infraction a été franchi. Il peut donc exister une différence de procédure entre ce qui relève de l’administratif et ce qui relève du pénal, la confidentialité ne s’appliquant que dans le premier cas.

La matière fiscale, quant à elle, dépend rarement des directions juridiques : elle est généralement traitée par des opérateurs extérieurs, avocats fiscalistes ou experts-comptables, ou par d’autres services au sein de l’entreprise, direction financière ou direction comptable.

Il était donc nécessaire, par pragmatisme, de prévoir ces exceptions.

Je salue à cet égard le travail de fond effectué par la commission des lois, et notamment par Dominique Vérien, notre rapporteure.

Par ailleurs, je tiens tout particulièrement à souligner un point qui me semble essentiel : la commission a entendu renforcer la procédure de contestation et de levée de la confidentialité des documents susceptibles d’intéresser les autorités de contrôle, afin de marquer plus clairement l’équilibre du dispositif.

Cette consolidation de la procédure s’est traduite, premièrement, par un renforcement de la condition de qualification ouvrant le bénéfice de la confidentialité ; deuxièmement, par une réduction du champ des destinataires des consultations juridiques susceptibles d’être revêtues de la confidentialité ; troisièmement, par la création d’une procédure ad hoc pour les cas où le document fait l’objet d’une simple demande de consultation, une telle demande étant pour les autorités administratives un moyen courant d’action ; quatrièmement, par l’introduction d’une disposition prévoyant que le document dont la confidentialité est alléguée est saisi, placé sous scellé et conservé par un commissaire de justice, tiers de confiance, et non plus au sein de l’entreprise.

Mes chers collègues, vous le voyez, l’instauration de la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise ne remettra pas en cause les pouvoirs d’investigation des autorités de contrôle. Celles-ci pourront demain continuer d’exercer efficacement leurs missions avec la même rigueur et la même intégrité qu’aujourd’hui, au service de l’ordre public économique.

Le texte qui nous est soumis apporte une innovation majeure tout en maintenant l’équilibre entre, d’une part, un cadre juridique efficace et compétitif pour les acteurs économiques français et, d’autre part, la garantie des pouvoirs, notamment d’enquête, des autorités de contrôle.

Le groupe Les Indépendants soutiendra évidemment cette proposition de loi ; nous souhaitons que les parlementaires de toutes travées s’y associent ! (MM. Louis Vogel et François Patriat applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Louis Vogel applaudit également.)

M. Olivier Rietmann. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme vous le savez, en tant que président de la délégation sénatoriale aux entreprises, mon réflexe – mon devoir – est de m’interroger sur ce qui handicape les entreprises françaises, qui évoluent dans un environnement très concurrentiel, et, le cas échéant, de proposer – et de soutenir – des solutions pour remédier à ces difficultés.

L’absence de confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise fait précisément partie de ces faiblesses qu’il nous est possible de corriger.

Cette carence, qui défavorise les entreprises françaises, notamment par comparaison avec leurs voisines européennes, est dénoncée depuis longtemps.

Plusieurs rapports parlementaires ont souligné la menace que représente l’abus de lois et mesures à portée extraterritoriale, en particulier aux États-Unis.

Il est frappant de constater que, sur vingt-six condamnations prononcées en dix ans en application de la loi fédérale américaine anticorruption, vingt et une visent des entreprises non américaines, dont cinq françaises. Il est difficile de ne pas y voir l’utilisation du droit comme une arme dans une guerre commerciale dont il devient urgent de protéger nos entreprises !

Cette protection doit passer par l’insaisissabilité et l’inopposabilité des documents concernés dans le cadre de procédures administratives ou de litiges civils ou commerciaux.

L’adoption de la présente proposition de loi permettrait également de renforcer l’attractivité de la France pour les entreprises qui seraient tentées de délocaliser, à tout le moins, leur direction juridique. Une telle menace n’est pas à prendre à la légère !

Nous sommes régulièrement alertés par des entreprises qui ont dû se résoudre à délocaliser des services ou des unités de production, que ce soit en raison d’obstacles administratifs ubuesques ou à cause de la pénurie de foncier à vocation économique. Il est temps de mettre fin à ce désavantage compétitif juridique.

En outre, je le rappelle, les normes applicables aux entreprises se sont multipliées ces dernières années. Comme je l’indique dans mon rapport d’information sur la sobriété normative, en vingt ans, le code de l’environnement a crû de 653 %, le code de commerce de 364 % et le code de la consommation de 311 %. La mise en œuvre de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative au reporting extrafinancier, va encore compliquer la tâche des entreprises et par conséquent accroître le rôle central du juriste d’entreprise.

Dans pareil contexte de complexité normative, la mission du juriste d’entreprise doit être protégée par le privilège de confidentialité ! Telle est précisément l’ambition de notre collègue Louis Vogel, que je soutiens sans réserve.

Le cadre proposé par la rapporteure Dominique Vérien, dont je salue le travail, est équilibré, pertinent, et répond à l’attente des entreprises françaises.

Je rappelle enfin que cette mesure ne concernera pas seulement les grands groupes. Dans nos territoires, nous rencontrons régulièrement les dirigeants de pépites qui seront les leaders internationaux de demain, à condition bien sûr que nous leur offrions un cadre juridique au moins aussi protecteur que celui de nos voisins européens ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise
Article 2 (nouveau)

Article 1er

La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifiée :

1° Après l’article 58, il est inséré un article 58-1 ainsi rédigé :

« Art. 58-1. – I. – Sont confidentielles les consultations juridiques rédigées au profit de son employeur par un juriste d’entreprise ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, satisfaisant aux conditions suivantes :

« 1° Le juriste d’entreprise ou le membre de son équipe placé sous son autorité est titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger ;

« 2° Le juriste d’entreprise justifie du suivi de formations initiale et continue relatives aux obligations attachées à la rédaction de consultations juridiques.

« Ces formations sont conformes à un référentiel défini par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de l’économie ;

« 3° Ces consultations sont destinées exclusivement au représentant légal, à son délégataire, à tout autre organe de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui l’emploie, à toute entité ayant à émettre des avis auxdits organes, aux organes de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui, le cas échéant, contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ainsi qu’aux organes de direction, d’administration ou de surveillance des filiales contrôlées, au sens du même article L. 233-3, par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ;

« 4° Ces consultations portent la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise” et font l’objet, à ce titre, d’une identification et d’une traçabilité particulières dans les dossiers de l’entreprise et, le cas échéant, dans les dossiers de l’entreprise membre du groupe qui est destinataire desdites consultations.

« Sont couvertes par la même confidentialité les versions successives d’une consultation juridique rédigées dans les conditions prévues au présent I.

« II. – Sous réserve des dispositions prévues au III du présent article, les documents couverts par la confidentialité en application du présent article ne peuvent, dans le cadre d’une procédure ou d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative, faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, y compris à une autorité administrative, française ou étrangère. Dans ce même cadre, ils ne peuvent davantage être opposés à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou aux entreprises du groupe auquel elle appartient.

« La confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale.

« La confidentialité peut à tout moment être levée par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise.

« III. – Lorsque la confidentialité d’un document est alléguée au cours de l’exécution d’une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial ou dans le cadre d’une procédure administrative, elle peut être contestée ou levée selon les modalités prévues au présent III.

« A. – Un représentant de l’entreprise peut s’opposer à la saisie du document s’il estime cette saisie incompatible avec le respect de la confidentialité qui lui est attachée. Le document ne peut alors être appréhendé que par un commissaire de justice, désigné à cette fin par le juge ayant ordonné la mesure d’instruction ou l’autorité administrative ayant engagé la procédure, aux frais de l’entreprise, en présence de représentants de l’entreprise et de la partie demanderesse au litige ou de l’autorité administrative, qui le place sous scellé fermé. Le commissaire de justice dresse procès-verbal de ces opérations. Le document et le procès-verbal sont placés sans délai en l’étude du commissaire de justice pendant une durée qui ne peut excéder un mois.

« Lorsque la saisie mentionnée au premier alinéa du présent A a été réalisée au cours de l’exécution d’une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial, le président de la juridiction qui a ordonné celle-ci peut être saisi en référé par voie d’assignation, dans un délai de quinze jours à compter de la mise en œuvre de ladite mesure, aux fins de contestation de la confidentialité alléguée de certains documents.

« Lorsque la saisie mentionnée au même premier alinéa a été réalisée dans le cadre d’une procédure administrative, le juge des libertés et de la détention peut être saisi par requête motivée de l’autorité administrative ayant conduit cette opération, dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, aux fins de voir :

« 1° Contester la confidentialité alléguée de certains documents ;

« 2° Ordonner la levée de la confidentialité de certains documents, dans la seule hypothèse où ces documents auraient eu pour finalité d’inciter à ou de faciliter la commission des manquements aux règles applicables qui peuvent faire l’objet d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée.

« Sur notification par le juge saisi de l’assignation ou de la requête, le commissaire de justice transmet sans délai au greffe l’ensemble des documents placés sous scellés fermés demandés ainsi qu’une copie du procès-verbal dressé à l’occasion de leur saisie.

« Dans les quinze jours de la réception de ces pièces, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité.

« À cette fin, il entend la partie demanderesse ou l’autorité administrative et un représentant de l’entreprise. Il ouvre le scellé en présence de ces personnes.

« Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité.

« S’il est fait droit aux demandes, les documents sont produits à la procédure en cours dans les conditions qui lui sont applicables. À défaut, ils sont restitués sans délai à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise.

« Lorsqu’à l’échéance du délai de quinze jours mentionné aux deuxième et troisième alinéas du présent A, le document placé sous scellé fermé n’a pas fait l’objet d’une contestation ou d’une demande de levée de sa confidentialité, l’entreprise peut solliciter auprès du commissaire de justice sa restitution. Lorsqu’à l’échéance du délai d’un mois mentionné au premier alinéa du présent A, l’entreprise n’a pas sollicité la restitution du document placé sous scellé fermé, le commissaire de justice procède à sa destruction. Le commissaire de justice dresse procès-verbal de ces opérations.

« B. – Un représentant de l’entreprise peut s’opposer à la communication du document ou de sa copie demandée dans le cadre d’une procédure administrative. Cette opposition est formulée par écrit et par tout moyen de nature à conférer date certaine, auprès de l’autorité administrative ayant engagé la procédure.

« Dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette opposition, l’autorité administrative ayant engagé la procédure peut saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de voir contester ou ordonner la levée de la confidentialité du document concerné, dans les conditions prévues aux 1° et 2° du A du présent III. Elle informe l’entreprise de cette saisine sans délai, par écrit et par tout moyen de nature à conférer date certaine. À réception de cette notification, l’entreprise communique sans délai au juge saisi le document concerné ou sa copie.

« Dans les quinze jours suivant sa saisine, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité. À cette fin, il entend l’autorité administrative et un représentant de l’entreprise.

« Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité.

« S’il est fait droit aux demandes, le document concerné est produit à la procédure en cours dans les conditions qui lui sont applicables.

« IV. – (Supprimé)

« V. – L’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique est tenue d’être assistée ou représentée par un avocat dans les procédures mentionnées au III.

« VI. – L’ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. L’appel peut être formé par l’autorité administrative, l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique.

« Le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois.

« VII. – (Supprimé)

« VIII. – Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles l’entreprise assure l’intégrité des documents jusqu’à la décision de l’autorité judiciaire, sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

2° (nouveau) L’article 66-2 est ainsi modifié :

a) Le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » ;

b) Sont ajoutés les mots : « , ou apposé sur tout document la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise” ».

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, sur l’article.

M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, aujourd’hui, pour la deuxième fois en quelques mois, nous discutons de l’opportunité de garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

Il me semble dès lors utile de clarifier le débat en répondant à deux questions simples.

Première question : que cherchons-nous à faire avec ce texte ? Nous cherchons, cela a été dit, à protéger nos entreprises contre les ingérences étrangères et à éviter qu’elles ne s’auto-incriminent dans le cadre de procédures lancées à leur encontre. Il est essentiel que ces objectifs soient atteints. Aussi le travail des juristes d’entreprise doit-il être reconnu : ceux-ci jouent un rôle majeur pour prévenir les risques et guider nos entreprises.

Cela étant dit, il nous faut veiller à ce que le dispositif que nous allons adopter soit adéquat, respectueux de nos principes juridiques fondamentaux et garant d’un juste équilibre.

D’où ma deuxième question : à quoi devons-nous faire attention et que voulons-nous éviter ? Nous ne voulons ni créer des régimes probatoires différents ni entraver les pouvoirs d’enquête et de contrôle des autorités indépendantes de supervision.

À cet égard, nous devons éviter de nous placer en situation de non-conformité au droit européen, notamment pour ce qui relève du droit de la concurrence.

Nous voulons également éviter d’engorger encore les juges des libertés et de la détention, qui ploient déjà sous le poids de leurs dossiers et des multiples requêtes qui leur sont adressées.

Il ne faut pas non plus envoyer un signal contradictoire quant aux engagements de la France en matière de lutte antiblanchiment au moment où elle défend sa candidature pour accueillir l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Je présenterai donc tout à l’heure, en tant que président de la commission des finances et au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un amendement dont l’objet est que la confidentialité ne soit pas opposable à l’Autorité des marchés financiers, à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et à l’Autorité de la concurrence dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs d’enquête, de contrôle et de sanction.

Les intentions des auteurs de ce texte sont louables, mais soyons attentifs à les traduire de la bonne manière : ne remettons pas en cause un système de supervision et de contrôle que nous envient de nombreux pays !

M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, sur l’article.

M. Francis Szpiner. Je suis ravi d’apprendre que nos entreprises vont enfin pouvoir bénéficier de la croissance qui leur est refusée parce que le legal privilege n’est pas reconnu aux juristes… C’est une fable ! Quant à dire que la place de Paris est pénalisée… Le directeur juridique d’une petite entreprise comme Total est un ancien avocat, installé en France ! Et je mets au défi les partisans de ce texte de me donner la liste des entreprises qui ont délocalisé leur direction juridique !

La vraie question est la suivante : qu’est-ce qu’un juriste d’entreprise ? Or il n’en existe tout simplement pas de définition !

Le texte instaure une condition de diplôme, mais j’attire l’attention du Sénat sur un point : le juriste doit être titulaire d’un master en droit… ou d’un master – je ne sais dans quel domaine ! –, ou d’un diplôme étranger équivalent.

Mes chers collègues, dans votre grande générosité, vous allez même jusqu’à accorder au titulaire d’une simple maîtrise, et non d’un master, au bout de huit ans de pratique, le bénéfice d’une équivalence, alors même que, je le répète, il n’a jamais obtenu de master !

En tout état de cause, je ne sais pas ce qu’est un juriste d’entreprise.

C’est bel et bien une sous-profession réglementée que vous allez créer. Certes, vous avez modifié la condition de formation pour en supprimer la notion de « déontologie ». Vous voulez néanmoins que les futurs juristes soient formés, je ne sais par qui ni selon quelles modalités. La loi, si loi il y a, disposera qu’ils seront formés conformément à un référentiel défini par arrêté ; mais, s’ils sont juristes, on doit supposer qu’ils ont déjà été formés à la rédaction de consultations juridiques !

En réalité, vous créez la profession de juriste d’entreprise.

J’en reviens à la question que posait notre collègue Claude Raynal : pourquoi fait-on cette loi ? Je partage tout à fait sa réponse ; aussi voterai-je son amendement, car le secret ne saurait être le paravent de turpitudes. En matière de lutte contre le blanchiment, nous devons être aussi transparents que possible ; ne truffons pas d’obstacles le parcours des juges !

Quel est ici le but véritable ? Mes chers collègues, vous nous dites qu’il faut se conformer à ce que font les autres pays. Or qu’ont fait ceux que vous prenez en exemple ? Ils ont tout simplement institué le statut d’avocat en entreprise !

Ayez le courage de proposer la création de la profession d’avocat en entreprise ; au moins les choses seront-elles claires ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Elsa Schalck et MM. Jean-Baptiste Blanc et Michel Canévet applaudissent également.)

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Les avocats ne veulent pas ! (M. le garde des sceaux renchérit.)

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Supprimer les mots :

au profit de son employeur

II. – Alinéa 8

Remplacer les mots :

et d’une traçabilité particulières

par les mots :

du rédacteur et d’un classement particulier

III. – Alinéa 31

Après le mot :

procédures

insérer le mot :

judiciaires

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

dispensées par les centres régionaux de formation professionnelle d’avocats

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement tend à confier la formation des juristes d’entreprise, non pas à l’école vétérinaire, monsieur le sénateur Szpiner (Sourires.),…

M. Francis Szpiner. Merci de cette précision ! (Nouveaux sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … mais aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats (CRFPA). Voilà qui devrait vous plaire !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ah bon ? Que voulez-vous que je vous dise…

Quant à la création de la profession d’avocat en entreprise, les avocats n’en veulent pas : il faut le dire !

M. Francis Szpiner. J’ignorais, monsieur le garde des sceaux, que vous obéissiez aux avocats ! Et l’intérêt général ? (Nouveaux sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis un homme de concertation, monsieur le sénateur. Je me suis efforcé de réunir tout le monde autour d’une même table.

Vous savez bien que les avocats, du moins une partie d’entre eux, n’en veulent pas, de l’avocat en entreprise. À ce sujet comme à propos du legal privilege, ils ne sont pas tous d’accord.

M. Francis Szpiner. Gouverner, c’est trancher !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’entends ce que vous dites ; vous êtes un avocat, pas n’importe lequel, certes, mais un avocat parmi d’autres.

En cette matière, j’ai mené depuis longtemps des consultations. Je le rappelle, le présent texte a déjà fait l’objet de deux votes, devant les deux assemblées.

Je profite d’avoir la parole pour faire un bref rappel.

M. le président. Très bref, monsieur le garde des sceaux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Naturellement, monsieur le président.

Madame de La Gontrie, pour nourrir le débat – je ne puis croire que ce fût pour une autre raison –, vous avez cédé à la mode consistant à aller chercher de vieilles – très vieilles – déclarations d’untel ou untel pour les opposer à ses positions actuelles supposées.

Aussi, je vous invite à relire une interview de 2017, dans laquelle le Président de la République rappelle avoir été corapporteur de la commission Darrois sur les professions du droit. Dès 2009, cette commission recommandait d’aller dans le sens d’une protection de la confidentialité des correspondances des juristes d’entreprise. Je tiens cette interview à votre disposition, car il n’est pas vrai de dire que le Président de la République a changé de pied, si vous me permettez l’expression.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas son genre ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout le monde peut changer d’avis, y compris vous et moi, madame la sénatrice ; mais, en l’espèce, il n’est tout simplement pas juste de dire que le Président de la République a changé d’avis.

C’est la grande mode, je le sais : « ah, mais en 1900… » – ni vous ni moi n’y étions, je crois ;…

M. François Patriat. Moi, j’y étais ! (Sourires.)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … « en 2012, vous avez dit que… ». Très bien, mais les termes de la situation peuvent changer !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Le présent amendement tend à préciser la condition de formation applicable à l’ouverture du bénéfice de la confidentialité aux juristes d’entreprise : il s’agit de prévoir que les formations relatives aux obligations attachées à la rédaction de consultations juridiques seront dispensées par les CRFPA.

Il me semble qu’une telle disposition permet de lever l’une des inquiétudes qu’a soulevées Maître Szpiner.

M. Christophe-André Frassa, vice-président de la commission. « Monsieur » Szpiner…

M. Francis Szpiner. Ici, ce n’est pas « Maître » Szpiner. Je m’exprime en tant que membre du Sénat et non en tant qu’avocat !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce n’est pas une insulte !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je dis « Maître », car j’ai clairement entendu l’avocat s’exprimer.

M. Francis Szpiner. Pas du tout !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Voilà une disposition qui devrait vous satisfaire, mon cher collègue : vous êtes bien placé pour savoir que les formations dispensées par les CRFPA sont très bonnes !

Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, pour explication de vote.

M. Francis Szpiner. Je tiens à rappeler qu’ici j’interviens non comme avocat, mais en tant que sénateur, élu à part entière, et qu’aucun esprit corporatiste ne m’anime, ma chère collègue !

Simplement, si les juristes d’entreprise sont si bons, pourquoi voulez-vous qu’ils suivent une formation spécifique… dispensée par les avocats ? (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

Je ne comprends pas, ou je crains de trop bien comprendre… (Mme Elsa Schalck acquiesce.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. La discussion que nous avons à propos de cet amendement montre en tout cas qu’il y a bien un problème de formation et qu’à tout le moins la première des observations qu’a faites Francis Szpiner est fondée.

À relire l’exposé des motifs, je ne sais plus très bien pourquoi il incomberait aux centres de formation professionnelle d’avocats de dispenser les formations visées. Tout est mélangé, et même on nage dans la plus grande confusion : il est question d’indépendance, d’éthique, de déontologie, mais là n’est pas le sujet ! C’est la confidentialité qui nous intéresse.

Lorsque j’ai entamé l’analyse de ce texte, j’ai commencé par me dire que je ne comprenais pas ce qu’est un juriste d’entreprise ; je suis donc rassurée de constater que Francis Szpiner pense comme moi. J’ai d’abord cherché à comprendre, craignant d’être insuffisamment formée – c’est le cas de le dire –, avant de saisir qu’en réalité personne ne sait ce que recouvre une telle notion !

Un juriste d’entreprise, en définitive, c’est simplement quelqu’un qui, après avoir rédigé un document, y tamponne la mention « juriste d’entreprise – confidentiel ».

Quoi qu’il en soit, j’ignore quel est précisément l’objet de cette formation. Il est question, dans l’objet de l’amendement, de la grande expertise des avocats en matière d’indépendance – pas de chance, les juristes d’entreprise n’ont absolument aucune vocation à l’indépendance ! –, d’éthique et de déontologie ; mais la confidentialité n’apparaît jamais !

On le voit, on est dans le flou ; or, comme disait l’autre, quand c’est flou,…

Des voix sur les travées du groupe SER. … il y a un loup !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est tout de même extraordinaire ! On m’objecte un défaut de formation ; dans l’esprit de coconstruction qui est toujours le mien (Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.), je propose – pourquoi pas ? – le principe d’une formation dispensée par le CRFPA.

D’ailleurs, je voudrais vous rassurer, madame la sénatrice – ce n’est pas facile ! –, la pratique de la rédaction de consultations juridiques fait partie intégrante de la formation de l’avocat dispensée par le CRFPA.

On nous oppose qu’il faudrait qu’une formation soit prévue, le Gouvernement y pourvoit : tout le monde devrait en être ravi !

Je ne saurais entendre – du reste, je ne l’ai pas entendu – que les centres régionaux de formation professionnelle d’avocats ne seraient pas de bons centres de formation.

Voilà qui devrait être de nature à vous rassurer, monsieur le sénateur Szpiner.

M. Francis Szpiner. Y aura-t-il un examen pour sanctionner la réussite de la formation ? Qui s’en chargera ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il faudrait déjà une formation ! Jusqu’à présent, il n’y en avait pas.

Monsieur le sénateur Szpiner, ce texte a déjà été voté, je l’ai dit, à un moment où vous n’étiez pas sénateur, et je me félicite de l’éclairage que vous nous apportez : vous êtes en quelque sorte le phare de la pensée juridique de ce texte !

Vous déplorez qu’aucune formation ne s’attache à l’activité de juriste d’entreprise ? Je vous en propose une, et des plus sérieuses.

M. Louis Vogel et Mme Nicole Duranton. Bravo !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

Sous réserve

insérer les mots :

de leur pouvoir de contrôle par les autorités de l’Union européenne et

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement vise à rappeler que le dispositif envisagé demeure soumis aux pouvoirs de contrôle des autorités de l’Union européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Cet amendement me semble satisfait, la hiérarchie des normes s’appliquant naturellement, mais cela va mieux en le disant : avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mes chers collègues, il faut se réjouir que Philippe Bas ne soit pas parmi nous cet après-midi : nous aurions eu une déclaration sur la loi bavarde ! (Sourires.)

Je m’étonne que le Gouvernement et la commission s’accommodent d’un amendement qui ne sert à rien !

Il est vrai qu’il ne gâche rien – et je ne parle pas de libertés garanties ! –, mais je trouve cela très étrange.

Nous allons le voter, bien sûr, mais, j’y insiste, tout est très étrange dans ce texte… (Marques damusement sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Agnès Canayer lève les bras au ciel.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 10, première phrase

Supprimer les mots :

y compris à une autorité administrative, française ou étrangère

II. – Alinéa 14, deuxième phrase

Supprimer les mots :

ou l’autorité administrative ayant engagé la procédure

et les mots :

ou de l’autorité administrative

III. – Alinéas 16 à 18

Supprimer ces alinéas.

IV. – Alinéa 21, première phrase

Supprimer les mots :

ou l’autorité administrative

V. – Alinéas 25 à 29

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Nous l’avons dit, nous nous inquiétons fortement de l’impact de cette proposition de loi sur les missions des autorités administratives indépendantes.

Les consultations et les avis des juristes d’entreprise sont une mine d’informations là où il s’agit de dénicher les abus de certaines entreprises et toute autre atteinte aux droits des consommateurs et des citoyens.

Pourtant, l’adoption de cette proposition de loi aurait bel et bien pour conséquence d’empêcher les autorités administratives indépendantes d’exercer leur mission de contrôle et de régulation.

En effet, les enquêteurs de l’Autorité des marchés financiers, de l’Agence française anticorruption, de l’Autorité de la concurrence ou encore de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution se verront interdire l’accès aux documents produits par les juristes des entreprises concernées.

En protégeant outrancièrement le secret des grandes entreprises, ce texte met en place une forme d’opacité au profit des multinationales.

Notre groupe s’y oppose et donne l’alerte devant de tels dangers, comme l’ont fait, du reste, l’Autorité de la concurrence ou l’Autorité des marchés financiers.

C’est pourquoi il convient de supprimer les mentions par lesquelles sont visées les autorités administratives, afin que la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise ne leur soit pas opposée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Sur le fond, je suis défavorable à une telle exemption pour les autorités administratives. Je sais que nous aurons à nouveau ce débat sur les amendements suivants, mais il me semble que l’inopposabilité de la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise doit se borner aux matières pénale et fiscale.

En outre, l’adoption de cet amendement reviendrait à maintenir l’insaisissabilité des documents en matière administrative tout en supprimant la procédure de levée de la confidentialité. Il en résulterait un équilibre encore plus défavorable aux autorités administratives, ce qui serait dommage, car, pour notre part, nous leur avons garanti une procédure robuste de contestation et de levée de la confidentialité.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 2, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Remplacer les mots :

pénale ou fiscale

par les mots :

en matière civile, commerciale, fiscale, ou pénale ou en cas d’une demande par une autorité publique indépendante ou d’une autorité administrative indépendante

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement va dans le même sens que celui de mon collègue Ian Brossat.

Cette discussion que nous avons sur le statut, la formation et les diplômes des juristes d’entreprise est très intéressante ; mais tout cela recouvre un autre problème ! Il est des documents dont la communication à un certain nombre d’autorités est absolument indispensable pour que celles-ci puissent faire leur travail de vérification de l’activité des entreprises ; or, cette proposition de loi étant adoptée, ces documents pourront ne plus être transmis aux autorités judiciaires et aux autorités publiques et administratives indépendantes compétentes.

C’est un problème, que nous souhaitons résoudre : tel est l’objet de cet amendement.

Il s’agit de faire en sorte que le pouvoir judiciaire et les autorités indépendantes puissent continuer de se voir communiquer les pièces qu’elles demandent aux entreprises qu’elles sont chargées de contrôler.

Qu’après le secret des affaires, qui est d’ores et déjà largement protégé en France et dans l’Union européenne, la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise puisse désormais être systématiquement opposée aux demandes des autorités indépendantes dont la mission est de contrôler l’activité des entreprises, voilà qui réduirait abusivement le champ d’intervention de ces instances.

M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Raynal, Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Chaillou et Durain, Mme Harribey, M. Kerrouche, Mmes Linkenheld et Narassiguin, M. Roiron et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Duranton, MM. Bitz, Buis et Buval, Mme Cazebonne, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, MM. Omar Oili, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger et M. Théophile.

L’amendement n° 8 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, M. Masset, Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Daubet et Fialaire, Mme Girardin, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Roux et Gold.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La confidentialité n’est pas opposable aux autorités visées aux articles L. 612-1 et L. 621-1 du code monétaire et financier et à l’article L. 461-1 du code de commerce dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs d’enquête, de contrôle et de sanction.

La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Claude Raynal. J’ai déjà défendu cet amendement en intervenant sur l’article, mais j’y reviens.

Il s’agit de prévoir que la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise ne soit pas opposable à l’AMF, à l’ACPR et à l’ADLC dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs d’enquête, de contrôle et de sanction.

Conformément aux objectifs des auteurs de la proposition de loi, une telle dérogation ne remettrait pas en cause la volonté affichée de lutter contre les ingérences étrangères. La confidentialité demeurerait notamment applicable en cas de litige civil et commercial et pour les procédures administratives autres que celles qui sont menées par les autorités que j’ai mentionnées ; ainsi, en ces matières, toute auto-incrimination des entreprises continuerait d’être évitée.

Par ailleurs, le ministre argue que ce texte relatif aux juristes d’entreprise a déjà fait l’objet d’un vote favorable. J’en conviens, mais – c’est heureux – le Parlement peut très bien décider de changer de position ; ce ne serait pas la première fois ! Une seule réponse valable, donc : errare humanum est, perseverare diabolicum.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

Mme Nicole Duranton. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.

M. Michel Masset. Cet amendement tend à prévoir l’inopposabilité de la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise aux autorités indépendantes que sont l’AMF, l’ACPR et l’ADLC lorsqu’elles agissent dans le cadre de leurs pouvoirs d’enquête et de sanction, et non aux seules autorités pénales et fiscales.

Pour ce qui est de l’Autorité des marchés financiers, il s’agit de supprimer l’atteinte à l’efficacité de ses enquêtes et de ses contrôles, qui ne serait pas sans conséquence sur les enquêtes pénales du parquet national financier (PNF) en matière d’abus de marché.

Pour ce qui est de l’Autorité de la concurrence, la protection de la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise est contraire à la jurisprudence européenne en matière de droit de la concurrence.

Pour ce qui est de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, il s’agit de faire en sorte qu’elle puisse continuer d’exercer, via la surveillance prudentielle, ses missions de préservation de la stabilité financière, de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de protection de la clientèle, tout en se conformant aux droits constitutionnel et européen.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous sommes là au cœur du dispositif. Je m’apprête à développer mon avis, mais je ne laisse aucune place au suspense : l’avis de la commission est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Tous tendent en effet à étendre le périmètre de l’inopposabilité de la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, en particulier aux procédures conduites par des autorités telles que l’AMF, l’ACPR ou l’Autorité de la concurrence.

J’y suis opposée : j’estime que le périmètre que nous avons retenu est le bon et qu’il ne saurait être davantage étendu, à moins de dévitaliser le dispositif. Je vais tâcher de répondre aux arguments mobilisés à l’appui de ces amendements.

Je tiens à rappeler tout d’abord que nous avons amélioré la rédaction du texte initial.

Nous avons en effet prévu une procédure de saisie faisant appel à un tiers de confiance, un commissaire de justice. Je réponds, entre autres, à Mélanie Vogel : le coffre-fort sera saisi et mis de côté : on pourra savoir ce qu’il y a dedans, contrairement à ce que craignait initialement l’AMF. À cette attente, nous avons répondu.

Nous avons également introduit une procédure de contestation ou de levée de la confidentialité lorsque les autorités administratives exercent un droit de communication, ce que la proposition de loi ne prévoyait pas initialement.

Nous traitons ainsi deux cas qui auraient pu poser des difficultés : d’une part, le comportement non coopératif d’une entreprise alléguant la confidentialité d’un document pour l’altérer ; d’autre part, une entreprise contournant son devoir de communication en alléguant pour tout document demandé sa confidentialité, sans que l’autorité administrative demanderesse puisse la contester.

Ces difficultés étant réglées, notre dispositif apparaît robuste et les craintes des autorités administratives sont partiellement apaisées, à moins de ne pas faire confiance au juge qui devra statuer.

J’en viens aux arguments constitutionnels.

Il est tout à fait exact que la protection de l’ordre public économique et la recherche des auteurs d’infractions sont deux objectifs à valeur constitutionnelle, comme le rappelle Claude Raynal dans l’objet de son amendement. Rien n’empêche néanmoins le législateur d’en assurer la conciliation avec d’autres principes à valeur constitutionnelle si cette conciliation est justifiée par un objectif d’intérêt général. À défaut, il faudrait que nous abolissions toute forme de secret, y compris le secret professionnel de l’avocat, ce que personne ne souhaite, me semble-t-il !

La limitation ainsi apportée à l’objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public économique nous paraît proportionnée à l’objectif visé, en particulier grâce à l’édiction de conditions à remplir pour bénéficier de cette confidentialité, mais aussi grâce aux procédures de levée et de contestation de la confidentialité que j’ai précédemment détaillées. La possibilité de contester la confidentialité paraît éviter toute entrave excessive aux pouvoirs de contrôle et d’enquête des autorités de régulation.

Pour ce qui concerne la conformité au droit européen, ensuite, les échanges que nous avons eus avec la direction générale du Trésor et la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) nous ont rassurés sur la conformité au droit européen du dispositif, au regard de la jurisprudence dite Akzo. En effet, celle-ci ne fait pas obstacle à ce que les États membres prévoient, pour les procédures nationales, un encadrement particulier des modes d’action de ces autorités, en vertu du principe d’autonomie procédurale.

Par ailleurs, si, au regard de la rédaction retenue, des difficultés relatives à l’application du droit européen devaient perdurer, nous serions ouverts, dans le cadre de la navette parlementaire, à consolider – à rendre plus robuste – la procédure de contestation ou de levée de la confidentialité. Je relève d’ailleurs que la Belgique n’a fait l’objet d’aucun recours en manquement, alors même que ses autorités administratives indépendantes se voient opposer, y compris en droit de la concurrence, la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise.

Un mot, maintenant, sur l’attractivité de la place de Paris : il est vrai qu’une place attractive est une place correctement régulée. Néanmoins, ne soyons pas naïfs, mes chers collègues.

D’une part, ce dispositif n’a rien à voir avec la dérégulation massive qui est dépeinte dans l’objet de certains amendements. Nos autorités conserveront de réels moyens d’action et, si nous devons consolider la procédure dans le cadre de la navette parlementaire, nous y sommes prêts.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Amendons le texte, alors !

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Je l’ai déjà dit, notre intention n’est pas de créer un Far West – je vous rassure, mes chers collègues, nous en sommes loin !

D’autre part, une place attractive n’est pas non plus une place « surrégulée ». À cet égard, il nous semble que certaines entreprises sont aujourd’hui prises en tenaille entre les exigences très élevées que pose le régulateur et leur incapacité à se mettre en conformité avec ces exigences, ce qui les expose au risque permanent de s’auto-incriminer.

En somme, nous souhaitons instaurer non pas une place juridique dérégulée, mais un dialogue de conformité plus nourri entre le régulateur et le régulé, le premier ayant vocation à accompagner vers la conformité davantage qu’à sanctionner la moindre irrégularité.

J’ajoute quelques précisions complémentaires.

L’amendement n° 2 tend à rendre inopposable la confidentialité en toute matière, administrative, mais également civile et commerciale. L’adopter reviendrait à vider le dispositif de tout intérêt : il serait paradoxal de consacrer l’insaisissabilité de certains documents tout en prévoyant que la confidentialité est inopposable dans à peu près toute procédure.

Par ailleurs, limiter l’appréhension des procédures administratives aux autorités administratives et publiques indépendantes signifierait désavantager toute autre autorité administrative, telle la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Les amendements identiques nos 1, 4 rectifié bis et 8 rectifié tendent à rendre inopposable la confidentialité aux seules AMF, ACPR et ADLC. Outre les arguments précédemment développés, l’on pourrait s’interroger sur la pertinence du champ retenu : pourquoi ne pas inclure l’Agence française anticorruption ou toute autre autorité administrative ?

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Si ces amendements font l’objet d’une discussion commune, c’est parce qu’ils ont en commun de vider de son intérêt, totalement ou partiellement, le mécanisme mis en place par la proposition de loi.

S’il est vrai, monsieur le sénateur Raynal, que l’on peut toujours changer d’avis, je rappelle tout de même que ce texte a été voté il y a quatre mois – et on parlait tout à l’heure de loi bavarde… (Sourires.)

L’amendement n° 2 de Mme Vogel vise à rendre inopposable le dispositif de confidentialité en matière civile, commerciale, fiscale, pénale ou en cas de demande d’une autorité publique ou administrative indépendante. Autrement dit, il s’agit de facto d’écarter le principe de confidentialité pour toutes les matières dans lesquelles un contrôle est envisageable. S’il était adopté, le dispositif serait vidé de toute substance ; il n’en resterait plus rien. Vous me l’accorderez, aménager un système de confidentialité qui ne serait opposable à aucune autorité de contrôle n’a pas beaucoup de sens !

Les amendements identiques nos 1, 4 rectifié bis et 8 rectifié visent quant à eux à rendre inopposable le dispositif à certaines autorités publiques et administratives indépendantes dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs de contrôle et de sanction. Là encore, leur adoption viderait de son intérêt le dispositif qui vous est soumis.

Je l’ai rappelé, le mécanisme de confidentialité mis en place dans cette proposition de loi vise à répondre aux soucis conjugués de l’attractivité de notre droit et de la vitalité de notre économie. Derrière le choix du droit applicable, il y a évidemment des emplois…

Notre volonté est de permettre aux juristes d’entreprise qui conseillent au quotidien leur employeur, notamment dans les nombreuses matières imposant des obligations de conformité, de faire leur travail sans autocensure. Ils deviendront ainsi de véritables relais internes pour les autorités de contrôle en diffusant les bonnes pratiques et les attentes. Nous souhaitons, ce faisant, enclencher un processus vertueux au sein de l’entreprise et favoriser l’attractivité économique et juridique de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends et je partage votre souci de préserver l’efficacité des enquêtes et des contrôles conduits par les autorités publiques et administratives indépendantes ; cette préoccupation a du reste guidé tous les travaux qui ont été menés sur ce sujet.

Je rappelle, tout d’abord, que le bénéfice de la confidentialité est écarté pour toutes les procédures pénales ou fiscales et, ensuite, que la confidentialité ne portera que sur l’analyse juridique produite par le juriste, sur son travail intellectuel, et sur aucun autre document de l’entreprise. Les autorités de régulation pourront donc saisir l’ensemble des documents sur lesquels le juriste a fondé sa consultation juridique. Il ne fait aucun doute que l’Autorité de la concurrence, dont on connaît la grande expertise, saura analyser les documents concernés et en tirer, le cas échéant, toutes les conclusions qui s’imposent.

Par ailleurs, des conditions formelles sont prévues quant au champ des destinataires du document protégé ; à l’apposition d’une mention obligatoire ; à l’identification, à la qualification et à la formation du rédacteur ; à l’archivage spécifique de la consultation juridique protégée dans les dossiers numériques de l’entreprise.

En outre, le dispositif prévoit le recours à un juge, qui pourra prononcer la levée de la confidentialité dans le cadre d’une procédure contradictoire.

Enfin – et ce n’est pas rien ! –, toute utilisation frauduleuse de la mention « confidentiel » sera pénalement répréhensible.

Toutes ces mesures sont autant de précautions qui nous protègent du dévoiement du mécanisme et garantissent le maintien de l’efficacité des mesures de contrôle des autorités administratives et publiques indépendantes. Réduire encore le champ d’application de la confidentialité empêcherait d’atteindre l’objectif de cette réforme, à savoir – j’y insiste – renforcer l’attractivité de la France et faire de nos juristes de véritables acteurs de la politique de conformité de leur entreprise.

Pour ces raisons, vous l’avez d’ores et déjà compris, l’avis du Gouvernement est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.

M. Claude Raynal. Monsieur le garde des sceaux, madame la rapporteure, vous ne m’avez pas convaincu du tout ; cela mérite bien une explication de vote !

Pour éviter toute méprise, je commencerai par rappeler qu’aux termes des amendements identiques nos 1, 4 rectifié bis et 8 rectifié la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise resterait opposable en cas de litige commercial ou civil, dans le cadre d’une procédure administrative autre que celles qui sont conduites par les trois autorités visées ou lorsque la demande émane d’une autorité administrative étrangère. En aucune façon ces amendements ne vident donc le texte de tout intérêt !

Pour ce qui concerne les autorités administratives étrangères, permettez-moi néanmoins de vous faire part de mon scepticisme. Je ne suis pas certain qu’une entreprise puisse s’opposer aux demandes des autorités américaines, en tout cas si elle veut éviter une amende de plusieurs centaines de millions de dollars et continuer d’exercer ses activités sur le territoire des États-Unis… Trêve de plaisanterie, donc !

Il est également essentiel que nos autorités de supervision disposent de prérogatives fortes, si l’on veut éviter que nos entreprises ne fassent l’objet de poursuites à l’étranger.

Je rappelle à cet égard que, lors de la création de l’Agence française anticorruption, notre collègue Philippe Bas, alors président de notre commission des lois, avait indiqué que les entreprises françaises devaient pouvoir prouver à l’international qu’elles respectent les standards de lutte contre la corruption afin d’éviter d’être pénalisées dans des pays étrangers. La même observation vaut pour le droit de la concurrence, pour les délits boursiers ou encore pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

Enfin, je veux répondre à un argument qui n’a été que trop entendu – curieusement, je l’ai même lu dans LEssentiel relatif au texte qui nous occupe –, qui n’est rien d’autre qu’une idée reçue. Non, la France n’est pas – à vrai dire, pas du tout ! – l’un des seuls pays européens à ne pas reconnaître la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise dans le cadre des procédures administratives.

Du reste – cette distinction a été faite sur d’autres travées –, il ne faut pas confondre les juristes d’entreprise avec les avocats en entreprise, dont les consultations sont protégées dans plusieurs pays de l’OCDE ; mais il s’agit, dans ces pays, de professions réglementées !

Si l’on veut être juridiquement précis et ne pas s’attacher aux seules dispositions relatives aux juristes d’entreprise, alors il convient d’admettre que trois pays européens seulement prévoient la confidentialité des consultations juridiques ; encore faut-il répéter que, en pareil cas, les activités concernées relèvent de professions réglementées. (M. Guy Benarroche acquiesce.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 121 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 260
Pour l’adoption 34
Contre 226

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 4 rectifié bis et 8 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 122 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l’adoption 140
Contre 199

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 3, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

et par les lanceurs d’alerte mentionnées au I de l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et par les personnes mentionnées à l’article 6-1 de la même loi

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement vise à garantir que cette proposition de loi ne porte pas démesurément atteinte à la protection des lanceurs d’alerte, laquelle a été consacrée en France par la loi Sapin 2 et par la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, dite loi Waserman, qui transpose en droit français la directive européenne relative à la protection des lanceurs d’alerte.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est susceptible de faire reculer la protection des lanceuses et des lanceurs d’alerte, pour une raison simple.

Prenons l’exemple d’un lanceur d’alerte qui transmettrait à un journaliste des documents démontrant qu’une entreprise agroalimentaire ferme les yeux sur de graves cas de maltraitance animale dont elle a pris connaissance. Le journaliste rend l’affaire publique, sans révéler ses sources, mais l’entreprise identifie le lanceur d’alerte et, dès lors, peut être tentée de déposer plainte pour diffamation. Or les lois Sapin 2 et Waserman précitées protègent les lanceurs d’alerte contre les procédures bâillons.

La confidentialité qu’il s’agit ici de mettre en place mettrait précisément à mal la protection acquise, interdisant au lanceur d’alerte de produire, y compris pour sa propre défense, les travaux de juristes d’entreprise, et ce même s’il en est lui-même l’auteur ! Il s’agit d’un recul dangereux qui porte atteinte à la protection des lanceurs d’alerte ; sa concrétisation découragerait, à l’avenir, toute initiative de cette espèce, à rebours de toutes les législations que nous avons adoptées sur ce sujet depuis des années.

Il faut au contraire permettre aux lanceurs d’alerte de produire en justice des consultations de juristes d’entreprise, y compris des documents couverts par la confidentialité.

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par M. Brossat, Mme Cukierman et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Compléter cet alinéa par les mots :

et par le lanceur d’alerte conformément au chapitre II de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

La parole est à M. Ian Brossat.

M. Ian Brossat. Il s’agit, dans le même esprit, de faire en sorte que la loi, au lieu de fragiliser les lanceurs d’alerte, les protège.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. La disposition proposée semble superfétatoire, la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise ne figurant pas, aux termes de la présente proposition de loi, dans la liste des exclusions du régime de l’alerte prévues à l’article 6 de la loi dite Sapin 2.

Les lanceurs d’alerte peuvent donc bénéficier du régime de l’alerte lorsqu’ils lèvent la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

Ces amendements étant satisfaits, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis, pour les mêmes raisons – elles viennent d’être clairement exposées par Mme la rapporteure.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous sommes tous ici très soucieux de protéger les lanceurs d’alerte.

De la même manière que nous avons estimé, tout à l’heure, qu’il pouvait être utile d’introduire dans la proposition de loi une disposition qui est par ailleurs d’ores et déjà inscrite dans notre droit, il me paraît très important, en l’espèce, que la protection des lanceurs d’alerte soit expressément garantie dans ce texte.

Nous voterons donc pour ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d'entreprise
Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 7 rectifié ter

Article 2 (nouveau)

Les titulaires d’une maîtrise en droit qui justifient, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, d’au moins huit ans de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou de plusieurs entreprises sont considérés, aux termes de la présente loi, comme titulaires d’un master en droit.

Les juristes d’entreprise qui justifient, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, de l’achèvement de leur formation initiale sont considérés, aux termes de la présente loi, avoir suivi une formation initiale dont le contenu est conforme aux exigences prévues par la présente loi.

M. le président. La parole est à M. Francis Szpiner, sur l’article.

M. Francis Szpiner. Marie-Pierre de La Gontrie demandait ce qu’est un juriste d’entreprise. À l’issue de ces débats, le mystère restera entier. Nous n’avons toujours pas de définition.

D’après le texte, il s’agit des titulaires d’une maîtrise en droit. Et d’y ajouter, par la grâce de la loi, ceux qui justifient de huit ans de pratique professionnelle, qui seront désormais considérés comme titulaires d’un master en droit. En matière de validation de l’expérience professionnelle, je n’avais jamais vu cela… c’est formidable ! Monsieur Vogel, voilà qui m’étonne de la part d’un ancien président d’université. (Sourires.) Ainsi, les juristes d’entreprise seront donc titulaires d’un master en droit, sans l’avoir obtenu, s’ils ont travaillé pendant huit ans.

Je continue : « Les juristes d’entreprise qui justifient, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, de l’achèvement de leur formation initiale – j’aimerais savoir laquelle – sont considérés, aux termes de la présente loi, avoir suivi une formation initiale dont le contenu est conforme aux exigences prévues par la présente loi. » C’est un chef-d’œuvre de loi totalement illisible !

Ces deux alinéas n’ont pas de sens, mais peut-être finira-t-on par savoir ce qu’est un juriste d’entreprise…

M. le président. L’amendement n° 12, présenté par Mme Vérien, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1

1° Après le mot :

entreprises

insérer les mots :

ou administrations publiques

2° Remplacer les mots :

aux termes

par les mots :

pour l’application

II. – Alinéa 2

Remplacer les mots :

aux termes

par les mots :

pour l’application

La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 12.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2 (nouveau)
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Article 3 (nouveau)

Après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Le Gleut et Belin, Mme Berthet, MM. J.-B. Blanc, Brisson et Bruyen, Mme Dumont, M. Frassa, Mme Garnier, M. Genet, Mme Gosselin, M. Gremillet, Mme Joseph, MM. D. Laurent et Lefèvre, Mme Lopez, M. Meignen, Mme M. Mercier, MM. Panunzi, Paul, Pernot, Rapin et Saury, Mme Belrhiti et M. Houpert, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes inscrites sur la liste mentionnée à l’article L. 421-1 du code de la propriété intellectuelle qui exercent à titre de salarié d’une entreprise sont réputées satisfaire à la condition prévue au 1° du I de l’article 58-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dans sa rédaction résultant de la présente loi.

La parole est à M. Ronan Le Gleut.

M. Ronan Le Gleut. Les enjeux liés aux brevets d’invention touchent à un élément fondamental de la compétitivité de nos entreprises, à savoir la capacité d’innovation. Pourtant, aujourd’hui, un juge américain, dans le cadre d’une procédure dite de discovery, peut ordonner une saisie-contrefaçon sur le territoire français dans les locaux d’une entreprise française. Notre législation ne protège pas correctement nos intérêts nationaux, parfois vitaux pour une entreprise française innovante.

Je vous rappelle la décision du 27 avril 1999 rendue par une juridiction de New York dans l’affaire qui opposa Rhône-Poulenc à Bristol-Myers Squibb. Un juge américain a ordonné une procédure dite de discovery, c’est-à-dire comparable à la procédure de saisie-contrefaçon en France, contre les intérêts de Rhône-Poulenc, sur le territoire français. Ce ne fut possible que parce qu’il n’existait pas de confidentialité des consultations juridiques en matière de brevets d’invention.

En conséquence, et depuis ce jour, dans la pratique, afin d’éviter les ingérences étrangères, les conseils juridiques en entreprise en matière de brevets et de contrefaçons n’exercent plus leur profession qu’à l’oral, afin de ne plus laisser d’écrits susceptibles d’être saisis. Cette aberration dessert nos intérêts industriels, en particulier dans nos entreprises innovantes.

Cet amendement vise donc à corriger cette hérésie. Toutefois, les salariés en entreprise qui exercent cette profession de conseil n’entrent pas dans le champ de la proposition de loi, dans la mesure où ils sont titulaires non pas d’un master en droit, mais d’un diplôme d’ingénieur, d’un diplôme universitaire en propriété intellectuelle, délivré par le Centre d’études internationales de la propriété intellectuelle (Ceipi) de l’université de droit de Strasbourg, et d’un examen de qualification obtenu devant l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi).

En insérant cet article additionnel après l’article 2, ces salariés seront considérés comme satisfaisant à la condition prévue à l’article 58 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Ainsi, nous protégerons nos entreprises françaises et nos intérêts nationaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Vérien, rapporteure. Nous comprenons parfaitement le souhait exprimé par l’auteur de cet amendement. Malheureusement, celui-ci arrive en séance alors que nous n’avons pas pu interroger sur ce point les personnes que nous avons auditionnées.

La commission émettra, pour le moment, un avis défavorable. Au cours de la navette, l’Assemblée nationale pourra se saisir de la question ; et j’espère que nous en discuterons à nouveau lors de la deuxième lecture au Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’objet de la proposition de loi est de garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, dont tout le monde sait qui ils sont, comme j’ai pu le constater lors d’un précédent vote – ou plutôt presque tout le monde… (Sourires.)

Comme j’ai déjà eu l’honneur de l’expliquer, la confidentialité est attachée au document et non à la personne. Ainsi, les conseillers en propriété industrielle visés à l’article L. 421-1 du code la propriété intellectuelle, objets de votre amendement, exercent une activité réglementée. Ils ne sauraient se voir étendre le bénéfice de la confidentialité au seul motif de cette activité réglementée.

Je suis donc, monsieur le sénateur, défavorable à l’amendement que vous avez déposé.

M. le président. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour explication de vote.

M. Ronan Le Gleut. Tenant compte des arguments de Mme la rapporteure, notamment du fait que des auditions supplémentaires seront nécessaires lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié ter est retiré.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 7 rectifié ter
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3 (nouveau)

La présente loi entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant sa promulgation. – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 3 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’avais indiqué au nom de mon groupe, au cours de la discussion générale, que notre position dépendrait du sort qui serait réservé à notre amendement portant sur les autorités de régulation.

Je note que le Sénat n’a pas estimé devoir prendre en compte les attentes de ces autorités et la fonction qu’elles remplissent. Pour nous, cela représente un danger. Visiblement, nous n’avons pas réussi à convaincre. En tout état de cause, nous voterons contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Compte tenu de la non-prise en compte des trois amendements identiques déjà évoqués, et en cohérence avec la position arrêtée par la Conférence des bâtonniers, d’une part, et le Conseil national des barreaux, d’autre part, quelques collègues du groupe Union Centriste et moi-même voterons contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Louis Vogel, pour explication de vote.

M. Louis Vogel. Je souhaiterais remercier Mme la rapporteure et tous les membres de la commission des lois, qui ont participé avec ardeur à ces travaux très intéressants, ainsi que l’ensemble de mes collègues.

Je remercie également mon confrère, maître Francis Szpiner – nous avons eu des explications à plusieurs reprises –, même si l’on ne peut pas le convaincre facilement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous changez d’avis ?

M. Louis Vogel. Madame de La Gontrie, c’était un raisonnement d’avocat : nous voterons pour ! (Sourires.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l’adoption 220
Contre 111

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. M. Francis Szpiner applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-neuf, est reprise à dix-huit heures quarante-deux.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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4

 
Dossier législatif : proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales
Discussion générale (suite)

Maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
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Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales, présentée par M. Dany Wattebled, Mme Marie-Claude Lermytte et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 4, texte de la commission n° 325, rapport n° 324).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’être coauteure, avec Dany Wattebled, de la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui.

Il ne peut être présent ; je le regrette et lui souhaite un prompt rétablissement.

De plus, il m’est impossible de ne pas faire référence à mon prédécesseur Jean-Pierre Decool, qui est également à l’initiative de cette proposition.

Mme Audrey Linkenheld. Tout s’explique !

Mme Marie-Claude Lermytte. J’ai pris mes fonctions lors du renouvellement d’octobre dernier ; je veux donc assurer mon groupe de ma reconnaissance pour m’avoir accordé sa confiance dans le cadre de sa niche parlementaire.

Mes chers collègues, la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales, examinée aujourd’hui, jouit de deux qualités : le pragmatisme et la simplicité.

Elle prévoit d’autoriser les communes rurales de moins de 2 000 habitants à déroger à la fameuse règle des 20 % de participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage, de manière automatique et pérenne.

Je le sais bien, il existe déjà des dérogations accordées au cas par cas par le préfet de département, notamment pour la rénovation des monuments protégés, la réparation des dégâts causés par des calamités naturelles, les opérations concernant le patrimoine non protégé, les ponts et ouvrages d’art, les équipements pastoraux, la défense extérieure contre les incendies et la construction, la reconstruction, l’extension et la réparation des centres de santé.

Ces dérogations sont en effet possibles si, et seulement si, le préfet juge la participation minimale disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage.

Comme vous l’avez certainement constaté dans vos départements, ces dérogations sont rarement accordées, ce pour plusieurs raisons.

De nombreuses communes rurales ne sont pas informées de l’existence de telles dérogations.

La complexité administrative, la lourdeur des dossiers à compléter pour demander ces dérogations sont des freins et nombre de communes sont confrontées à des difficultés d’accès à l’ingénierie. Ainsi, les communes se voient contraintes de différer, voire de renoncer au lancement des projets d’équipement.

Oui, les maires des communes concernées se résignent et ne déposent même pas de dossier pour obtenir les subventions. À quoi bon, puisque leurs communes ne peuvent pas apporter les 20 % minimaux ?

Madame la ministre, vous l’aurez compris, le sénateur Wattebled et moi-même visons un objectif simple : il s’agit de rendre cette dérogation automatique et pérenne.

Au début de l’année 2023, le sénateur Decool avait appelé votre attention sur cette proposition de loi ; vous aviez exprimé deux réserves.

La première réserve concernait la responsabilisation des collectivités dans la conduite de leurs projets d’investissement. Initialement, il était en effet proposé de permettre à ces communes de monter des projets complètement subventionnés.

Lors des auditions du rapporteur, dont je salue le travail et la qualité d’écoute – ce fut pour moi une belle rencontre –, les élus auditionnés ont estimé qu’il importait de conserver une participation minimale, afin de responsabiliser les conseils municipaux sur le choix des investissements à réaliser.

Aussi le rapporteur a-t-il souhaité maintenir un reste à charge de 5 %, initiative que l’on ne peut que soutenir.

La seconde réserve exprimée consistait à dire que les attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) conduisaient à limiter le reste à charge en deçà de 20 %.

Dans la majorité des cas, cela n’enlève en rien les 20 % restants. Les communes doivent la plupart du temps avancer la trésorerie en recourant à un prêt relais à deux ans, mais, vous le savez, toutes ne le peuvent pas.

Le dispositif que nous proposons aujourd’hui au Sénat, rééquilibré par les travaux en commission, apporte une réponse à ces questionnements.

Lors d’une interview en novembre dernier, vous avez dit : « La première chose à faire est de dire à nos maires qu’on les aime. » Quand on aime, on en donne des preuves… (Mme la ministre déléguée sourit.)

Le Sénat vous propose aujourd’hui d’adopter une disposition simple et pragmatique fondée sur la confiance en nos élus ruraux. En somme : une preuve d’amour… Ce n’est pas en ce jour de Saint-Valentin que vous pourrez nous dire… leur dire le contraire !

Monsieur le rapporteur, lors de nos différents échanges, nous nous sommes très vite aperçus d’un point de divergence.

En effet, vous proposez de limiter le champ des projets d’investissement pouvant ouvrir le bénéfice de cette dérogation aux communes rurales, afin de cibler les projets les plus structurants.

Or Dany Wattebled et moi-même pensons qu’il n’est pas de la responsabilité du législateur d’indiquer aux élus ce qui mérite d’être financé et ce qui ne le mérite pas.

Aussi – je le redirai certainement au cours de l’examen de l’article unique –, je voterai contre cet amendement.

Vous proposez également d’exclure du bénéfice de cette dérogation les communes dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants. L’objectif de ce texte étant de permettre de soulager les communes les plus fragiles, nous soutenons cette initiative.

Mes chers collègues, nos communes rurales sont à bout de souffle financièrement.

À défaut d’une mise à plat du système de financement des collectivités locales, que Pierre Moscovici appelait de ses vœux au Sénat le 12 octobre 2022, il incombe au législateur d’assurer l’application pleine et entière du principe constitutionnel de libre administration.

Ce texte n’est évidemment pas la panacée, mais il ferait une réelle différence s’il était adopté. Il est grand temps d’accorder aux élus locaux la confiance qu’ils méritent, en leur redonnant de véritables moyens d’agir.

Mes chers collègues, j’espère pouvoir compter sur votre soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Hussein Bourgi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, qu’il me soit permis de dire à Mme la ministre Dominique Faure le plaisir qui est le mien de la retrouver au banc des ministres aujourd’hui. (Mme la ministre déléguée remercie lorateur.)

Madame la ministre, je suis persuadé que nous serons très nombreux à souhaiter œuvrer à vos côtés, pour les années à venir, au service de nos collectivités territoriales et de la ruralité.

Nous le savons toutes et tous, les élus locaux nous font régulièrement part de leurs difficultés pour lancer les projets d’investissement dont leurs communes ont pourtant cruellement besoin.

Cette situation touche particulièrement les communes rurales, dont les budgets sont les plus contraints, alors qu’elles ont, comme les plus grandes, des besoins en matière d’équipement et d’aménagement.

Ce constat s’explique en partie par l’érosion des ressources financières des collectivités locales, mais aussi par l’existence de règles trop rigides, introduites afin de limiter la pratique des financements croisés. Il faut cependant reconnaître que cette régulation des financements croisés pénalise parfois la réalisation de certains investissements particulièrement onéreux dans les communes rurales.

La règle de participation financière minimale des collectivités territoriales aux projets d’investissement dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage, issue de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, illustre parfaitement cette problématique.

Cette règle impose aux collectivités territoriales – vous le savez – de participer à hauteur de 20 % minimum aux projets d’investissement qu’elles lancent en qualité de maître d’ouvrage.

Ce reste à charge de 20 % paraît disproportionné pour les communes rurales et contraint de nombreux élus de ces communes à différer certains projets d’investissement pourtant indispensables, voire à y renoncer.

À titre d’exemple, le reste à charge pour la restauration d’une église représente parfois l’équivalent de trois années de budget pour ces communes.

M. Hussein Bourgi, rapporteur. Plusieurs mécanismes de dérogation ont été introduits par le législateur pour appliquer de manière moins rigide cette règle.

Ainsi – et c’est automatique –, les collectivités ultramarines qui font face à d’importantes difficultés budgétaires structurelles ne sont pas tenues de respecter cette règle.

D’autres dérogations sont accordées au cas par cas par le préfet de département. Celui-ci peut, par exemple, accorder des dérogations au taux de participation minimale de 20 % pour la réparation des dégâts provoqués par les calamités naturelles, notamment lorsqu’il estime que la participation minimale est disproportionnée au regard de la capacité financière du maître d’ouvrage. Nous devons cet amendement à notre collègue la présidente Françoise Gatel, qui avait fait voter un amendement allant en ce sens dans la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi Engagement et proximité.

Ces possibilités de dérogation sont toutefois peu connues, comme l’a rappelé Marie-Claude Lermytte, tant de la part des élus que – cela est plus surprenant – des préfets, qui méconnaissent ces dispositions ; en outre, les demandes de dérogation sont complexes à formuler, alors que les communes rurales éprouvent des difficultés d’accès aux dispositifs d’ingénierie locale.

Ainsi, en raison de ces difficultés, en 2022, trois ans après le vote de la loi Engagement et proximité, seule une centaine de dérogations avaient été octroyées dans toute la France, pour 22 000 subventions accordées, ce qui représente à peine 0,45 % des projets. Pourtant, cette année-là, le nombre de communes impactées par les calamités naturelles était bien plus important que ces cent dérogations.

Ce constat étant fait, j’en viens à la proposition de loi présentée par nos collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte, dont je tiens à saluer le travail, qui vise précisément à répondre à cette problématique, en créant une nouvelle dérogation pour le financement des projets dont les communes rurales assurent la maîtrise d’ouvrage.

Dans sa version initiale, l’article unique de cette proposition de loi prévoyait ainsi d’exonérer intégralement les communes rurales de l’obligation de participation minimale du maître d’ouvrage, sur le modèle de l’exonération intégrale et permanente dont bénéficient déjà les collectivités ultramarines, pour leur permettre de réaliser les investissements dont elles ont besoin.

La commission des lois s’est montrée favorable à la création de cette nouvelle dérogation pour les communes rurales, et a par la même occasion relevé que cette proposition de loi répondait à une préoccupation exprimée par le Sénat dès l’introduction de cette règle en 2010 : en effet, dans son rapport pour avis sur la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite loi RCT, notre ancien collègue Charles Guené se demandait déjà : « Est-il possible d’appliquer aux petites communes rurales les mêmes règles en matière de cofinancement qu’à de vastes communes riches ? »

Cette réflexion pleine de bon sens reste toujours d’actualité. Elle a éclairé les travaux de la commission des lois, qui a par conséquent adopté cette proposition de loi après avoir procédé, avec l’aval des auteurs de la proposition de la loi à trois modifications, que je vais énoncer successivement.

En premier lieu, nous avons supprimé la référence à un article réglementaire du code général des collectivités territoriales qui figurait dans la proposition de loi, pour inscrire directement dans la loi les communes concernées par cette dérogation.

La commission des lois a souhaité centrer cette dérogation sur les communes de moins de 2 000 habitants, afin de cibler les communes rurales dont les budgets sont les plus contraints ou les plus modestes.

En second lieu, la commission des lois a souhaité remplacer l’exonération intégrale prévue par la proposition de loi initiale par une participation minimale de 5 % aux opérations d’investissement dont les communes concernées assurent la maîtrise d’ouvrage.

Sur proposition des maires auditionnés et des présidents de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), nous avons retenu une participation minimale, qui méritait d’être conservée pour responsabiliser les conseils municipaux sur les choix des investissements à réaliser.

En troisième lieu, la commission a supprimé le gage financier, qui n’apparaissait pas nécessaire.

Dans la continuité de la ligne suivie par la commission des lois, je vous proposerai tout à l’heure d’adopter deux amendements, afin de mieux cibler la dérogation créée par la présente proposition de loi.

Le premier amendement vise à limiter le champ des projets d’investissement pouvant ouvrir le bénéfice de la dérogation créée par la proposition de loi, afin de cibler les projets les plus structurants et d’éviter de subventionner des projets dont l’importance n’est pas certaine.

Le but de cet amendement est de centrer la dérogation sur les projets essentiels, par exemple en matière de rénovation du patrimoine, pour des églises et des chapelles, de travaux d’eau et d’assainissement, de restauration de ponts et d’ouvrages d’art, de travaux de voirie ou encore de protection contre les incendies et de rénovation thermique des bâtiments. Ainsi, nous nous inscrivons dans le droit fil des travaux de notre collègue Nadège Havet, dont je rappelle la pertinence de la proposition de loi tendant à tenir compte de la capacité contributive des collectivités territoriales dans l’attribution des subventions et dotations destinées aux investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires.

Le second amendement a pour objet d’éviter les effets d’aubaine. En effet, certaines communes rurales de moins de 2 000 habitants ne sont pas confrontées à des difficultés budgétaires particulières, parce qu’elles ont la chance de bénéficier par exemple de retombées économiques importantes liées à des activités touristiques. Je pense en particulier aux communes de montagne qui exercent des activités thermales.

Il importe donc de cibler les communes rurales éprouvant réellement des difficultés pour lancer les projets d’investissement dont elles ont besoin. Dans cette optique, l’amendement vise à réserver le bénéfice de la dérogation aux communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants.

Je rappelle enfin que, si cette proposition de loi constitue indéniablement un progrès qui permettra aux communes rurales de lancer enfin certains projets d’investissement, elle ne suffira pas à elle seule à résoudre l’ensemble des problèmes que rencontrent les communes rurales et les élus locaux pour lancer des opérations d’investissement.

Lors des auditions, comme l’a indiqué Mme Lermytte, d’autres problèmes nous ont été signalés, à commencer par la question du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée, qui pose des problèmes récurrents de trésorerie, puisque cela contraint les collectivités territoriales à avancer des frais importants. Les maires que nous avons auditionnés m’ont ainsi indiqué que la TVA n’était parfois remboursée que l’année suivante, voire deux ans après.

Sous le bénéfice de ces observations, et sous réserve de l’adoption des deux amendements que je vous présenterai tout à l’heure, la commission des lois, mes chers collègues, vous invite à voter la proposition de loi ainsi amendée.

Lisibilité, clarté, efficacité : telles sont les trois boussoles qui ont guidé les auteurs de la proposition de loi, Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte. Ce sont ces mêmes boussoles qui ont guidé mes travaux.

Je forme le vœu que vous réserviez un accueil favorable à cette proposition de loi, qui est unanimement attendue par les élus des communes rurales concernées. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des lois Frassa, monsieur le rapporteur, madame l’auteure de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes aujourd’hui réunis pour débattre de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales. Ce texte des sénateurs Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte prévoyait dans sa version initiale une dérogation complète pour la maîtrise d’ouvrage dans les communes rurales.

Le Gouvernement est particulièrement conscient des besoins des communes rurales ; je crois qu’il a su démontrer à quel point il était attaché à soutenir leurs projets et à leur permettre de se développer.

Je n’ai jamais manqué de demander aux préfets de se saisir des possibilités de dérogation qu’ils ont à disposition, pour porter le soutien aux communes rurales au plus haut niveau. Ainsi, je reconnais que je partage au moins l’objectif de la présente proposition de loi.

Voilà les preuves que nous sommes bien sur cette ligne : depuis deux ans, nous avons décidé d’augmenter la dotation globale de fonctionnement (DGF) de 320 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et de nouveau de 320 millions d’euros dans le PLF pour 2024. Ces efforts en faveur de la DGF ont permis de soutenir massivement les communes rurales ; ils leur ont donné la capacité de financer des dépenses de fonctionnement et ont permis de lever un frein à leur investissement.

Parallèlement, le Gouvernement a fait des efforts significatifs pour soutenir directement les dépenses des collectivités territoriales au cours de ces dernières années. Nous avons porté le fonds vert à 2,5 milliards d’euros cette année, et nous avons acté le doublement des dotations d’investissement en deux ans. Vous le savez, c’est inédit.

Vous m’interpellez en réclamant encore plus de preuves d’amour pour nos élus locaux.

M. François Bonhomme. On va étouffer ! (Sourires.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Même si nous ne répondons pas à toutes vos attentes, les preuves d’amour sont là,…

M. François Bonhomme. N’abusez pas ! (Mêmes mouvements.)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. … dans ce que nous proposons à nos élus locaux et aux maires de notre ruralité.

Cette logique d’accompagnement est aussi très présente dans le plan France Ruralités, annoncé par Élisabeth Borne le 15 juin 2023. J’ai pu mesurer tout à l’heure, dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement, à quel point ce plan était attendu. Je vous invite à vous en saisir. Il permettra des recrutements pour les programmes Villages d’avenir. Il bénéficiera directement aux communes de moins de 2 000 habitants.

Villages d’avenir, vous l’avez dit, madame Lermytte, c’est de l’ingénierie gratuite pour aider ces communes qui étaient jusqu’alors oubliées des différents programmes déployés, en les aidant à passer de l’idée au projet.

Ingénierie, fonctionnement, investissement : nous sommes pleinement mobilisés auprès des territoires ruraux pour les aider à se développer et à mener à bien leurs projets.

Bien évidemment, si nous sommes pleinement mobilisés aux côtés des collectivités pour accompagner la mise en œuvre de leurs projets, nous ne perdons pas de vue que la règle de la participation minimale du maître d’ouvrage, aujourd’hui fixée à 20 % du montant de l’investissement, peut parfois être un frein.

Il existe déjà des dérogations possibles à cette règle. C’est notamment le cas pour la rénovation des monuments protégés, les ponts et ouvrages d’art en cas de situation d’urgence, de nécessité publique ou de calamité publique. Ces dérogations sont laissées à l’appréciation du représentant de l’État dans le département, dans un souci de déconcentration de la décision publique.

Je partage le constat selon lequel ces dérogations ne sont pas suffisamment fréquentes. Vous pouvez compter sur mon complet soutien, pour encourager les préfets, comme Gérald Darmanin le fait régulièrement, à se saisir de ces possibilités de dérogation.

Au mois de décembre dernier, dans cet hémicycle, vous avez voté à l’unanimité une proposition de loi visant à abaisser le taux de participation minimale du maître d’ouvrage pour les travaux de rénovation énergétique des bâtiments scolaires. J’avais émis un avis favorable sur ce texte.

Vous l’aurez donc compris, je suis favorable par principe à ce type de dérogation. Je reste néanmoins attachée à deux principes essentiels.

Nous ne devons pas déresponsabiliser totalement les communes. S’il convient bien sûr de les aider, elles doivent rester parties prenantes de leurs projets. Sinon, vous nous direz encore que l’État fait tout à leur place, alors que nous voulons exactement le contraire ! Ce que nous voulons, c’est rendre les communes capables de choisir et de porter jusqu’au bout leurs projets. Faisons-leur donc confiance en leur demandant de continuer à participer au financement de leurs projets à hauteur de 20 %, en exceptant les cas que je viens de citer et qui feront l’objet de dérogations.

Comme je l’avais précisé lors de nos débats sur le bâti scolaire, il me paraît essentiel de conserver une participation minimale du maître d’ouvrage, qui permet de le responsabiliser tant dans le choix de l’investissement qu’il entreprend que dans sa capacité à assurer ensuite le fonctionnement et l’entretien de cet investissement.

Initialement, cette participation minimale n’était pas prévue dans la proposition de loi sénatoriale. Je remercie la commission des lois d’avoir rehaussé, dans le cadre de l’examen du texte, cette participation minimale à 5 %.

Si une telle évolution était nécessaire, comme je l’ai rappelé lors de l’examen de la proposition de loi sur le bâti scolaire, une participation minimale au moins égale à 10 % me semble indispensable pour que les communes se sentent pleinement responsables financièrement des projets qu’elles entreprennent.

Je regrette par ailleurs que la proposition de loi prévoie une dérogation aussi générale et absolue, qui ne permet pas de tenir compte de la capacité de la commune à porter le projet, y compris pour ce qui concerne les charges de fonctionnement. Allons-nous mettre en danger nos communes en les poussant à réaliser des investissements trop lourds dont elles ne pourraient peut-être pas supporter les charges ? Nous devons pouvoir tenir compte de la situation financière spécifique de chaque commune, avant de décider de l’accompagner à hauteur de presque 100 % du coût du projet. À nos yeux, il s’agit simplement d’un principe de réalité.

Vous l’aurez compris, je partage totalement l’objectif d’accompagner le plus fortement possible les communes rurales. Je salue les améliorations qui ont été apportées lors de l’examen de ce texte en commission. Néanmoins, je ne peux en l’état qu’émettre un avis défavorable sur ce texte, qui ne permet pas de garantir le niveau de responsabilisation de nos communes que nous attendons.

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une proposition de loi qui a du sens et qui n’est pas sécuritaire, c’est bien, par les temps qui courent ! (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.) L’attention réelle que porte notre chambre des territoires aux problèmes rencontrés par nos collectivités locales n’a d’égale que la qualité des travaux et le pragmatisme dans la recherche de solutions souvent unanimement acceptées.

Aussi, j’adresse mes sincères remerciements aux auteurs du texte, qui, face aux difficultés d’agir de l’échelon local, tentent d’apporter une réponse rapide, pratique et efficace.

Lors des travaux de la délégation aux collectivités territoriales menés sous la présidence de Françoise Gatel, ainsi que du groupe de travail sur la décentralisation sous la présidence de Gérard Larcher,…

M. François Bonhomme. Tout le monde a gagné ! (Sourires.)

M. Laurent Burgoa. Que de belles références ! (Mêmes mouvements.)

M. Guy Benarroche. … nous avons pu appréhender, au travers d’échanges toujours fructueux, les différents points durs qui bloquent l’action de nos territoires.

Vous le savez, notre groupe, comme les écologistes en général, est particulièrement attentif à ces problématiques. Notre mouvement a en effet toujours été partisan d’aller « du local au global ».

Comme tous ici, nous sommes très conscients des difficultés budgétaires des plus petites communes et des freins qu’elles représentent pour ce qui concerne leur investissement dans des projets souvent nécessaires.

Nous faisons également le constat, depuis plusieurs années, d’une raréfaction et d’une complexification des ressources fiscales et financières, faisant des finances locales un système imprévisible, illisible et inaccessible, notamment pour les élus des plus petites collectivités. La libre administration des collectivités est mise à mal par cette perte d’autonomie fiscale, puisque, en quinze ans, trois fiscalités locales ont disparu : la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Nous alertons également sur le rôle sans cesse croissant du préfet dans la gouvernance des projets d’innovation ou d’investissement. Nous insistons sur ce point : ce n’est ni aux préfets ni aux sous-préfets de dicter les projets locaux qui doivent se développer. Donner trop de pouvoirs au préfet et à l’État au détriment du maire et des élus locaux affaiblit les initiatives locales, et constitue de fait une recentralisation déconcentrée des pouvoirs.

M. le rapporteur, dont je salue le travail, a mis en avant la problématique du rôle joué par le préfet.

Si, à l’heure actuelle, la règle générale que la proposition de loi vise à modifier pour les petites communes est un taux de participation minimal de 20 % des collectivités pour les projets d’investissement dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage, il existe déjà des dérogations.

Toutefois, peu connues, très limitées dans leurs objets, et complexes pour ce qui concerne la constitution des dossiers de demande, ces dérogations, qui sont à la main des préfets, ne se font que trop rares. Ainsi, en 2022, seulement une centaine de projets ont-ils vu le jour, sur les 22 000 projets d’investissement lancés. L’amendement déposé par M. le rapporteur et permettant de centraliser et de définir précisément le périmètre des projets susceptibles de bénéficier de la dérogation créée par ce texte nous paraît tout à fait pertinent. C’est la raison pour laquelle nous le voterons.

L’an dernier, j’ai eu la chance de mener une mission d’information relative à la transition environnementale dans les collectivités territoriales avec mes collègues Pascal Martin et Laurent Burgoa. Un grand nombre des auditions que nous avons menées insistent sur la complexité du « premier pas », c’est-à-dire du premier investissement. Nos collectivités sont au centre de l’action nécessaire en faveur de la transition écologique.

Je le rappelle, leurs difficultés à investir sont aussi une question d’ingénierie. Sans une aide en matière de fonctionnement et d’ingénierie, les petites communes ne pourront pas mettre en œuvre certains projets de transition. Outre cette aide pour les projets d’investissement, il est également nécessaire – il semble que M. le ministre Christophe Béchu nous ait quelque peu entendus sur ce point – que l’État puisse accompagner et aider au financement des charges de fonctionnement très souvent induites par ces investissements.

Notre groupe votera l’amendement de M. le rapporteur que j’ai évoqué, ainsi que l’ensemble de ce texte, afin de libérer les initiatives des petites communes et de mettre fin aux décisions discrétionnaires des préfets. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 14 décembre dernier, nous débattions ici de l’enjeu de rénover le bâti scolaire, et d’abaisser la participation des collectivités en ce sens de 20 % à 10 %. En effet, le secteur du bâtiment représente près de 27 % des émissions de gaz à effet de serre. Partout, il y a urgence à rénover, en particulier dans les communes pour lesquelles les bâtiments représentent 76 % de leur consommation énergétique.

Toutes n’en ont pas les moyens, particulièrement les petites communes, qui doivent elles aussi faire face à la transition écologique et énergétique.

Je veux ici le souligner, il est de plus en plus difficile de boucler les budgets communaux, et les maires ont besoin de soutien de la part de l’État. C’est d’autant plus vrai pour les projets les plus coûteux, qui sont parfois le projet d’un ou de plusieurs mandats.

La proposition de loi présentée tend à abaisser la participation minimale des communes de moins de 2 000 habitants de 20 % à 5 %.

Mon groupe y souscrit pleinement. Nous y adhérons d’autant plus que, lors du débat sur le bâti scolaire, j’avais déposé un amendement en ce sens, pour permettre aux préfets, en tant que garants de l’intérêt général, d’exonérer les communes de toute participation, lorsqu’elles n’en ont pas les moyens. Et pour cause ! Si certaines communes ne peuvent pas payer 20 %, d’autres ne peuvent pas payer 10 %. Aujourd’hui, avec cette proposition de loi, un compromis a été trouvé à 5 %. Mais, demain, ne faudra-t-il pas arriver à 0 % ?

À l’époque, le Gouvernement et le rapporteur m’avaient opposé qu’une telle disposition risquait de créer un précédent pour d’autres travaux et que c’était contraire à l’autonomie des collectivités. Par ailleurs, madame la ministre, vous aviez souligné que « si la collectivité ne peut investir 10 % du montant des travaux de rénovation, il faut s’inquiéter de sa capacité à faire fonctionner l’école par la suite… ». Je viens d’écouter votre intervention, et je constate que vous restez constante dans vos propos. (Mme la ministre déléguée le confirme.)

Le texte que nous examinons aujourd’hui, déposé en octobre, proposait initialement la même chose, à savoir une exonération totale. Il a été ajusté en dernière minute en commission pour relever la participation à 5 %, mais, à terme, il y aura de toute façon des exonérations complètes, qui seront inévitables, peut-être au cas par cas, pour boucler le financement de certains projets indispensables, lorsque, par exemple, des événements exceptionnels comme nous en avons connu, et notamment des catastrophes naturelles, engendrent des dépenses extraordinaires pour les communes concernées.

Quoi qu’il en soit, un problème demeure. Qui paie le reste à charge ? Souvent, les enveloppes comme le fonds vert, la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ne se cumulent pas, et la quête aux subventions profite souvent aux communes les mieux dotées en ingénierie.

De nombreuses communes sont aux prises avec un effet ciseaux, avec des coûts de fonctionnement qui augmentent considérablement, notamment pour ce qui concerne l’énergie, la restauration scolaire, le prix des matières premières, et des recettes qui ne sont pas à la hauteur des besoins, à la suite d’une baisse des recettes fiscales et d’un manque de péréquation dans la redistribution.

Les collectivités ont besoin d’un grand plan de soutien non seulement pour déployer davantage de services publics de proximité, mais aussi pour faire vivre les services publics locaux qui existent encore.

Relever le défi de la transition écologique implique d’isoler les bâtiments, de décarboner les véhicules, de renaturer des espaces publics, et de mobiliser l’ingénierie nécessaire pour intégrer de nouvelles réglementations. Si nombre de collectivités se sont saisies de ces enjeux, elles n’ont pas toujours les moyens d’y faire face.

Ces difficultés de financement concernent, certes, de nombreuses communes de moins de 2 000 habitants, mais ce seuil est particulièrement bas, au regard du besoin de l’ensemble des collectivités.

Cette proposition de loi est donc un petit pas, que nous soutiendrons. Toutefois, une fois encore, elle n’engage pas véritablement le Gouvernement, et il en faudra davantage pour convaincre les élus locaux. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, GEST et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce n’est pas devant notre Haute Assemblée que je rappellerai l’importance de la commune dans le quotidien de nombreux concitoyens.

Pour avoir quitté très récemment mon mandat de maire d’un village de 1 300 habitants de mon cher Lot-et-Garonne, je sais à quel point l’échelon communal demeure bien souvent le plus à même de mener des projets ambitieux sur le territoire.

Je sais également les difficultés majeures que rencontre une commune rurale lorsqu’elle souhaite investir.

Si la commune n’est pas le seul échelon territorial ayant vu ses finances fragilisées, elle est sûrement celle qui se retrouve la plus démunie face à une telle situation.

La proposition de loi examinée aujourd’hui tend à créer une dérogation à la participation minimale de 20 % des communes rurales pour assurer la maîtrise d’ouvrage de leurs projets.

Une telle initiative a l’immense mérite de mettre en lumière des situations dans lesquelles les communes ne peuvent supporter seules des investissements nécessaires. Pourtant, ces investissements concernent bien souvent la transition écologique, la qualité de vie des habitants, les services publics de proximité ou bien l’attractivité du territoire.

Toutefois, si la participation minimale des communes assurant la maîtrise d’ouvrage de leurs projets constitue souvent un frein à l’investissement, il n’est malheureusement pas le seul. Je pense notamment à la diminution des leviers fiscaux, à la hausse des dépenses de fonctionnement ou au manque d’accessibilité à l’ingénierie territoriale.

Je le sais, le Sénat continuera de porter ces problématiques, accompagné par l’État, qui saura entendre ses demandes.

Certes, ce texte n’est pas dépourvu de toute incertitude. Je pense notamment à l’articulation de cette nouvelle dérogation avec celle qui a déjà été votée par le Sénat en décembre dernier s’agissant de la rénovation du bâti scolaire.

Il demeure également des questionnements légitimes sur l’effet potentiel de vases communicants des financements, qui ferait peser un poids important sur la DETR ou la DSIL, au cas où les dotations de l’État ne seraient pas revalorisées.

Nous pouvons également déplorer un incontournable effet de seuil d’une telle règle, bien que, dans certains domaines, le préfet puisse accorder la dérogation au cas par cas.

La discussion me permet de revenir sur les modifications apportées par notre commission. Je remercie M. le rapporteur de son travail et des amendements de consensus qu’il a portés. Je me satisfais des solutions trouvées, bien qu’elles ne répondent pas tout à fait à l’ensemble des questions soulevées. Il s’agit néanmoins d’un excellent départ.

À titre personnel, je portais un regard bienveillant sur l’amendement déposé par le Gouvernement visant à maintenir la compétence du préfet pour abaisser la participation minimale à 5 %. Il est également proposé de conditionner la mesure à la disproportion des dépenses à l’aune des capacités financières des communes. Cela permettrait notamment de répondre à une inquiétude exprimée en commission sur la situation des départements dans lesquels les communes de moins de 2 000 habitants sont très nombreuses. Cela permettrait également de circonscrire le bénéfice de cette dérogation aux communes qui en ont le plus besoin.

Vous l’aurez compris, pour l’avenir et le maintien de l’ensemble de nos communes rurales, indispensables sur notre territoire, le RDSE soutiendra cette initiative. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz.

M. Olivier Bitz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chacun connaît ici l’importance de l’investissement des collectivités locales, de manière générale, et des communes rurales, en particulier.

Je veux parler de l’importance du soutien ainsi apporté à l’économie locale, mais aussi de l’importance pour la qualité de vie de nos concitoyens. En effet, nos communes rurales, pour être attractives, doivent proposer à leurs habitants des équipements correspondant aux attentes légitimes de la population.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a le mérite de reposer la question du soutien apporté par l’État et les autres collectivités importantes à l’investissement des communes rurales, ou plutôt des communes de moins de 2 000 habitants, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Je salue le travail réalisé par les auteurs de la proposition, ainsi que par M. le rapporteur.

Il n’est jamais inutile de réfléchir au soutien le meilleur à apporter à l’investissement local, même si nous pouvons parfois nous interroger sur la parfaite cohérence entre nos travaux. En effet, notre assemblée a adopté, dans la niche réservée au groupe RDPI, à l’unanimité, le 14 décembre dernier – ce n’est pas très ancien ! – la proposition de loi transpartisane portée par notre collègue Nadège Havet et visant à abaisser de 20 % à 10 % la participation minimale du maître d’ouvrage pour les projets de rénovation énergétique des bâtiments scolaires. Il s’agissait alors de donner la priorité au bâti scolaire. Aujourd’hui, cette proposition de loi tend à abaisser le seuil que nous avons adopté, avant même que notre texte soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, à 5 % pour tous les projets d’investissement, à condition que la commune compte moins de 2 000 habitants.

Puisque nous raisonnons dans le cadre d’enveloppes financières fermées, il nous est aujourd’hui concrètement proposé de renoncer à la priorité scolaire que nous nous étions nous-mêmes fixée voilà tout juste deux mois.

La cohérence dans l’organisation de nos travaux est également questionnée. Pourquoi avoir examiné la proposition de loi Havet au mois de décembre en commission des finances et la proposition de loi Wattebled en commission des lois, alors que les deux textes portent sur le même objet, à savoir la participation financière minimale du maître d’ouvrage à l’investissement qu’il porte.

Nous pourrions également nous interroger sur l’inflation normative dont nous nous plaignons tous régulièrement. En effet, dans l’exposé des motifs, les auteurs de la proposition de loi évoquent, à juste titre, les dérogations existant déjà à la règle des 20 %, en déplorant qu’elles ne soient pas suffisamment appliquées. Pour pallier la faible application de dispositions dérogatoires par le représentant de l’État, il est proposé d’adopter une nouvelle loi !

Avouez-le, cela relève d’un raisonnement juridique un peu curieux.

Sur le fond, nous n’avons pas d’opposition à la mesure proposée, même s’il faut bien garder à l’esprit que tout investissement engendre des dépenses de fonctionnement. Il ne faudrait pas que la charge résiduelle modeste restant au maître d’ouvrage l’amène à réaliser des dépenses d’équipement dont il aurait ensuite des difficultés à financer le fonctionnement. Nous le savons, les dépenses d’équipement engendrent chaque année au moins 10 % des dépenses de fonctionnement. Or, si une commune ne peut payer au moins 10 % de l’équipement, comment pourrait-elle financer, les années suivantes, au moins 10 % des dépenses de fonctionnement engendrées par cet équipement ?

J’appelle cependant de mes vœux une réflexion plus globale et plus profonde sur le sujet de l’investissement des communes rurales.

Première observation, les communes rurales souffrent d’abord de l’existence d’un montant plancher de DETR, autour de 5 000 euros. Ce même plancher peut exister dans les conseils départementaux ou régionaux.

Or nombre de communes rurales n’ont souvent que de petits projets d’investissement à leur mesure, qui ne sont pas éligibles au dispositif existant. Ces communes ne bénéficient ainsi d’aucun soutien.

Par ailleurs, les grosses collectivités et les services de l’État se concentrent principalement sur les projets structurants pour le territoire : ces derniers sont rarement portés par une petite commune rurale.

Enfin, l’exigence d’une estimation chiffrée par un professionnel pour déposer une demande de DETR conduit la petite commune à supporter un coût certain, alors que la réalisation du projet est encore hypothétique, puisque fonction du montant de subvention qui sera finalement obtenu.

Voilà autant de freins à l’investissement des communes rurales qu’il est facile de lever, sans passer par la loi.

Ma deuxième observation concerne l’ingénierie de projet.

La petite commune qui n’arrive pas à financer 20 % du projet qu’elle porte n’a en général pas les moyens de financer l’ingénierie du projet. Entre l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et les autres dispositifs existants tels que les Villages d’avenir ou les agences départementales d’ingénierie, il n’est pas toujours possible de comprendre toutes les subtilités des dispositifs : il faudra bientôt une ingénierie pour comprendre l’ingénierie mise à la disposition des collectivités locales ! Il est donc nécessaire de simplifier les services mis à la disposition des communes.

Enfin, troisième observation, si nous poussons la réflexion un peu plus loin, la question véritablement posée est celle de la dotation globale de fonctionnement. J’ai bien noté que le Gouvernement avait proposé de réfléchir à son évolution. En la matière, un réajustement devra être opéré entre les communes rurales et les communes urbaines, entre les petites communes et les grosses communes. On le sait bien, le montant de la DGF par habitant varie souvent du simple au double. Le vrai soutien à l’investissement des communes rurales passera par la capacité à soutenir le fonctionnement de ces collectivités, ce qui leur permettra de dégager les moyens nécessaires à l’investissement.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Bitz. Le vrai soutien passera donc à mon sens par ce rééquilibrage.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, qui touche à un sujet profondément ancré dans notre gestion des territoires, doit composer avec les réalités diverses de nos communes : l’équilibre entre le développement des communes rurales au travers de leurs projets d’investissement et la nécessité de maîtriser la dépense publique locale.

Il s’agit sans nul doute d’un sujet qui a naturellement vocation à nous mobiliser, ici, à la chambre des territoires, de manière transpartisane, fait notable au sein de notre hémicycle.

Aussi, je remercie Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte de leur initiative et leurs travaux sur ce texte, ainsi que mon collègue Hussein Bourgi, rapporteur pour la commission des lois.

Les communes rurales représentent plus d’un tiers de la population et plus de 80 % des communes de France. Reconnaître les défis spécifiques auxquels elles sont confrontées, tel est l’objectif de ce texte, telle est notre responsabilité de législateur.

Ces territoires, pilier de notre cohésion nationale, se trouvent aujourd’hui dans une situation financière souvent complexe. Ils sont tiraillés entre la volonté, voire la nécessité de développer des projets d’investissement essentiels à leur dynamisme et les contraintes d’une réglementation parfois trop rigide, fait que nombre d’anciens maires ici présents connaissent.

Aujourd’hui, la règle impose aux communes un taux de participation minimale de 20 % pour les projets d’investissement dont elles assurent la maîtrise d’ouvrage. Cette règle a été pensée dans un esprit de responsabilisation, mais elle se révèle un frein pour bon nombre de nos petites communes, qui peinent à mobiliser les fonds nécessaires pour leurs projets.

Une telle réalité nous oblige à repenser notre approche. Le dialogue et les retours du terrain nous montrent que la rigidité de cette règle ne fait qu’exacerber les inégalités entre territoires. Tout cela met en lumière la nécessité d’une réforme prenant en compte les particularismes locaux et guidée par une volonté de justice territoriale.

Initialement, l’encadrement insuffisant de la participation des collectivités aux projets d’investissement a entraîné une croissance significative du recours aux financements croisés ou aux cofinancements. Cette tendance a principalement mis en lumière l’insuffisance des ressources de certaines collectivités territoriales, notamment des petites communes rurales, incapables de financer par leurs propres moyens les équipements et aménagements nécessaires. Il faut le reconnaître, cela peut aussi être le cas de certaines communes urbaines disposant de faibles moyens au vu des immenses défis qu’elles doivent relever.

Au fil du temps, de nombreuses dérogations aux règles de participation minimale des collectivités territoriales maîtres d’ouvrage ont été introduites par le législateur. Elles sont trop souvent restées inappliquées, pénalisant ainsi les investissements des communes rurales et portant largement atteinte à l’initiative locale.

Les élus municipaux ne devraient pas avoir à reporter - voire à y renoncer - le lancement de certains projets de façon presque systématique en raison d’un reste à payer qui demeure disproportionné. De nombreuses causes font obstacle à l’application des dérogations en vigueur : le défaut de publicité, la complexité du montage du dossier, la lenteur administrative, le caractère aléatoire de l’octroi des dérogations par le préfet de département, ou encore, et non des moindres, le champ d’application trop restreint de ces dérogations.

Vous l’aurez compris, ce texte est bienvenu pour nos communes. Ancien maire et nouveau sénateur, je me réjouis des travaux déployés en commission. Ils ont permis d’introduire les ajustements nécessaires pour faire de cette proposition de loi un texte adapté à la fois aux spécificités territoriales des communes rurales et au budget propre de chacune d’entre elles.

Les modifications notables sont suivantes.

Tout d’abord, le champ de la dérogation aux taux de participation minimale s’appliquera aux communes de moins de 2 000 habitants, afin de cibler les communes dont le budget est le plus contraint.

Ensuite, un taux de participation minime, à hauteur de 5 %, est conservé, afin de « responsabiliser » les conseils municipaux, qui travaillent déjà avec un grand dévouement dans le cadre de nombreuses contraintes. Il s’agit uniquement, par cette mesure, de renforcer leur efficacité et la hiérarchisation du choix des investissements à réaliser.

Quant au champ des projets d’investissement concernés par cette dérogation, il mériterait certainement une réflexion, afin de valoriser et de favoriser les projets les plus structurants de nos communes.

C’est dans cet esprit, à savoir répondre au mieux aux enjeux de développement locaux et de solidarité territoriale, que nous voterons en faveur de ce texte, qui introduit une flexibilité des contributions financières de la part des communes dans leurs futurs projets d’investissement. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et INDEP. – M. Guy Benarroche applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi intervient après la loi RCT, qui a fixé une participation minimale de 80 % des apports des personnes publiques pour tout projet d’investissement local.

Il est vrai qu’une certaine rationalisation de l’architecture des financements des projets s’imposait, ne serait-ce que pour éviter une confusion, un effet de saupoudrage des investissements et une mécanique poussant au projet sans une véritable réflexion d’opportunité préalable.

Ces dispositions ont connu depuis quelques ajustements, voire des exceptions, pour des motifs qui ne sont pas toujours justifiés et en lien avec des circonstances particulières. Je pense, par exemple, à une exonération globale pour les collectivités d’outre-mer.

De son côté, le préfet s’est vu reconnaître la possibilité d’accorder des dérogations à la règle du financement minimum, en particulier pour assurer la réparation des dégâts survenus à la suite d’une calamité publique ou en cas de disproportion par rapport à la capacité financière du maître d’ouvrage.

La participation minimale peut donc être abaissée dans certaines situations. Cette question revient en discussion régulièrement tant elle est sensible et fluctuante.

Faut-il étendre le champ des dérogations à ce principe ?

Dernièrement, le Sénat a adopté d’une proposition de loi abaissant la participation minimale à 10 % pour la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vient élargir la liste des collectivités exemptées de participation financière minimale aux projets d’investissement en y incluant les communes rurales. Cela concerne près de 85 % des communes en France métropolitaine, qui ont une population inférieure à 2 000 habitants.

Nous connaissons tous des communes qui, faute de capacités, doivent renoncer à des projets. Je pense, ici, au problème des édifices religieux en état de dégradation avancée que les communes n’ont pas les moyens d’entretenir et encore moins de restaurer. Certaines communes de mon département, par exemple, comptent jusqu’à treize édifices religieux sur leur territoire. Je vous laisse imaginer dans quel état ces bâtiments se trouvent !

Toujours est-il que cette dérogation me paraît tout à fait opportune. Je salue le travail de notre rapporteur, qui a apporté les corrections nécessaires pour fixer une participation à 5 % et je remercie les auteurs de ce texte, qui ont fait œuvre utile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Brault.

M. Jean-Luc Brault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue le travail de mes collègues Marie-Claude Lermytte et Dany Wattebled, à qui nous devons cette proposition de loi que j’ai évidemment cosignée.

Nous examinons aujourd’hui un texte utile, qui bénéficiera de manière concrète aux collectivités territoriales rurales, lesquelles ne sont pas très riches, madame la ministre.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. C’est vrai !

M. Jean-Luc Brault. C’est une mesure urgente de justice sociale, en particulier pour les communes les plus en difficulté. De ce fait, notre groupe se félicite d’examiner ce texte dans le cadre de notre niche parlementaire.

Bien trop souvent, les 20 % de reste à charge représentent un frein insurmontable pour bon nombre de communes rurales. Dans le Loir-et-Cher, c’est près de 90 % des communes qui comptent moins de 2 000 habitants ; 140 communes ont même moins de 500 habitants. Mon ami Bernard Pillefer, ici présent, le confirmera.

Elles sont alors obligées de restreindre leurs projets d’investissement, faute de moyens. Ces projets abandonnés sont pourtant vitaux pour le territoire, mais ils ne verront jamais le jour : je pense, par exemple, à une mise aux normes de bâtiments pour les personnes à mobilité réduite ou âgées, travaux qui permettent une vie sociale, une vie humaine, pour une population vieillissante. Or la vie sociale est prioritaire dans nos petites communes. Les habitants sont les premiers pénalisés par ces abandons de projet. Je rappelle que la population dans ces départements est de plus en plus vieillissante.

J’ai aussi une pensée pour la commune de Lassay-sur-Croisne, dans mon département, qui a fait face à la fermeture de l’auberge du Prieuré. Il s’agissait de la seule activité dans ce petit village, et une activité renommée ! Grâce à la mobilisation du maire, de son équipe municipale, et à l’arrivée d’un jeune couple de repreneurs, l’auberge sera rouverte. Quatre emplois seront ainsi créés. La commune a pourtant bien failli passer à côté de l’exploit – un exploit ! - de trouver un jeune couple voulant se lancer dans l’entrepreneuriat pour reprendre un lieu de vie, dans un village de 254 habitants ! Trouver ce jeune couple souhaitant investir est déjà une véritable prouesse pour le conseil municipal ! Mais les investissements nécessaires sont tels que cette petite commune est obligée de geler tous ses autres projets pendant trois ans. Ce n’est pas tenable et ce n’est pas juste.

Nous devons redonner du pouvoir d’agir aux maires et aux conseils municipaux en simplifiant le droit actuel. Croyez-moi, madame la ministre, nos communes se sentent pleinement responsables.

En commission, un amendement du rapporteur a permis de conserver une participation minimale de la part des collectivités rurales, à hauteur de 5 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques.

Comme l’a proposé le rapporteur, dont je salue le travail, il s’agit ainsi de responsabiliser les conseils municipaux dans la conduite de leurs projets d’investissement. Notre groupe y est très favorable.

La limitation de l’exonération à certains types de projets jugés plus structurants que d’autres n’est pas souhaitable ; nous regrettons donc cette évolution proposée en commission. En revanche, nous sommes favorables au ciblage des communes rurales qui ont le plus besoin d’aide.

Notre groupe soutiendra évidemment ce texte. Je vous promets, madame la ministre, que les maires des petites communes rurales de 250 habitants, voire moins, sont très précis dans leurs calculs, dans leur comptabilité et dans la gestion de leurs deniers personnels. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Michel Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue la qualité du travail réalisé par les auteurs de cette proposition de loi, ainsi que par notre rapporteur Hussein Bourgi.

Les collectivités locales demeurent le moteur essentiel de l’investissement public local en France. Ce dynamisme d’investissement public local est d’autant plus salutaire que l’autonomie fiscale et financière de nos collectivités se délite, et que les emprunts souscrits dans des conditions de plus en plus contraignantes limitent leur capacité d’agir et d’investir.

Soutenir un projet d’investissement structurant, pour une commune de taille modeste, est d’une telle complexité que cela explique, en partie, le recours quasi systématique à des financements croisés.

Cette pratique de cofinancement, qui n’est pas sans inconvénient, a incité le législateur à en encadrer les modalités. La loi RCT de 2010 dispose ainsi que toute collectivité ou tout groupement de collectivités, qui est maître d’ouvrage d’une opération d’investissement, doit en financer au moins 20 %. Au passage, je rappelle que ce même texte de loi supprime la clause générale de compétence des départements et des régions. Cela ne va pas sans poser des problèmes pour mobiliser au maximum les financements en faveur des collectivités les plus rurales. Certaines collectivités sont dans l’incapacité de pouvoir financer leurs projets.

En l’état du droit en vigueur, toute commune doit donc, indépendamment de sa santé financière, de sa population ou de sa localisation, appliquer cette règle des 20 %, à l’exception de certaines collectivités d’outre-mer ou hors circonstances particulières – je pense au régime de catastrophe naturelle, mais j’y reviendrai.

Si l’idée d’une participation minimale me paraît nécessaire, l’application d’un taux identique pour toute collectivité peut sembler inadaptée, voire incohérente, en fonction de la nature des projets et de leurs porteurs.

Notons tout de même – et le rapporteur Bourgi l’a rappelé – qu’il existe déjà un mécanisme de dérogation à la main des préfets de département. Néanmoins, cet outil reste rarement utilisé – une centaine de situations sur l’exercice 2023 – au regard notamment du champ de dérogation qui apparaît très restreint – il n’inclut pas la voirie, par exemple, qui est pourtant un sujet important et constitue l’investissement minimal pour les collectivités rurales les plus modestes.

La présente proposition de loi, qui tend à assouplir une des règles de cofinancement, va dans le bon sens, et ce d’autant plus que la commission des lois a adopté un amendement du rapporteur visant à mieux cibler les communes concernées et à responsabiliser ces dernières.

Il tend, d’une part, à préciser directement dans la loi que les bénéficiaires de cette mesure sont les communes de moins de 2 000 habitants. Nous pouvons débattre de ce critère, notamment en raison de l’effet de bord pour des communes juste au-dessous ou au-dessus de ce seuil, mais il a le mérite d’être clair.

Il tend, d’autre part, à prévoir, en lieu et place d’une exonération totale, une participation minimale de 5 %.

Au-delà de cet amendement, je partage l’avis du rapporteur, qui souhaite mieux cerner les communes et les dépenses éligibles à ce dispositif en encadrant le champ de la dérogation.

Les propositions – rappelées en début de séance – visant notamment à élargir le champ des dérogations aux projets pour la rénovation du patrimoine, en matière d’eau ou de rénovation thermique vont dans le bon sens.

Nous pourrions aussi nous appuyer sur les indicateurs économiques et financiers utilisés dans le cadre de la péréquation horizontale. Il paraissait également nécessaire d’introduire un critère relatif au potentiel financier, certaines communes rurales – même si c’est rare – pouvant être particulièrement riches. Il convenait de les distinguer des autres. À titre d’illustration, une commune contributrice au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) ne devrait pas être bénéficiaire du dispositif de participation minimale de 5 %.

La proposition qui a été formulée de rapporter le potentiel financier à la strate démographique et de ne retenir que les potentiels financiers inférieurs à deux fois cette moyenne me paraît aller dans le bon sens.

Quoi qu’il en soit, les mesures qui nous sont présentées aujourd’hui permettent de soutenir l’investissement de nos communes les plus rurales. C’est important, car, bien souvent, par défaut d’ingénierie, ces dernières n’accèdent pas aux financements classiques et ne peuvent pas bénéficier non plus des financements croisés alors qu’il s’agit de dossiers vitaux pour le bien-être et la vie quotidienne de nos concitoyens.

Comme l’ont souligné tout à l’heure certains intervenants, en cas de calamité ou de catastrophe naturelles, le reste la charge peut aller jusqu’à zéro. Vous vous êtes rendue, madame la ministre, dans mon département des Hautes-Alpes à l’occasion des récentes catastrophes naturelles. Le zéro reste à charge demeure une énigme pour nos collectivités. Malgré l’affichage sur le profil des communes soumises au régime de catastrophe naturelle, les solutions ne sont pas trouvées par l’appareil d’État, les cofinanceurs et les assureurs pour parvenir à ce zéro reste à charge.

Si, demain, grâce à ce texte, nous parvenions à un autofinancement de 5 %, y compris pour les collectivités soumises au régime des catastrophes naturelles, nous ne pouvons que nous en féliciter !

Malgré les avancées proposées par M. le rapporteur et l’engagement relatif aux différents éléments de financement, une interrogation subsiste, madame la ministre, sur la capacité à mobiliser des financements complémentaires, qu’il s’agisse de la DETR, de la DSIL ou du fonds vert, pour atteindre cet objectif d’un reste à charge zéro, voire de 5 %.

Néanmoins, et malgré les difficultés que je viens de pointer, le groupe Union Centriste, toujours en soutien de nos collectivités rurales, votera en faveur de la proposition de loi, telle qu’elle a été et sera amendée par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Rojouan. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Rojouan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2010, une participation minimale de 20 % au financement des projets a été instaurée pour toutes les communes.

Il était en effet nécessaire de revoir les règles en vigueur afin d’accroître la lisibilité de l’action publique et de responsabiliser les acteurs dans le choix de leurs investissements.

Cependant, est-il possible d’appliquer ces règles strictes de la même manière aux petites communes rurales et aux communes les plus riches ? C’est la question à laquelle nous devons répondre aujourd’hui.

Après plusieurs années de recul, force est de constater que ces contraintes paraissent disproportionnées pour la plupart des petites communes. Ces collectivités, confrontées à des difficultés budgétaires, peinent souvent à supporter le niveau minimal de dépense pour réaliser certains investissements.

Si la loi prévoit des conditions permettant de déroger à la règle, dans la pratique, les dérogations – à la main du préfet – sont peu appliquées. En 2022, une centaine ont été délivrées au niveau national pour plus de 22 000 projets réalisés.

Dans mon département de l’Allier, seules dix-sept communes ont bénéficié du déplafonnement en 2022 et en 2023. Et pour cause : le montage des dossiers est complexe, pour des dérogations attribuées de manière trop aléatoire et qui ne s’appliquent pas à des projets importants pour les territoires. La voirie, par exemple, en est exclue, laissant les collectivités avec un reste à charge de 70 % à 80 % à financer sur leurs propres deniers.

Beaucoup de communes se retrouvent donc face à un mur d’investissement et sont obligées de différer ou d’annuler des projets, parfois pourtant indispensables.

Le Sénat a récemment ouvert la voie à l’extension des dérogations avec l’adoption en décembre dernier d’une proposition de loi abaissant le seuil de participation minimale à 10 % pour la rénovation énergétique des bâtiments scolaires.

Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à mettre en place un dispositif permettant d’ouvrir encore plus largement les dérogations pour les petites communes rurales. Si ce traitement différencié paraît souhaitable, il nous appartient, lors de ce débat, d’en préciser les conditions.

Alors que le texte initial ne prévoyait pas de participation minimale des communes, la commission des lois a adopté un amendement afin de conserver une participation obligatoire à hauteur de 5 %. Cette participation minimale, demandée par ailleurs par les associations d’élus, semble nécessaire.

Un des points qui feront certainement débat concerne le champ des projets éligibles à la dérogation. Quoi qu’il en soit, il est vital de donner la possibilité à nos plus petites communes de mener des projets. J’espère donc que ce texte permettra des avancées en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat prête une attention particulière à la situation des collectivités territoriales, qui constituent, par leur maillage, le premier relais de l’action publique sur le terrain, la mairie restant souvent le dernier service public dans la commune, avec des moyens financiers toujours plus contraints et dépendants de dotations versées par l’État.

Cette proposition de loi de nos collègues Dany Wattebled et Marie-Claude Lermytte, du groupe Les Indépendants, procède de ce constat. Son objet est d’assouplir la règle de financement minimale des projets d’investissement introduite au moment de la loi RCT.

Un certain nombre de dérogations totales ou partielles existent cependant au bénéfice des collectivités ultramarines ou de la Corse. Je pense également à celles que délivre, au cas par cas, le préfet, notamment lorsqu’il estime que la participation minimale est disproportionnée au vu de la capacité financière du maître d’ouvrage.

Les communes rurales ne font cependant l’objet d’aucun dispositif spécifique.

La proposition de loi de nos collègues consiste donc à instaurer cette dérogation, avec une participation minimale de 5 % des communes rurales, après l’adoption d’un amendement du rapporteur en commission.

Quoi qu’il en soit, il nous paraît important de poursuivre cet effort de conciliation entre l’objectif de responsabilisation des communes et les impératifs financiers s’appliquant aux communes rurales.

En conclusion, et malgré l’originalité de mon propos, le groupe Les Républicains soutient pleinement les objectifs de cette proposition de loi et votera ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Claude Lermytte applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article unique

I. – Le III de l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les projets d’investissement réalisés par les communes de moins de 2 000 habitants, cette participation minimale du maître d’ouvrage est de 5 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques. »

II. – (Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Bourgi, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

2 000 habitants

insérer les mots :

dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hussein Bourgi, rapporteur. Cet amendement vise à réserver le bénéfice de cette dérogation aux communes qui en ont le plus besoin. Nous nous sommes appuyés sur le potentiel financier. On compte aujourd’hui en France l’équivalent de 29 000 communes rurales qui seraient éligibles puisqu’elles comptent moins de 2 000 habitants.

En prenant en compte le potentiel financier, entre 400 et 500 communes seraient écartées de cette dérogation, soit essentiellement celles qui bénéficient d’une activité touristique importante – stations de ski, stations thermales, etc. –, car elles ne sont pas nécessairement dans le besoin.

Il s’agit ainsi d’éviter les effets d’aubaine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Cet amendement vise en effet à réduire le champ d’application de la proposition de loi aux communes dont le potentiel financier par habitant serait inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants.

Tout cela a beaucoup de sens, je le reconnais. Mais que dit notre administration ? Elle dit, et je souscris cette fois à son analyse, qu’une commune éligible une année pourrait ne pas l’être l’année suivante, ce qui rend la disposition complexe et potentiellement difficile à admettre pour les maires concernés.

Plutôt que d’instaurer une dérogation générale, qui pourrait entraîner l’exclusion d’une commune éligible l’année précédente, le potentiel fiscal pouvant varier d’une année sur l’autre – on parle ici tout de même d’un certain nombre de communes ! –, nous préférons nous en tenir à la solution actuelle déjà prévue par la loi, qui autorise le préfet à activer son pouvoir de dérogation au cas par cas, si l’importance de l’investissement est disproportionnée par rapport à la capacité financière du maître d’ouvrage.

Cette solution nous semble être la plus acceptable du point de vue des maires, elle est aussi la plus simple, d’autant que sur dérogation des préfets l’exonération peut alors atteindre 100 % en fonction du degré de difficulté ou du niveau de confiance – vous avez été nombreux à souligner que les charges engendrées par l’investissement doivent rester supportables pour les communes.

Le Gouvernement est donc malheureusement défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Votre argument, madame la ministre, n’est pas très convaincant. (Mme Audrey Linkenheld acquiesce.) On accorde une nouvelle dérogation en élargissant le champ d’application de cette règle des 80 %. Au bout d’un moment, on arrive à un saupoudrage et à une dilution des moyens qui ne sont pas – par définition – illimités.

Les exemples cités par notre rapporteur sont assez convaincants. On sait très bien que certaines communes faibles démographiquement – moins de 1 000 habitants – disposent malgré tout de capacités financières certaines. Il serait donc plus opportun de soutenir d’autres projets. Madame la ministre, qui trop embrasse mal étreint, même en ce jour de Saint-Valentin ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Madame la ministre, votre argumentation est un alibi administratif. Aucune commune ne connaît une révolution de ses ressources financières en l’espace d’un an ! Par ailleurs, si tout cela vous semble trop compliqué, il existe une autre idée que le Sénat développe depuis longtemps, à savoir la contractualisation entre l’État et chaque commune à partir du projet électoral de chaque collectivité. Cela donnerait de la visibilité sur trois ans. Je voterai donc cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour explication de vote.

Mme Audrey Linkenheld. Je souscris aux arguments qui viennent d’être développés par mes deux collègues et notre groupe votera cet amendement.

Madame la ministre, vous avez pris le raisonnement à l’envers. Cet amendement ne vise pas à protéger une commune par rapport à un projet d’investissement trop lourd au regard de ses finances ; il vise au contraire à flécher les financements publics vers les communes qui en ont le plus besoin, celles dont leur faible potentiel financier ou fiscal les empêche de réaliser des investissements. Or, dans le même temps, d’autres communes font appel aux subventions ou aux financements publics alors qu’elles auraient parfaitement les moyens de financer à 100 % leurs équipements, d’emprunter ou de lever l’impôt.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Arnaud. Le Gouvernement raisonne effectivement à l’envers.

Offrir la faculté à certaines communes de bénéficier de 95 % de subventions sur des dossiers structurants pour elles ne dépend pas forcément de l’analyse positive de M. le préfet, mais dépend souvent des partenaires associés. Il n’y a pas que le préfet qui a la main, il y a aussi tous les cofinanceurs : l’Europe, les régions, les départements. Faisons donc confiance aux collectivités locales. Elles sont capables, avec les cofinancements, de fixer le projet sur lequel, exceptionnellement, on ira à 95 %.

En ce qui concerne les dérogations préfectorales que vous mettez en avant, les chiffres sont parlants : en 2023, seulement 100 dossiers ont été ciblés. Votre administration et l’administration préfectorale n’ont donc pas la culture de l’aide exceptionnelle à hauteur de 95 % pour les collectivités qui en ont plus besoin.

Enfin, je corrige avec amitié les propos de notre rapporteur : les stations de sports d’hiver ne sont pas toutes riches. C’est même loin d’être le cas pour les plus familiales d’entre elles ! Il en est de même pour les stations thermales. Ce n’est donc pas un argument à mettre en avant pour susciter l’adhésion à cette réforme…

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.

M. Olivier Bitz. Je suis assez réservé sur cet amendement, qui ne sert pas à grand-chose. Lorsqu’un financeur se pose la question du niveau de financement qu’il apporte à un projet, évidemment qu’il regarde déjà aujourd’hui quelle est la capacité de la collectivité à assumer une part résiduelle ! Ni une règle fixée par voie d’amendement ni l’autorisation du préfet ne sont donc utiles. Je n’ai jamais vu l’État ou une grosse collectivité financer à hauteur de 95 % le projet d’une commune qui n’en avait pas besoin.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’amendement n° 2, présenté par M. Bourgi, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

d’investissement

insérer les mots :

en matière de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé, de rénovation énergétique des bâtiments, d’eau potable et d’assainissement, de protection contre les incendies, de voirie communale ainsi que ceux concernant les ponts et ouvrages d’art,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Hussein Bourgi, rapporteur. Cet amendement a fait débat avec les auteurs de la proposition de loi, son objet étant de resserrer le périmètre des dépenses qui sont éligibles.

Lorsque nous avons auditionné les associations de maires et un certain nombre de maires de notre pays, ils nous ont mis en garde contre les effets de seuil et le message qui serait adressé aux communes de plus de 2 000 habitants. Ils nous ont demandé de faire attention à ne pas subventionner à hauteur de 95 % un club-house, aussi important soit-il, un skatepark ou un pumptrack au motif que la commune compte moins de 2 000 habitants, alors que la commune d’à côté qui compterait 2 100 ou 2 200 habitants se verrait soutenue seulement à hauteur de 80 % pour un équipement beaucoup plus structurant et vital.

J’ai écouté ces témoignages de bon sens. C’est la raison pour laquelle je vous propose aujourd’hui de resserrer le périmètre des projets d’investissement et de cibler uniquement les équipements essentiels : un ouvrage d’art ou un pont qui permet d’éviter de contourner toute la vallée pour rejoindre un lieu de centralité ; une chapelle ou une église dont le coût de rénovation peut parfois représenter deux ou trois exercices budgétaires ; les travaux liés à la prévention des incendies ; les travaux liés à des équipements d’eau et d’assainissement. (M. Jean-Michel Arnaud et Mme Françoise Gatel approuvent.)

En effet, dans les communes touchées par une catastrophe naturelle, l’eau et l’assainissement font partie des premières préoccupations des maires, qui distribuent parfois pendant des semaines et des mois des bouteilles d’eau. Le cas s’est produit dans mon département comme dans bien d’autres.

C’est la raison pour laquelle je vous propose, pour des raisons de lisibilité, d’efficacité et afin de ne pas braquer les communes de plus de 2 000 habitants, de restreindre le périmètre des projets éligibles à la dérogation. Je demande par avance aux auteurs de la proposition de loi qui ne partagent pas nécessairement cet avis de bien vouloir m’en excuser : nous avons travaillé en bonne intelligence sur l’essentiel, c’est le seul point de divergence entre nous…

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Monsieur le rapporteur, au travers de l’amendement n° 3, vous avez proposé de restreindre le champ d’application de la proposition de loi à certaines communes. Mais les finances des communes évoluent. On le voit bien avec France Ruralités Revitalisation (FRR), des communes sortent de ces zonages quand d’autres y entrent : ce n’est pas un alibi administratif, nous cherchons simplement à simplifier les choses. Or le potentiel financier ne nous paraît pas être un bon élément.

En revanche, votre objectif est tout à fait vertueux. (Mme Audrey Linkenheld acquiesce.)

Il en est de même de l’amendement n° 2, qui vise à réduire le champ des dépenses éligibles. Ce faisant, vous allez cette fois dans le sens de nos convictions.

En décembre, pour les projets d’investissement ayant pour objet la rénovation énergétique des bâtiments scolaires, il a été décidé que la participation minimale du maître d’ouvrage puisse être fixée par le représentant de l’État dans le département à 10 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques. Aujourd’hui, vous souhaitez restreindre ce seuil, en le limitant de façon pertinente à un certain nombre d’investissements, en l’établissant à 5 % alors que le reste à charge peut être de zéro après dérogation du préfet : tout cela ne me semble pas aller dans le sens d’une simplification !

En revanche, il faudra continuer à travailler ensemble sur ce sujet si la proposition de loi n’était pas votée à l’Assemblée nationale.

Soyez assurés, monsieur le rapporteur, madame Lermytte, que j’y suis tout à fait ouverte.

Les deux amendements ont du sens, le texte a du sens ; cependant, j’émets un avis défavorable.

M. François Bonhomme. C’est tous les jours la Saint-Valentin ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Mme Muriel Jourda. Je prie M. le rapporteur de m’en excuser, mais je fais partie de ceux – peut-être pas très nombreux – qui sont en désaccord avec cet amendement.

Pourquoi ne pas laisser ceux qui ont conçu les projets, notamment lors de la campagne municipale, et ceux qui les financent décider de ce qui leur paraît essentiel ? Cela s’appellerait la liberté et la responsabilité.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.

M. Pierre-Alain Roiron. Nous allons bien évidemment voter cet amendement, qui semble aller dans le bon sens.

Comme l’a dit M. le rapporteur, certains sujets sont essentiels dans les petites communes rurales. Or il semble compliqué de favoriser toutes les communes situées sous le seuil de 2 000 habitants.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Je tiens à souligner l’intérêt de l’amendement de M. le rapporteur, qui vise essentiellement des dépenses obligatoires fort coûteuses – non relatives à l’entretien du patrimoine.

Je veux dire un mot sur la défense incendie.

Le Sénat a longuement débattu, à la suite d’un rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, du coût, à la charge des communes, des normes de défense incendie qui leur sont imposées par des règlements élaborés par les départements.

Les communes ont l’obligation d’assurer la protection incendie, donc de financer les équipements nécessaires, y compris pour des parcelles privées.

Pour reprendre une expression désormais bien connue, cela leur coûte vraiment un « pognon de dingue ».

M. François Bonhomme. Qui a dit cela ?… (Sourires.)

Mme Françoise Gatel. Aujourd’hui, si l’on n’accompagne pas les communes sur ce sujet, on aura une vraie difficulté.

Je trouve donc cet amendement, qui va dans la continuité des dispositions que le Sénat a votées sur la défense incendie, extrêmement pertinent.

M. le président. La parole est à M. Olivier Bitz, pour explication de vote.

M. Olivier Bitz. Je ferai un peu la même observation que sur l’amendement précédent.

De la même manière que je suis convaincu qu’une commune aura du mal à trouver 95 % de financements extérieurs si tout le monde sait qu’elle est riche, je pense qu’une commune aura beaucoup de difficultés à réunir 95 % de financements sur un projet qui n’est pas essentiel.

En effet, j’imagine mal que les différents financeurs se mobilisent à hauteur de 95 % pour un équipement futile, un terrain de sport ou un skatepark !

La portée utile de ce que nous votons m’interpelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.

M. Jean-Michel Arnaud. Il me semble important de dresser une liste restreinte des dossiers potentiellement finançables, dans les conditions qui viennent d’être rappelées, particulièrement sur la question de l’eau et de l’assainissement.

En rappelant, à l’occasion de cette proposition de loi, que les communes rurales sont attachées à la gestion de cette compétence, nous invitons le Gouvernement, madame la ministre, à leur redonner enfin la liberté de choix – je fais allusion aux propos de notre collègue Muriel Jourda – en la matière.

Il s’agit simplement de mettre en œuvre la promesse faite par le Président de la République sur les rives du lac de Serre-Ponçon, dans le beau département les Hautes-Alpes, il y a un an.

Je souhaite que l’on puisse trouver rapidement le véhicule qui nous permettra de progresser rapidement sur ce sujet !

J’insiste sur l’intérêt de rappeler que les communes rurales de moins de 2 000 habitants doivent pouvoir gérer leur eau et leur assainissement dans des conditions financières d’accompagnement justes. (M. Philippe Folliot applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Comme je l’ai dit dans notre discussion générale, nous voterons également l’amendement de M. le rapporteur.

En effet, j’imagine très bien qu’il puisse y avoir des projets non structurants qui trouvent des financements ! Je l’ai vécu et je le vis encore de temps en temps. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour le concevoir.

Je trouve donc l’amendement de M. le rapporteur est excellent. Il permettra de cibler les projets très structurants et indispensables – ils sont nombreux –, en faveur, par exemple, de la transition écologique, de la transition énergétique ou de la rénovation des bâtiments.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article unique
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

M. Philippe Folliot. La ruralité est très diverse.

Je salue nos collègues qui sont à l’origine de cette proposition de loi, parce qu’il est particulièrement important d’adresser un geste encourageant aux élus ruraux, qui expriment souvent la volonté de soutenir des projets d’investissement en faveur de la population de leur commune.

De fait, dans certaines communes, le seuil d’autofinancement de 20 % est un frein important, qui ne permet pas la faisabilité.

Cette proposition de loi donnera plus de souplesse et de capacités de réponse à nos communes rurales.

Il est important que celles-ci puissent supporter des projets d’investissement pour répondre aux besoins exprimés par les populations. L’enjeu est essentiel !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Évidemment, je souscris globalement aux dispositions de cette proposition de loi. Cela va sans dire.

Je regrette toutefois que les édifices religieux restent dans l’angle mort du texte.

Dans mon département, une commune de 1 000 habitants compte treize églises, pour la plupart fermées et dans un état déplorable – il ne s’agit même plus de mise « hors d’eau ». En France, 5 000 édifices religieux sont véritablement en état d’abandon (Mme Françoise Gatel renchérit.), mais leur destruction pose d’énormes difficultés lorsque les maires concernés doivent, la mort dans l’âme, s’y résoudre.

Ce problème sera de plus en plus crucial. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

C’est un sujet majeur, et un angle mort des financements de nos collectivités.

J’aimerais, madame la ministre, que vous vous y penchiez.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron, pour explication de vote.

M. Pierre-Alain Roiron. Cette proposition de loi est très importante pour les communes rurales.

Je veux remercier M. le rapporteur de ses amendements.

Le texte donne une priorité à ce qui nous semble essentiel pour aujourd’hui et demain, notamment la transition écologique, dans ses différents aspects.

Notre collègue a aussi évoqué les questions de l’eau. Cela me semble également essentiel.

Nous voterons pour.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’article unique de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales.

(La proposition de loi est adoptée.) – (M. Jean-Michel Arnaud applaudit.)

M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet.)

PRÉSIDENCE DE Mme Sylvie Vermeillet

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales
 

5

Conférence des présidents

Mme la présidente. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE SÉNATORIALE

Mercredi 14 février 2024

Le soir

- Proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, présentée par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi (texte de la commission n° 323, 2023-2024) (demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 13 février à 15 heures

Jeudi 15 février 2024

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

- Proposition de loi visant à préserver des sols vivants, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (texte n° 66, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 février à 15 heures

- Proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail, présentée par Mme Hélène Conway-Mouret et plusieurs de ses collègues (texte n° 537 rectifié bis, 2022-2023)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 7 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 14 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 février à 15 heures

À l’issue de l’espace réservé du groupe SER

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « Complémentaires santé, mutuelles : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français » (droit de tirage du groupe RDPI) ;

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : jeudi 15 février à 10 heures

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 19 au dimanche 25 février 2024

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 27 février 2024

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (procédure accélérée ; texte de la commission n° 336, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 27 février en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 février à 15 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (texte de la commission n° 343, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 12 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 14 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 27 février après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 février à 15 heures

Mercredi 28 février 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 28 février à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (texte n° 299, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 14 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 28 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 février à 15 heures

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « L’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale » (droit de tirage du groupe RDSE)

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « Architectes des Bâtiments de France » (droit de tirage du groupe Les Indépendants)

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à ces missions d’information : mercredi 28 février à 10 heures

- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord global dans le domaine du transport aérien entre les États membres de l’association des nations de l’Asie du sud-est, et l’Union européenne et ses États membres (procédure accélérée ; texte de la commission n° 341, 2023-2024)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant la démarcation et l’entretien de la frontière (texte de la commission n° 339, 2023-2024)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 26 février à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (texte de la commission n° 343, 2023-2024)

Jeudi 29 février 2024

À 10 h 30 et, éventuellement, à 14 h 30

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement (texte de la commission n° 343, 2023-2024)

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 5 mars 2024

À 14 h 30 et le soir

- Débat sur les finances des départements (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 4 mars à 15 heures

- Débat sur le thème : « JO 2024 : la France est-elle prête ? » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 4 mars à 15 heures

- Proposition de loi relative au financement des entreprises de l’industrie de défense française, présentée par M. Pascal Allizard et plusieurs de ses collègues (texte n° 191, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances et avec une saisine pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 5 mars après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 mars à 15 heures

- Proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël BUFFET, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (texte n° 263, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 26 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 28 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 5 mars en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 mars à 15 heures

Mercredi 6 mars 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 6 mars à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Débat sur le thème : « Équité et transparence de Parcoursup à la frontière du lycée et de l’enseignement supérieur » (demande du groupe CRCE-K)

• Temps attribué au groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes

• Conclusion par le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 mars à 15 heures

- Débat sur le thème : « Enseignement privé sous contrat : quelles modalités de contrôle de l’État et quelle équité des moyens vis-à-vis de l’enseignement public ? » (demande du groupe SER)

• Temps attribué au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes, y compris la réplique

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

Possibilité pour le Gouvernement de répondre à une réplique pendant 1 minute et à l’auteur de la question de répondre de nouveau pendant 1 minute

• Conclusion par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 mars à 15 heures

- Suite de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (texte n° 263, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)

Jeudi 7 mars 2024

À 10 h 30

- Questions orales

Éventuellement, l’après-midi

- Suite de la proposition de loi portant création d’un statut de l’élu local, présentée par Mme Françoise Gatel, MM. Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille, Patrick Kanner, François Patriat, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Malhuret, Mme Maryse Carrère et plusieurs de leurs collègues (texte n° 263, 2023-2024) (demande de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 12 mars 2024

À 14 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 11 mars à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé (procédure accélérée ; texte A.N. n° 1959)

Ce texte sera envoyé à la commission des lois. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 1er mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 11 mars à 12 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale (pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission) : vendredi 8 mars à 17 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : lundi 11 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (texte n° 160, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 mars en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques (texte n° 183, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 mars en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 mars à 15 heures

Mercredi 13 mars 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 13 mars à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 12 mars à 15 heures

- Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française (procédure accélérée ; texte n° 279, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative (texte n° 309, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 mars à 15 heures

Jeudi 14 mars 2024

À 10 h 30

- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge (texte n° 665, 2021-2022)

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif au déploiement d’agents de sûreté en vol (texte n° 938, 2022-2023)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 12 mars à 15 heures

- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (procédure accélérée ; texte n° 255, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 mars à 15 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et pour la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales (texte n° 283, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 mars à 15 heures

- Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé (procédure accélérée ; texte n° 140, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 mars à 15 heures

SEMAINE SÉNATORIALE

Mardi 19 mars 2024

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30

- Proposition de loi visant à garantir un mode de calcul juste et équitable des pensions de retraite de base des travailleurs non salariés des professions agricoles, présentée par M. Philippe Mouiller et plusieurs de ses collègues (texte n° 307, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 mars matin ou début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à pérenniser les jardins d’enfants gérés par une collectivité publique ou bénéficiant de financements publics (texte n° 311, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 mars début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 mars à 15 heures

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 21 et 22 mars 2024

• Intervention liminaire du Gouvernement

• 4 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des finances et à la commission des affaires européennes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur des commissions et des groupes pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute

• Conclusion par la commission des affaires européennes : 4 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 18 mars à 15 heures

Le soir

- Proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises », présentée par M. Olivier Rietmann (texte n° 192, 2023-2024) (demande de la délégation aux entreprises)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 mars à 15 heures

Mercredi 20 mars 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 20 mars à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille (texte n° 266, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 mars à 15 heures

- Proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires, présentée par Mme Françoise Gatel et plusieurs de ses collègues (texte n° 154, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 mars à 15 heures

Jeudi 21 mars 2024

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE-K)

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part, et de l’accord de partenariat stratégique entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et le Canada, d’autre part (texte n° 694, 2018-2019)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 mars à 15 heures

Cet ordre du jour sera complété ultérieurement.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 26 mars 2024

À 14 h 30 et le soir

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur la proposition de loi rendant obligatoires les « tests PME » et créant un dispositif « Impact Entreprises » (procédure accélérée ; texte n° 192, 2023-2024)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 25 mars à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 26 mars à 12 h 30

- Projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (texte n° 291, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport : mercredi 20 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 mars début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 (texte n° 264, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 11 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 mars début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte n° 169, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 mars début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 mars à 15 heures

Mercredi 27 mars 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 27 mars à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, améliorant l’efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels (texte n° 169, 2023-2024)

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération et à la simplification de la rénovation de l’habitat dégradé et des grandes opérations d’aménagement

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 26 mars à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant diverses mesures relatives au grand âge et à l’autonomie

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 26 mars à 15 heures

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, créant l’homicide routier et visant à lutter contre la violence routière (texte n° 308, 2023-2024)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 19 mars début d’après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 mars matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 26 mars à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 2 avril 2024

À 14 h 30 et le soir

- Explications de vote des groupes puis scrutin public solennel sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (texte n° 291, 2023-2024)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : vendredi 29 mars à 15 heures

• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 2 avril à 12 h 30

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 29 mars à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 29 mars à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à faciliter la mise à disposition aux régions du réseau routier national non concédé

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : vendredi 29 mars à 15 heures

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi relatif à la restitution de biens culturels provenant d’États qui en font la demande

Ce texte sera envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 29 mars à 15 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 2 avril début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 29 mars à 15 heures

Mercredi 3 avril 2024

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 3 avril à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité d’entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République du Kazakhstan (texte n° 212, 2023-2024)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : vendredi 29 mars à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à soutenir l’engagement bénévole et à simplifier la vie associative

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 2 avril à 15 heures

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ou nouvelle lecture

En cas de lecture de conclusions de la commission mixte paritaire :

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, le représentant de la commission saisie au fond pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder cinq minutes chacun ainsi qu’un représentant des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder trois minutes

• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 2 avril à 15 heures

En cas de nouvelle lecture :

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 mars à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 mars matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mardi 2 avril à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 avril matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 avril à 15 heures

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 20 mars 2024 à 18 heures

La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création :

- d’une mission d’information sur le thème « Complémentaires santé, mutuelles : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français » (Droit de tirage du groupe Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants) ;

- d’une mission d’information sur le thème « L’avenir de la santé périnatale et son organisation territoriale » (Droit de tirage du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen) ;

- d’une mission d’information sur le thème « Architectes des Bâtiments de France : périmètre et compétences » (Droit de tirage du groupe Les Indépendants – République et Territoires).

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Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.

M. Jean-Baptiste Blanc. Lors du scrutin public n° 123 sur l’ensemble de la proposition de loi visant à garantir la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprise, mon collègue Jean-François Husson souhaitait voter contre.

Mme la présidente. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Dossier législatif : proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France
Discussion générale (suite)

Filière cinématographique en France

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France
Article 2

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport, de la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, présentée par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi (proposition n° 935 [2022-2023], texte de la commission n° 323, rapport n° 322).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi.

Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi, rapporteure de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec une certaine satisfaction que je m’exprime sur la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, que nous examinons ce soir.

Tout d’abord, parce qu’elle est la traduction législative du rapport de la mission d’information de la commission de la culture, adopté à l’unanimité le 20 mai dernier, réalisé avec mes collègues Jérémy Bacchi et Céline Boulay-Espéronnier, cosignataire de cette proposition de loi et corédactrice à nos côtés, dont je salue la présence en tribune.

Ensuite, parce que ce texte, qui est le premier, depuis 2010, à être consacré exclusivement au cinéma, nous fournit l’occasion – c’est trop rare ! – de débattre de ce secteur.

Enfin, car le cinéma est au cœur des politiques culturelles et de notre diversité artistique. La France a mis en place, depuis plus de soixante-quinze ans, des mécanismes de soutien et de régulation qui font de notre pays un modèle en matière de production et de fréquentation, modèle que l’on nous envie et que l’on tente parfois de copier.

Comme mes deux collègues rapporteurs, je viens d’une terre de cinéma, le Calvados, qui a accueilli le tournage de films inoubliables, comme Le jour le plus long, le mythique Un singe en hiver ou le romantique Un homme et une femme.

Nous accueillons aussi de nombreux festivals, par exemple à Deauville ou à Cabourg.

Les œuvres cinématographiques ont la faculté de transcender les territoires dont elles content l’histoire et qu’elles font vivre au monde. Et, chez nous, nombreux sont les cinémas, nombreuses sont les salles et les associations de cinéma itinérant. Chez nous, on sait « faire notre cinéma » !

Nous avons présenté notre rapport en mai dernier, quand de vrais doutes existaient encore sur la solidité du cinéma, à la suite du long confinement, qui a vu l’explosion des plateformes de streaming. Les spectateurs allaient-ils revenir dans les salles ou les déserter définitivement, au profit de leurs salons et de leurs écrans, qui diffusent une infinité de contenus ?

Depuis cette date, les faits ont confirmé l’optimisme dont nous avions fait preuve et dont le titre du rapport, Le cinéma contre-attaque, en plus de procéder à une référence cinématographique subtile, se voulait l’écho.

Avec 181 millions de spectateurs en 2023, la France a retrouvé un niveau de fréquentation que l’on peut juger « normal ». Par comparaison, ce chiffre est supérieur de 30 millions aux billets vendus en Allemagne et en Espagne réunies, pour une population deux fois inférieure.

Comme je l’ai dit, et tel était le message principal de notre rapport, ce succès doit beaucoup à la constance de politiques publiques mises en place avec la création du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) le 25 octobre 1946 et poursuivies depuis lors par tous les gouvernements.

Je ne saurais dire si le cinéma demeure populaire dans notre pays parce qu’il est soutenu, ou s’il est soutenu parce qu’il est populaire, mais les faits sont là. Avec les États-Unis, la France est probablement l’autre grand pays du cinéma. La part de marché de nos productions nationales y est de 40 %, chiffre tout à fait remarquable quand on connaît la force de frappe de l’industrie cinématographique hollywoodienne.

L’autre grand enseignement de nos travaux est que le cinéma français a su s’adapter et évoluer pour faire face aux bouleversements technologiques et aux nouveaux modes de consommation des produits culturels. Ce sujet est d’ailleurs commun aux autres grandes industries culturelles, comme celles de la musique ou du livre.

Les discours alarmistes sur la pérennité du cinéma n’ont pas débuté avec le confinement. Ils ont parsemé son histoire : la télévision, dans les années 1960, l’explosion du nombre de chaînes, dans les années 1980, l’irruption d’internet, au début des années 2000, l’arrivée du streaming, dans les années 2010, ont, chaque fois, suscité des discours anxiogènes et une vraie crainte des professionnels.

Ces peurs ne sont d’ailleurs pas sans fondement : dans de nombreux pays – je pense, par exemple, à l’Italie et à l’Allemagne –, le cinéma a beaucoup cédé et s’est contracté à chaque fois.

Dès lors, le travail que nous avons mené en commun a souhaité s’inscrire dans ce mouvement permanent d’adaptation de nos structures. On pourrait, comme le font certains, s’interroger sur les raisons profondes de notre ténacité. Beaucoup militent même pour un relâchement des règles, il est vrai complexes, qui gouvernent notre système. Après tout, pourquoi pas ? Pourquoi ne pas laisser faire le marché et renoncer à accompagner un secteur menacé d’extinction tous les dix ans ? Parce qu’il en résulterait la fin des salles, moins de films, la fin de la diversité ou de l’exigence… Ce serait à la fois Les Adieux à la reine et Bonjour tristesse !

Quelle triste dystopie, où chacun n’aurait d’autre choix que de plonger solitairement dans son petit écran face à un récit sans surprises, joué toujours par les mêmes, loin de l’expérience collective que nous construisons quand nous partageons un moment commun dans une salle… Nous avons besoin de ces moments de partage, et notre pays aussi. Or force est de constater que notre monde contemporain du numérique et de l’immédiateté aurait tendance à nous faire emprunter le chemin contraire et à nous éloigner des parenthèses uniques vécues ensemble dans les salles obscures !

Nous connaissons l’importance du cinéma dans la construction de notre identité collective, car les œuvres transcendent les époques, les individus et les territoires. Je peux donc dire que, avec cette proposition de loi, qui vise à poursuivre l’adaptation de notre cinéma à notre société, nous apportons, à notre modeste niveau, notre contribution à la consolidation des droits culturels dans notre pays.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’avez compris : cette proposition de loi est, certes, une petite pierre, mais elle renforce le bel édifice de la culture. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sénatrice d’un département où le septième art rayonne dans le monde entier, en particulier au mois de mai, lorsque la ville de Cannes célèbre le cinéma, mais aussi tout au long de l’année, puisque la Côte d’Azur est une terre de tournage privilégiée, grâce notamment au dynamisme de la Commission du film Alpes-Maritimes Côte d’Azur, je me réjouis d’avoir été désignée rapporteure de cette proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, premier texte dédié uniquement au septième art depuis 2010.

Je veux saluer le travail des auteurs de ce texte : mes collègues Céline Boulay-Espéronnier, présente en tribune ce soir, que je salue chaleureusement, Sonia de La Provôté et Jérémy Bacchi.

Ce texte est l’occasion de rappeler la résilience et la performance du modèle français, de la production à la diffusion.

Sa progression confirme l’attachement des Français pour l’expérience de la salle de cinéma et leur appétence pour la diversité de l’offre proposée.

Rappelons que la part de marché des films français s’élève à 40 %. La reprise de la fréquentation est donc essentiellement portée par la production nationale. Quelle fierté pour notre pays !

Ce texte a été construit, d’auditions en réunions de commission, avec le souci d’associer l’ensemble des parties prenantes. Notre ambition, en tant que rapporteurs, est de parvenir à des solutions mieux adaptées et plus facilement appliquées.

Ainsi, cette proposition de loi vise trois objectifs.

Le premier est la simplification de la vie des 2 000 établissements cinématographiques, lesquels ne représentent pas moins de 6 300 écrans.

Spécificité française, les cartes illimitées contribuent puissamment à la promotion de la diversité.

Nous avons eu à cœur de préserver toutes les garanties dont bénéficient les salles associées, et, surtout, d’améliorer le mécanisme de rémunération des ayants droit et des distributeurs.

Le deuxième objectif, dans lequel vous verrez la marque du Sénat, est de mieux garantir l’accès aux œuvres sur l’ensemble du territoire, pour éviter un cinéma des villes et un cinéma des champs. L’article 4 met ainsi en place des engagements de diffusion pour les distributeurs.

Le dernier objectif – et non des moindres – est l’intégration du cinéma dans les grandes politiques publiques.

Nous avons souhaité donner au CNC deux outils, qui lui permettront, d’une part, de conditionner l’attribution de ses aides au respect des accords de rémunération minimale des auteurs et, d’autre part, de moduler ses aides en fonction du respect des critères environnementaux.

En outre, le cinéma fait face à des menaces qui, si elles ne sont peut-être pas inédites, sont en perpétuelle évolution.

Pour préserver l’exclusivité de l’expérience de la salle de cinéma, mes collègues rapporteurs et moi-même avons ajouté à ce texte un dispositif qui permettra de sanctionner plus rapidement les sites internet contrevenants et les fameux sites miroirs.

Vous le savez, mes chers collègues, le piratage évolue. Notre législation doit sans cesse s’adapter, et c’est exactement ce que nous faisons aujourd’hui.

Enfin, je ne peux conclure mon intervention sans évoquer les débats qui agitent le monde du cinéma depuis quelques semaines autour d’affaires sordides. La prise de conscience du grand public est tardive, et ces récentes révélations ne sont que l’arbre qui cache la forêt.

J’ai toujours défendu la parole des femmes qui subissent des discriminations, des inégalités ou, pire, des violences. Je veux, bien sûr, adresser mon soutien aux actrices et aux acteurs victimes de ces dérives abominables.

Si le mouvement #MeToo a réveillé la société, on voit bien qu’une forme de complaisance reste latente. Il est temps d’apporter des réponses législatives à ce fléau, afin de mieux prévenir et sanctionner les violences sexuelles, surtout sur les mineurs, lors des tournages. En tant que rapporteure, je m’y engage, et j’espère que mes collègues ici présents soutiendront cette démarche.

Cette érotisation a broyé de nombreuses actrices, dont des débutantes, qui doivent faire leurs preuves et se retrouvent, sous la contrainte économique due au statut précaire d’intermittent du spectacle, dans une position de grande fragilité à l’égard de celui qui les dirige. Ces mécanismes de domination, d’exploitation et de dépendance constituent de véritables entraves à la liberté de parole.

Il est temps de déconstruire également cette conception très française de l’artiste qui élève le génie créatif au-dessus de toute norme sociale. Notre conception du talent, de l’art et de l’artiste ne doit pas accepter la transgression des lois !

Enfin, j’invite le CNC et l’Afdas, l’organisme de formation du secteur, à veiller au bon déroulement des formations obligatoires sur la prévention des violences pour les équipes de tournage.

Madame la secrétaire d’État, je sais, par votre présence aujourd’hui, l’intérêt que vous portez à la défense du cinéma en France, mais aussi de celles et ceux qui y jouent un rôle, au sens propre comme au sens figuré.

Je compte donc sur vous pour faire inscrire ce texte à l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur de la commission de la culture, de léducation, de la communication et du sport. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour ne pas être en reste par rapport à mes deux collègues rapporteures, je tiens à rappeler que je viens également d’une terre de cinéma, les Bouches-du-Rhône. Je ne peux pas ne pas citer, par exemple, la Provence filmée par Marcel Pagnol ou encore les rues de Marseille dans French Connection ou Taxi !

J’adresse également un salut amical à ma collègue Céline Boulay-Espéronnier, qui nous fait le plaisir d’être en tribune ce soir et qui n’aurait pas manqué, si elle avait été à ma place, d’évoquer les tournages qui peuvent se dérouler dans une autre grande ville, Paris.

À l’évidence, pour ambitieuse qu’elle soit, cette proposition de loi n’épuise pas le sujet du cinéma, que je traite chaque année comme rapporteur pour avis de la commission de la culture.

Comme l’ont rappelé mes collègues Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp, le cinéma évolue au gré des évolutions technologiques et sociales, et notre rôle est de l’accompagner. Pour emprunter à une référence cinématographique et littéraire, « il faut que tout change pour que rien ne change ».

Je veux ainsi citer trois grands défis qui nous attendent et auxquels il conviendra de s’attaquer dans les prochains mois.

Le premier défi est celui de la pérennité de notre modèle de financement, qui, comme le rappelait le rapport de la mission d’information, repose sur un équilibre subtil entre flux financiers publics et privés et régulation, avec notamment la chronologie des médias.

Cet édifice patiemment construit a fait la preuve de son efficacité, mais demeure fragile. Il doit sans cesse être défendu et régénéré, en gardant bien en tête la longue histoire qui l’a précédé.

Avec une chronologie en négociation cette année et des plateformes de streaming à mieux insérer, il y aura fort à faire pour promouvoir encore notre filière cinématographique, pourvoyeuse d’emplois et de richesse dans nos territoires.

Je tiens à dire que nous défendrons, au sein de la commission – et, j’en suis persuadé, dans notre assemblée –, un modèle qui a fait ses preuves et contribue à notre économie et au rayonnement de tous nos territoires.

Je tiens également à souligner l’implication des régions dans le financement et le développement du cinéma, comme Catherine Morin-Desailly l’a fort opportunément rappelé en commission.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. Cet engagement, qui transcende les clivages politiques et territoriaux, est une nouvelle preuve des multiples bienfaits du septième art.

Le deuxième défi est l’éternelle question, soulevée par le rapport, de la surproduction qui frapperait notre cinéma.

Le rapport a précisément étayé le constat, sur le temps long, d’une hausse de la production et d’une baisse du financement moyen par œuvre. En conséquence, les films produits sont parfois trop peu travaillés en amont, et pas assez exposés en aval.

Ce débat, qui focalise beaucoup l’attention, est souvent source d’une mauvaise compréhension entre le monde du cinéma et le monde politico-économique, et s’élève comme une petite musique lancinante dès que l’on évoque le cinéma.

Nous avons engagé le dialogue avec le CNC pour parvenir à faire évoluer notre système sans à-coup et préserver le formidable potentiel des jeunes réalisateurs, sans renoncer pour autant à construire de grands succès populaires, qui, d’ailleurs, participent au financement de la création dans son ensemble.

Un film est une œuvre collective qui nécessite des moyens. Comme nous le savons, il n’existe pas de formule magique pour prédire un succès, et personne ne réalise un film en cherchant l’échec.

Tout est donc question d’équilibre, entre l’indispensable recherche artistique et un public qui ne demande qu’à découvrir des œuvres ambitieuses. En témoigne, par exemple, le succès critique et public, sur une thématique pourtant loin d’être évidente, du film de Justine Triet, Anatomie dune chute, en lice dans les plus prestigieuses catégories aux Oscars.

Le troisième et dernier défi est la conclusion d’accords sur les rémunérations minimales dans le secteur du cinéma.

Si de tels accords ont déjà été signés dans le milieu de l’audiovisuel, qui n’est pourtant pas si différent, leur conclusion achoppe encore pour le septième art.

J’échangeais encore récemment avec le syndicat des scénaristes de cinéma. L’inquiétude est réelle. Comme souvent, le discours dominant est qu’un accord devrait être trouvé « avant Cannes » – dans le cinéma, tout doit être résolu « avant Cannes », pour pouvoir peut-être mieux profiter du Festival… Les négociations sont cependant rendues complexes par la pluralité des parties prenantes et la multiplicité de leurs représentations, mais j’ai bon espoir, malgré tout, car cet accord trouverait, dans notre proposition de loi, un puissant relais.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous vous présentons aujourd’hui est donc le résultat d’un travail et de réflexions au long cours. Elle est attendue dans la profession, où elle rassemble une rare unanimité.

Je veux, en conclusion, remercier l’ensemble de nos interlocutrices et interlocuteurs, avec qui les échanges ont été aussi intenses que passionnants, et les services du CNC, qui se sont montrés extrêmement coopératifs, ouverts et transparents auprès de la représentation nationale.

Vive le cinéma ! (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du numérique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, monsieur les rapporteurs, madame la sénatrice de La Provôté, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord d’excuser la ministre de la culture, Mme Rachida Dati, qui est actuellement en route vers Abou Dhabi afin de représenter la France à la conférence mondiale sur l’éducation culturelle et artistique de l’Unesco.

La proposition de loi sur laquelle vous allez vous exprimer s’appuie sur deux convictions largement partagées.

La première est que le secteur du cinéma va bien. Il ne connaît pas aujourd’hui de crise profonde liée à son financement. C’est même le contraire : tout l’écosystème a su montrer sa résilience et sa capacité de rebond, notamment après la crise sanitaire de 2020. Pour le cinéma français d’aujourd’hui, il n’est nul besoin d’un quelconque big-bang de la régulation.

Pour autant, notre seconde conviction est que notre cinéma peut profiter d’ajustements ciblés, qui nourriront sa dynamique extrêmement positive tout en lui permettant de répondre à de nouveaux enjeux ou en s’assurant que les dispositifs existants atteignent bien leurs objectifs.

C’est tout l’objet de cette proposition de loi.

Elle est le fruit d’un travail de longue haleine, grâce auquel nous examinons un texte approfondi, fondé sur les attentes du secteur, et qui a été enrichi par des apports venus de tous les bords politiques.

Le rapport remis par l’ancien président de l’Autorité de la concurrence, Bruno Lasserre, aux ministres de la culture et de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique au printemps 2023 a dressé un constat clair des enjeux. Il a aussi formulé des préconisations pour moderniser la régulation du secteur du cinéma. Prolongées par le rapport d’information Le cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de lavenir de la commission des affaires culturelles du Sénat, ces réflexions se concrétisent désormais dans cette proposition de loi.

Elle est donc le résultat d’une réflexion mûrie, sur la base de diagnostics partagés : c’est d’ailleurs ce qui lui a permis de recueillir un large consensus. Je tiens donc avant tout à saluer ce travail exemplaire, en particulier celui de ses différents rapporteurs : M. Jérémy Bacchi et Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp.

Dans le détail, ce texte nous paraît apporter des réponses satisfaisantes à trois enjeux prioritaires.

Le premier enjeu est de donner aux Français l’envie d’aller au cinéma. Le deuxième consiste à assurer à nos œuvres l’exposition qu’elles méritent. Le troisième est de rendre la filière cinématographique française exemplaire.

Concernant le premier enjeu, même si le public est largement revenu dans les salles, cette situation favorable ne doit jamais être tenue pour acquise. Il nous faut accompagner le secteur pour qu’il retrouve et conserve toute son attractivité. D’où la nécessité de permettre aux exploitants de proposer des offres pertinentes : c’est tout le sens des mesures sur les cartes illimitées ou les offres promotionnelles en ligne.

Sur les cartes illimitées notamment, nous avons désormais du recul depuis leur émergence dans les années 2000. S’il est vrai que leur mise en place avait alors suscité des inquiétudes, on constate aujourd’hui qu’elles ont permis de fidéliser nombre de clients et d’amener de nouveaux publics vers le cinéma d’auteur notamment. Cette proposition de loi vise donc à alléger les contraintes pour favoriser des offres bénéfiques pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens amateurs de cet art, afin de garantir l’accès à tous et partout au cinéma, tout en maintenant des garanties essentielles, notamment sur la rémunération des distributeurs et ayants droit de chaque film.

Le deuxième enjeu est de donner à nos œuvres l’exposition qu’elles méritent. Il s’agit d’aider toutes les œuvres à maximiser leur potentiel, en leur assurant une visibilité adéquate. Ainsi, la proposition de loi instaure des engagements de diffusion afin que chaque film puisse trouver son public.

En pratique, l’idée est simple : nous dotons le CNC d’un nouvel outil pour pousser les distributeurs des films les plus porteurs à réserver une partie de leur plan de sortie à des salles situées dans des zones peu denses. C’est par exemple le cas en milieu rural : ce n’est pas parce que l’on habite loin d’un centre urbain que l’on doit voir un film qui fait événement plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après tout le monde. En assurant une meilleure répartition de l’offre de diffusion sur tout le territoire et dès la sortie, nous permettrons à chaque Français de participer pleinement à l’émotion collective des grands succès au cinéma.

Le territoire dont je suis issue, la Savoie – je m’exprime d’ailleurs sous le contrôle du sénateur Cédric Vial ! (Sourires.) –, est très attaché au cinéma et a la chance d’accueillir de nombreux tournages.

Le troisième enjeu, c’est de rendre la filière exemplaire. Le soutien continu au secteur a permis au cinéma d’incarner avec brio l’idée d’exception culturelle française. Il implique logiquement une forme de contrepartie pour que la filière soit exemplaire. Cela concerne les questions propres au cinéma, comme la rémunération des auteurs, mais aussi les enjeux transversaux, à commencer par la transition écologique.

C’est la philosophie de cette proposition de loi, notamment à travers le conditionnement des aides du CNC au respect préalable de certaines exigences. C’est d’ailleurs ce qui se fait déjà hors de nos frontières, notamment dans l’Union européenne.

Désormais, un film qui reçoit un soutien financier du CNC devra respecter des critères environnementaux et proposer des rémunérations au-dessus d’un seuil minimal. C’est un puissant levier pour accélérer les changements.

En votant ce texte, qui va au plus juste pour adapter le secteur du cinéma et son financement aux enjeux contemporains, votre assemblée permettra d’améliorer la diffusion culturelle sur tout le territoire et auprès de tous les Français, tout en encourageant la responsabilité sociale et environnementale du secteur.

Alors que nos concitoyens plébiscitent notre cinéma et que celui-ci fait rayonner la France et sa culture plus que jamais, donnons-lui les moyens de rester un secteur dynamique, que le monde entier nous envie. Que vive le cinéma ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Lahellec.

M. Gérard Lahellec. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte est l’occasion de parler spécifiquement du cinéma pour la première fois depuis la loi du 30 septembre 2010 relative à l’équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques.

Parler du cinéma aujourd’hui, c’est d’abord rappeler que le cinéma français s’en sort mieux en 2023 que dans d’autres pays qui semblent ne pas se remettre des conséquences de la crise de la covid-19. Nombreux sont les exemples éloquents dans ma circonscription, pourtant à dominante rurale !

Le cinéma Les Korrigans à Guingamp a vu ses entrées bondir de 20 %. À Lamballe, le cinéma Le Penthièvre fait 2 900 entrées de plus en 2023. Le Quai des Images connaît une hausse de 25 % de sa fréquentation à Loudéac, tandis que le festival Films courts de Dinan doublait encore récemment son nombre de spectateurs. Il faut nous en féliciter !

Pour autant, parler du cinéma aujourd’hui, c’est aussi prendre en compte les conditions de production cinématographique.

Ne soyons pas sourds aux revendications qui se font entendre en faveur d’une plus juste rémunération des artistes-auteurs. Regardons à ce titre d’un bon œil le combat des acteurs hollywoodiens qui, après 118 jours de grève, ont obtenu une augmentation de près de 8 % du salaire minimum.

Améliorer les conditions de production, comme le contexte actuel semble nous le rappeler, c’est également faire en sorte que les femmes, actrices, réalisatrices, techniciennes puissent exercer leur métier sans crainte. Nous devons à ce titre combattre toute forme d’omerta et tout mettre en œuvre pour que le monde du cinéma ne soit pas une sphère susceptible de se dérober à l’action de la justice.

Enfin, parler du cinéma, c’est rappeler notre attachement à l’exception culturelle, cette fameuse politique inspirée de Malraux qui consiste à soustraire de la loi du marché les biens culturels.

Parce qu’elles participent de l’émancipation humaine, les œuvres cinématographiques ne sont pas des biens marchands comme les autres. Elles doivent à ce titre être accessibles à tous.

Ainsi, le mécanisme de redistribution du CNC permet de financer, à partir des ventes des billets de blockbusters, la création de « petits » réalisateurs avant qu’ils ne soient connus, et attribue des aides aux « petits » producteurs, distributeurs ou exploitants dont la billetterie est faible. Ce système rend alors accessible la diversité de l’offre cinématographique à l’ensemble des salles de cinéma, jusqu’aux contrées les plus lointaines, construisant ainsi toutes les conditions nécessaires pour que les chefs-d’œuvre du cinéma deviennent de grands films populaires !

Or cette exception culturelle semble aujourd’hui menacée. Écoutons la voix de Justine Triet, citée par le rapporteur à l’instant, qui s’est élevée au Festival de Cannes, et soyons attentifs à ceux dont le cœur penche toujours un peu plus vers la marchandisation du cinéma. Je pense en particulier à ceux qui plaident pour une plus large part de financement privé ou encore à ceux qui voudraient plafonner l’ensemble des taxes affectées au CNC.

Face à ces remises en cause de l’exception culturelle, le texte dont il est question aujourd’hui tend à apporter des éléments de protection. L’assouplissement du système d’agrément du CNC permettra d’assurer une juste rémunération des distributeurs et une équité d’accès pour les exploitants indépendants, favorisant ainsi la diversité culturelle.

L’obligation pour les distributeurs de consacrer une diffusion minimale de l’offre cinématographique dans des lieux à faible densité démographique répondra à l’objectif de démocratisation de la culture.

Enfin, une rémunération minimale des auteurs sera assurée par le conditionnement des aides du CNC au respect des accords de rémunération.

Favorables à ces avancées, nous voterons assurément ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER, GEST et RDPI, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire. (Mme Maryse Carrère applaudit.)

M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, puisqu’il faut commencer par décliner son identité, je suis sénateur du Rhône : et c’est à Lyon que le cinéma est né grâce aux frères Lumière ! Voilà qui me donne sans doute une certaine légitimité à m’exprimer sur ce sujet. (Sourires.)

Je ne défendrai cependant pas les Américains comme le font les sénateurs du groupe communiste… (Sourires.)

M. Pierre Ouzoulias. C’est un procès d’intention !

M. Bernard Fialaire. « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte […] à la culture. » Ce principe essentiel est affirmé au treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

Le cinéma est un remarquable médium culturel, en ce qu’il offre à tous la même expérience artistique dans son authenticité.

Cette accessibilité doit être confortée et garantie sur l’ensemble de notre territoire hexagonal et ultramarin.

C’est ce que nous propose ce texte visant à conforter la filière cinématographique en France. Il est la traduction du rapport de nos collègues Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et Jérémy Bacchi.

L’assouplissement des règles encadrant la délivrance des cartes illimitées d’accès au cinéma et l’autorisation de promotion sur les billets d’entrée vendus en ligne doivent faciliter l’activité des exploitants. Les cartes illimitées sont apparues en 2000 en France. L’offre est avantageuse pour les cinéphiles et ces utilisateurs assistent nombreux aux films d’art et d’essai. Il convient de les encourager. Les exploitants obtiennent également, par ce moyen, un flux de trésorerie prévisible.

Jusqu’à présent, l’existence de ces offres était subordonnée à un agrément du président du CNC renouvelé à chaque modification jugée significative. Il est temps de lever cette lourdeur administrative. La présente proposition de loi met fin à cette exigence au profit d’un contrat-type homologué par le président du CNC. Elle offre plus de souplesse, tout en garantissant une juste rémunération des distributeurs et des ayants droit, avec des conditions équitables d’accès à la formule pour les exploitants indépendants. Nous espérons de cette évolution une nouvelle dynamique pour les cartes illimitées afin de faire venir plus de monde dans les salles, tout en protégeant les acteurs de la filière.

Si nous souhaitons que les salles attirent de nouveaux publics, notamment les plus jeunes qui sont déjà nombreux grâce au pass Culture, il faut autoriser les offres promotionnelles sur les billets vendus en ligne, comme c’est le cas pour les billets vendus sur place. Cette évolution est cohérente puisque, aujourd’hui, la réservation en ligne concerne entre 25 % et 70 % des ventes selon les territoires.

Pour favoriser la diffusion d’œuvres dites d’art et d’essai, nous soutenons les engagements envers les distributeurs dans les territoires les moins densément peuplés, similaires aux engagements de programmation qui s’appliquent actuellement aux exploitants. Le président du CNC pourra imposer aux distributeurs de consacrer une part minimale du plan de diffusion à des établissements situés dans des périmètres géographiques identifiés qui présentent moins d’habitants.

Cela constituera un pas de plus vers une offre culturelle pluraliste rendue accessible à l’ensemble des Français.

En outre, l’introduction en commission d’un mécanisme de nature temporaire devrait permettre une action plus efficace et adaptée.

Responsabiliser les acteurs en conditionnant le bénéfice d’aides publiques au respect de ces normes primordiales est un message positif et un exemple à suivre. C’est pourquoi nous saluons l’instauration de nouveaux critères à l’attribution d’aides par le CNC aux producteurs afin d’associer plus étroitement les acteurs du cinéma aux grandes politiques publiques. Celle-ci sera dorénavant subordonnée au respect de critères environnementaux et des accords de rémunération minimale des auteurs.

Enfin, nous ne pouvons que saluer le renforcement du dispositif de lutte contre le piratage des œuvres cinématographiques à travers les sites miroirs. En effet, le manque à gagner dû à la consommation illicite en ligne de contenus audiovisuels dépasse le milliard d’euros par an selon l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) : c’est une perte abyssale pour le monde de la culture !

La proposition de loi vise à raccourcir le délai de saisine de l’Arcom pour une demande de blocage des sites, à élargir la liste des personnes pouvant effectuer une telle demande et à simplifier la décision du blocage : aujourd’hui collégiale, elle pourra désormais être prise par le président de l’Arcom seul ou par un membre du collège désigné par lui.

Le groupe RDSE votera cette proposition de loi qui apporte des adaptations bienvenues tout en offrant des garanties aux acteurs du monde du cinéma. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC, GEST, SER et CRCE-K, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet. (Mme Maryse Carrère applaudit.)

Mme Nadège Havet. Madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, en 2009, Quentin Tarantino, alors président du Festival de Cannes, avait poussé ce cri du cœur, qui est aussi celui de la France : « Vive le cinéma ! » J’aurais pu commencer ainsi ! (Sourires.)

À Paris comme à Douarnenez, en métropole comme en outre-mer, hier comme demain, des grands complexes aux salles indépendantes, des blockbusters aux créations plus artisanales, le cinéma est, dans sa diversité, notre fierté !

Il est un patrimoine culturel auquel nous sommes tant attachés et qui trouve ses racines non loin d’ici, rue de Rennes, où les frères Lumière organisèrent la première diffusion publique – c’était il y a près de 130 ans.

Ce rayonnement culturel du cinéma, au-delà de la France, concerne aussi le cinéma français lui-même à l’international.

À dix jours des Césars, à quelques semaines des Oscars, saluons toutes celles et tous ceux qui, par le texte, par le son, par l’image, par le jeu, œuvrent à ces créations variées, par essence collectives. Reconnaissons tous ces beaux métiers qui se conjuguent pour faire naître des films originaux.

Rappelons ici le rôle des institutionnels, des responsables politiques, nationaux, locaux, qui se battent pour la préservation d’un maillage territorial de diffusion dense, pour le maintien d’une salle là où elle aurait pu disparaître, pour la préservation de ce qu’il convient d’appeler notre exception culturelle. Là aussi, le cinéma est une œuvre collective, en faveur du public, et avec lui.

Quelques chiffres pour qualifier cet engagement : un montant d’intervention publique de 3,80 euros par spectateur pour chaque film français qui sort, un nombre de films français produits depuis 1994 en progression de 163 %, et plus de 1 million de sièges dans près de 5 300 salles.

Oui, faire l’anatomie d’un succès, d’une passion française, c’est reconnaître toutes les actrices et tous les acteurs, quelle que soit la scène sur laquelle ils interviennent, qui sont attachés à cette diversité et qui participent au dynamisme de ce secteur stratégique, singulier, qui allie production artistique de qualité et modèle économique vertueux. Des dizaines de milliers d’emplois, des dizaines de milliers d’expressions – je le disais : quelle fierté !

Soulignons la richesse de la programmation, tout d’abord, avec films populaires ou plus anonymes.

C’est aussi la richesse des publics, jeunes et moins jeunes, et des types d’établissement, multiplexes et salles d’art et d’essai.

Notre cinéma, c’est enfin une richesse territoriale, qui répond à une ambition d’aménagement culturel du territoire et qui permet aux films d’être projetés en centre-ville, en zone périurbaine et dans nos villages.

Cette singularité est le fruit d’un combat politique et d’une redistribution, de l’aval vers l’amont, qui est celle de la politique de soutien au cinéma et à l’audiovisuel !

Cela, nous le devons à la création du Centre national du cinéma et de l’image animée, établissement public, construction originale garante de cet écosystème. Ce combat doit aujourd’hui se poursuivre, dans cette période post-covid, avec l’essor des plateformes de streaming et face aux toujours nombreux défis à relever.

Le groupe RDPI tient à souligner les travaux remarquables menés de façon transpartisane par les trois rapporteurs du texte dont nous débattons ce soir. Je salue votre action, mes chers collègues, ainsi que celle du président de la commission, pour la préservation de cette identité.

« Le cinéma français a devant lui un grand avenir » : c’était la conclusion du rapport d’information Le cinéma contre-attaque : entre résilience et exception culturelle, un art majeur qui a de lavenir. Nous nous en réjouissons.

Enfin, après des années difficiles, le secteur a su reprendre des forces : 181 millions d’entrées en 2023, soit une progression de 19 % par rapport à 2022. Cette reprise était très attendue, alors que les chiffres étaient en berne depuis les taux historiques affichés entre 2017 et 2019.

Dans cette proposition de loi, traduction législative du rapport rendu en mai 2023 par la mission d’information, il s’agit de contribuer à sauvegarder la place première de cette industrie en France, à plusieurs niveaux.

Sur la richesse de la diffusion, le rapport du CNC a pointé une disparité géographique dans l’accès aux films d’art et d’essai au détriment des petites villes.

Ces difficultés ont aussi été mises en avant par Bruno Lasserre dans son rapport Le cinéma à la recherche de nouveaux équilibres : relancer des outils, repenser la régulation.

Pour y remédier, vous proposez que les distributeurs soient désormais soumis à des engagements de diffusion, comme les exploitants de salle. Nous y sommes favorables.

L’article 4 précise à cet effet qu’une part minimale des films proposés devrait être réservée à des cinémas situés dans des territoires ayant un faible nombre d’habitants. Est également prévue à l’article suivant une sanction administrative si l’obligation n’était pas respectée.

Le rapport souligne également la nécessité de favoriser le renouvellement des jeunes publics. Pour atteindre cet objectif, il recommande qu’une partie des places de cinéma acquises par le biais du pass Culture soit réservée aux films français et européens.

J’en profite pour souligner la réussite de ce dispositif. Deux ans après son lancement sur l’ensemble du territoire, il comptait plus de 3 millions de jeunes de 15 ans à 18 ans inscrits. C’est dans ma région, en Bretagne, où il atteint 85 %, que le taux de couverture est le plus élevé. Ce succès a permis de redynamiser plusieurs secteurs, librairies et cinémas en tête.

Pour rendre l’industrie du cinéma exemplaire, deux modifications du code du cinéma et de l’image animée figurent à l’article 6. La première consiste à conditionner les aides du CNC au respect de critères environnementaux. En tant que membre de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, j’y suis évidemment sensible. La seconde vise à garantir le respect des rémunérations minimales des auteurs.

Des changements en lien avec les politiques commerciales des exploitants sont également défendus. Je pense notamment à la volonté d’assouplir l’encadrement des cartes d’abonnement illimitées, aujourd’hui soumis à un agrément délivré par le CNC. Un prix de référence par place devra être déterminé pour les cinémas souhaitant les commercialiser.

Enfin, un contrat-type sera mis en place pour les exploitants souhaitant se joindre à un tel dispositif, notamment les indépendants qui doivent pouvoir en bénéficier plus facilement. Il s’agit aussi de s’adapter aux nouveaux modes de réservation en permettant aux exploitants de faire des promotions sur les billets vendus en ligne.

Enfin, nous soutenons l’initiative de la commission d’ajouter une disposition pour lutter contre les nouveaux types de piratage, notamment les sites miroirs qui proposent un visionnage des œuvres filmées en direct dans les salles de cinéma.

Je veux conclure sur cette citation d’Omar Khayyam, devise fétiche d’Agnès Jaoui qui recevra cette année un César d’honneur : « Sois heureux un instant. Cet instant, c’est ta vie. » Tous ces instants de cinéma, ce sont plusieurs vies. Parce que ses mesures contribueront à pérenniser le modèle cinématographique français, le groupe RDPI votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’excellent rapport de nos collègues Jérémy Bacchi, Céline Boulay-Espéronnier et Sonia de La Provôté, qui sert de soubassement à cette proposition de loi, s’interrogeait sur l’année 2023, « pleine de dangers », dans un contexte post-pandémique.

Finalement, la fréquentation a progressé de près de 20 % par rapport à 2022, avec 181 millions d’entrées comptabilisées. La reprise est donc sensible et réelle, alors même que la mise en plateforme de l’audiovisuel et du cinéma s’est accentuée, sur fond de concurrence exacerbée et de course à la production de contenus.

Le retour en salle des spectateurs semble donc contredire le discours prédisant le déclin irrémédiable du septième art. Mieux, le cinéma apparaît de plus en plus irremplaçable et ancré dans les habitudes culturelles, y compris celles des plus jeunes. Le cinéma, comme lieu et comme expérience, loin de s’envoler, s’est bien enraciné.

La finalité de cette proposition de loi est précisément de conforter l’ensemble de la filière cinématographique française, tout en veillant à réduire les disparités territoriales en matière d’accès au cinéma.

Le premier levier pour y parvenir vise à assouplir certaines procédures qui n’apparaissent plus nécessaires et qui tendent à entraver inutilement le travail des exploitants et du CNC. Ainsi, l’autorisation d’opérations promotionnelles sur les ventes de billets en ligne et la suppression de l’agrément du CNC pour les cartes illimitées – proposition qui figure dans le rapport de Bruno Lasserre de 2023 – se révèlent pleinement indiquées. Elles offrent de nouvelles opportunités sans pour autant déséquilibrer le marché existant.

Si, à leur lancement, les cartes illimitées ont suscité de vives craintes quant à leur impact sur la concurrence et sur l’équilibre entre exploitants et distributeurs, celles-ci sont aujourd’hui dissipées. Les deux principes cardinaux posés par le législateur afin de les réguler sont sanctuarisés. Il s’agit, d’une part, de l’établissement d’un prix de référence par billet acquis via une carte pour assurer une juste rémunération des ayants droit ; d’autre part, de la faculté offerte aux exploitants indépendants d’adhérer à ces formules.

En somme, la régulation des cartes illimitées perdure, mais leur déploiement est simplifié.

Par ailleurs, nous ne pouvons que nous réjouir de la prise en compte de deux impératifs au sein de l’article 6 : la protection environnementale et la rémunération des auteurs. Même si les dispositions diffèrent, elles s’apparentent à une conditionnalité, ou tout du moins à une modulation, des aides et du financement de la création par le CNC au respect d’exigences environnementales et d’une rémunération minimale des auteurs. C’est un excellent premier pas dont il conviendra cependant d’évaluer l’effectivité a posteriori.

Rappelons que l’industrie cinématographique, malgré sa prise de conscience croissante et les efforts qu’elle a entamés, demeure polluante.

Il est donc urgent d’accélérer l’adaptation de cette industrie aux enjeux écologiques, pour diminuer son bilan carbone notamment, et de valoriser les bonnes pratiques – à l’instar de la série Lupin où des générateurs à hydrogène ont été utilisés pour l’éclairage extérieur. En parallèle, les pouvoirs publics doivent accompagner les acteurs dans cette transition écologique.

En outre, la conditionnalité des aides à la production au respect des accords sur la rémunération minimale des auteurs est une excellente mesure. Les auteurs sont au fondement même de la création, et les rapports sur leur situation et leur précarité ne peuvent se succéder sans que nous agissions concrètement. Il faut se souvenir que la grève qui a paralysé Hollywood pendant six mois en 2023 avait précisément pour point de départ l’insuffisante rémunération des auteurs et leur insatisfaction sur le partage de la valeur, sur fond d’inquiétudes relatives à l’utilisation dérégulée de l’intelligence artificielle – mais nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.

Mme Sylvie Robert. Le volet territorial de la proposition de loi doit aussi être mentionné. En 2022, les salles classées « art et essai » représentaient près de 37 % de la fréquentation totale des cinémas. De plus, en 2019, le top 10 des films d’art et d’essai totalisait 9,3 % des entrées en France, mais seulement 9,4 % des entrées des cinémas d’art et d’essai. Ces chiffres témoignent de l’impact extrêmement positif du dispositif en faveur de la visibilité des films au potentiel commercial moins évident et, partant, en faveur de la diversité culturelle. C’est une richesse infinie qui concourt à la fois à la valeur de notre cinéma, mais aussi à celle de notre système d’aides publiques. Il est donc impérieux de la préserver.

C’est en ce sens que certaines critiques, parfois retentissantes, ont été émises tant sur le classement des cinémas que sur le degré de sélectivité des films. À cet égard, le rapport Lasserre esquisse quelques pistes, en particulier pour revoir la politique de recommandation, en prenant en compte le potentiel commercial des films d’art et d’essai par exemple ; c’est également l’une de vos préconisations. Par conséquent, afin de renforcer la diversité culturelle, tout en conciliant sélectivité et universalisme du système, notre commission aura intérêt à poursuivre ses travaux. L’enjeu est fondamental.

Parallèlement, dans votre rapport, vous mettez en évidence les inégalités territoriales qui caractérisent la diffusion des films d’art et d’essai. En 2021, les cinémas des unités urbaines de 50 000 habitants étaient largement majoritaires, à près de 60 %, dans le plan de sortie de ces films. Cette propension est d’autant plus forte que le film est diffusé dans peu de salles. Sans surprise, il s’ensuit que le public de ces œuvres est généralement plus urbain.

Et c’est à cet endroit que le bât blesse ! Pouvions-nous accepter que la diffusion des films d’art et d’essai, singulièrement lorsqu’ils portent une exigence revendiquée, soit concentrée sur les territoires urbains ? Bien sûr que non ! Derrière cette problématique, c’est la question de l’accès à la culture qui est posée.

Je n’opposerai aucunement films grand public et films d’art et d’essai ; ensemble, ils constituent une offre complémentaire. En revanche, les habitants des territoires ruraux et enclavés ont le droit d’avoir accès à l’un et à l’autre. Ils n’ont pas à être pénalisés parce qu’ils seraient éloignés d’un centre urbain ou parce que la rentabilité économique de la diffusion serait jugée trop faible. L’accès au cinéma, à tous les genres, est un motif d’intérêt général ; il participe de l’élargissement et de l’approfondissement culturels.

Je souhaite maintenant aborder le sujet de l’éducation au cinéma. Vous connaissez les dispositifs Collège au cinéma ou Lycéens et apprentis au cinéma. Des millions d’élèves ont pu, grâce à ceux-ci, découvrir des films patrimoniaux ou indépendants.

Or, depuis les annonces du précédent ministre de l’éducation nationale, cette éducation au cinéma est menacée. Certes, la volonté du Gouvernement n’était pas d’y mettre fin, mais les effets de bord de la réforme sur la formation des enseignants et de la politique en matière de remplacements ont abouti à la fragiliser.

J’en veux pour preuve que les professeurs n’ont plus le temps de se former et n’ont plus la possibilité de se déplacer en salle avec leurs classes. En conséquence, dans les deux rectorats qui ont appliqué les directives ministérielles, le nombre d’élèves bénéficiant de l’éducation à l’image a été divisé par deux. C’est par exemple le cas dans votre département, madame Morin-Desailly.

Cette évolution est extrêmement grave. Madame la secrétaire d’État, je vous demande de trouver une solution avant la rentrée prochaine avec la ministre de l’éducation nationale, pour rendre son importance à ces dispositifs.

Avec ce texte législatif, le Sénat poursuit sa réflexion et son travail sur le cinéma, après l’adoption définitive de la proposition de loi de notre groupe visant à assurer la pérennité des établissements de spectacles cinématographiques et l’accès au cinéma dans les outre-mer.

D’autres étapes sont à venir : la révision de la chronologie des médias en 2025, la question de la découvrabilité et de la mise en valeur des œuvres françaises et européennes sur les plateformes, mais aussi la protection de notre patrimoine cinématographique ou encore le soutien à la production de documentaires et de films indépendants.

Des chantiers se poursuivent et nous devons y prendre notre part, concernant, par exemple, la question de l’égalité entre les hommes et les femmes. Madame la rapporteure, vous avez vous-même évoqué les violences sexuelles et sexistes dans le monde du cinéma, qui est en ce moment secoué par tant d’affaires. Nous devons être au rendez-vous et nous y serons, via un amendement de nos amis du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires que nous avons cosigné.

Parce qu’elle contient des mesures qui feront progresser la filière, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K, GEST et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Evren. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’excellent travail réalisé par Sonia de La Provôté, Alexandra Borchio Fontimp et Jérémy Bacchi, qui est unanimement reconnu sur toutes les travées, sans oublier d’y associer Céline Boulay-Espéronnier.

Cette proposition de loi est déterminante pour une industrie aussi stratégique que le cinéma ; elle vise à l’adapter aux nouveaux défis technologique et énergétique ainsi qu’à ajuster les dispositifs de soutien aux nouveaux enjeux des politiques publiques.

Le cinéma est un modèle de l’exception culturelle française ; investir dans ce domaine, c’est investir dans la compétitivité de notre économie, dans son attractivité, dans le rayonnement international de nos territoires et dans la diversité de la création.

Après les crises sanitaires et énergétiques, le cinéma français a prouvé sa résilience : il a bénéficié d’une des meilleures reprises au monde, en comparaison d’autres pays dans lesquels cette industrie est importante, tels que les États-Unis ou l’Italie. Les salles françaises ont même connu une hausse de fréquentation de 20 % en 2023 par rapport à l’année précédente, alors que les films français représentaient 40 % des entrées.

Cependant, ces crises sans précédent ont révélé les fragilités de notre modèle et ont mis en évidence plusieurs tendances de fond de la filière.

J’ai ainsi à l’esprit les mutations des pratiques culturelles des Français, de plus en plus tournées vers les plateformes, dans un contexte de très forte concurrence des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ; ou encore les sujets de l’égalité de l’accès aux œuvres de tous les Français sur l’ensemble du territoire et de l’équité des rémunérations pour l’ensemble de la filière. Enfin, bien plus qu’un enjeu de responsabilité sociale des entreprises (RSE), la transition énergétique est devenue une véritable question existentielle pour ce secteur particulièrement énergivore.

Pour répondre à ces défis et permettre à la France de rester au premier plan du septième art, cette proposition de loi vise plusieurs objectifs.

Tout d’abord, la suppression de l’agrément pour les cartes illimitées dynamisera la fréquentation des salles. Cette mesure bénéficiera évidemment aux films les plus fragiles, sans pour autant nuire aux distributeurs.

Ensuite, elle favorisera une meilleure diffusion des films d’art et d’essai dans les territoires ruraux, lesquels – faut-il le rappeler ? – sont systématiquement les grands oubliés des politiques culturelles. Cette distribution plus équitable facilitera la correction des inégalités d’accès à la culture et la réduction des fractures territoriales. Il s’agit d’un véritable enjeu de cohésion sociale, car la culture est ce qui nous rassemble tous, dans notre histoire, dans nos valeurs, dans notre identité. Je le dis d’autant plus simplement que je suis sénatrice de Paris !

Ainsi, les nouvelles obligations des distributeurs prévues à l’article 4 permettront donc la distribution des films d’art et d’essai dans les petites communes et dans les zones rurales, de façon à rapprocher la culture des publics les plus éloignés.

En outre, l’instauration de nouvelles obligations de production permettra d’assurer une rémunération plus juste pour les auteurs.

Enfin, l’inscription dans la loi des critères environnementaux pour le tournage des films s’inscrit dans la lignée du plan action du CNC, que je félicite pour la mise en place progressive depuis 2022, d’une écoconditionnalité dans l’attribution de ses aides.

Je salue le travail mené par la commission, qui a permis l’adoption de deux nouveaux amendements visant à renforcer la lutte contre le piratage des œuvres et à assurer une diffusion équilibrée des films entre tous les territoires.

Encore une fois, bravo à tous les rapporteurs pour leur intelligence collective et transpartisane.

J’encourage le Gouvernement à inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le plus rapidement possible ; madame la secrétaire d’État, vous recevrez pour cela le soutien du groupe Les Républicains, qui votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions. – Mmes Sylvie Robert et Nadège Havet applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lors de la discussion générale sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2024, j’avais rappelé que la situation du cinéma français restait fragile après les années covid, durant lesquelles le public avait déserté les salles ; je m’étais également émue de la tournure prise par le débat public sur le cinéma. Je n’avais pas hésité à évoquer une forme de cinéma-bashing tout à fait regrettable, avec une appréciation très partielle – pour ne pas dire partiale – du septième art que certains de nos collègues décrivent comme gorgé d’aides publiques.

La suppression par le Sénat du crédit d’impôt pour les dépenses de production d’offres cinématographiques et audiovisuelles était une erreur, je le maintiens. Heureusement, la loi de finances pour 2024 n’a pas retenu la solution proposée et a reconduit le dispositif sans en changer les modalités jusqu’au 31 décembre 2026. Ce crédit d’impôt permet d’attirer sur nos territoires de grosses productions cinématographiques, des séries de télévision et des œuvres d’animation étrangères. En le prorogeant, nous avons conforté des producteurs étrangers dans leur décision d’investir en France plutôt que de se tourner vers des pays comme le Royaume-Uni, qui a adopté une législation très favorable aux tournages.

Ce faisant, nous avons également conforté l’industrie du cinéma français, largement mise à contribution par ces productions étrangères, et nous avons pu sauver les sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica) du désastre vers lequel elles se dirigeaient. Le projet de réduction des avantages du dispositif fiscal dont bénéficient les contribuables souscrivant au capital de ces sociétés a, en effet, été rejeté par nombre de nos collègues, très attachés à la production indépendante.

Notre commission s’est toujours efforcée d’objectiver la situation du cinéma à travers des analyses rigoureuses et des recommandations solidement étayées. La mission d’information constituée l’an dernier a ainsi permis d’étudier globalement l’économie du cinéma et de formuler des recommandations opérationnelles.

Au nombre de celles-ci figuraient la nécessaire adaptation des mécanismes de soutien pour des productions mieux financées et distribuées, une meilleure diffusion des films à l’échelle du territoire afin de viser un public élargi, l’amélioration des conditions d’exploitation en salle, le renforcement de la participation du cinéma aux politiques publiques, à travers le respect des règles de rémunération minimale des auteurs et de certaines obligations environnementales lors des tournages, ainsi, enfin, qu’une amélioration de la chronologie des médias.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui traduit une partie de ces recommandations.

Je salue le travail de nos trois rapporteurs, Jérémy Bacchi, Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp, avec une pensée pour notre ancienne collègue Céline Boulay-Espéronnier, qui était coauteure de ce texte.

Celui-ci vise en premier lieu à faciliter l’activité des exploitants, dans une logique de simplification. Pour ce faire, les contraintes pesant sur la délivrance des cartes illimitées, qui constituent un véritable outil de fidélisation du public, sont allégées, et le mécanisme d’agrément par le CNC est supprimé. Pour autant, la juste rémunération des ayants droit et des distributeurs reste un objectif majeur de ce texte, de même que l’accès dans des conditions équitables à la formule des cartes illimitées pour les exploitants indépendants.

Gageons que ces mesures permettront de renforcer la fréquentation des salles et de rendre les œuvres cinématographiques plus accessibles. La possibilité désormais offerte aux exploitants d’organiser des opérations promotionnelles sur les ventes de billets en ligne participe de cette même logique et sert une ambition similaire.

Par ailleurs, la proposition de loi entend assurer une meilleure distribution des œuvres de qualité, mais populaires, dans les territoires où elles sont aujourd’hui peu diffusées. Pourquoi, en effet, ces œuvres seraient-elles réservées à un public de connaisseurs résidant dans les grandes agglomérations ?

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. Tout à fait !

Mme Laure Darcos. Il est important que les distributeurs permettent au plus grand nombre de profiter de la richesse et de la diversité du cinéma, même si les recommandations d’œuvres d’art et d’essai par l’Association française des cinémas d’art et d’essai peuvent parfois sembler s’éloigner du cinéma d’auteur.

Plutôt que de poser une obligation générale et permanente de diffusion dans ces territoires, nos trois rapporteurs ont prévu un mécanisme de nature temporaire se déclenchant dès lors qu’un déséquilibre dans la diffusion de ces œuvres sera objectivement constaté. Cette solution a permis d’obtenir un consensus au sein de la profession.

Le mécanisme retenu fait intervenir le président du CNC, qui pourra décider de la mise en place d’engagements de diffusion adaptés et limités dans le temps afin de corriger cette situation.

Enfin nous approuvons l’amendement de nos rapporteurs visant à renforcer la lutte contre le piratage des œuvres par une réactivité plus grande de l’Arcom en soutien des professionnels, qui saisissaient directement les juges. Les sites miroirs qui contournent des décisions de justice en répliquant un site web pirate préexistant seront plus rapidement mis en échec grâce à une procédure gagnant en efficacité.

Ainsi, avec cette proposition de loi, enrichie par les amendements à venir, déposés par notre amie Monique de Marco, les œuvres cinématographiques seront plus accessibles, mieux diffusées et mieux protégées. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires lui apporte par conséquent un soutien sans réserve. (Mmes Monique de Marco et Nadège Havet ainsi que M. Philippe Folliot applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, merci à notre président Laurent Lafon d’avoir souhaité que soit menée, à la sortie de la crise sanitaire, une évaluation du secteur du cinéma.

Malgré les plans d’urgence, l’arrêt des tournages et la fermeture des salles nous inquiétaient ; le constat établi dans l’excellent rapport de Sonia de La Provôté, Jérémy Bacchi et Céline Boulay-Espéronnier nous a rassurés : résilient, le secteur a pu rebondir.

Les politiques publiques menées de longue date ont permis de consolider un réseau de salles dense, ainsi qu’une production cinématographique riche, diversifiée et reconnue.

Il faut que cela dure ; aussi, nous soutenons totalement les propositions d’amélioration au bénéfice de la filière qui nous sont soumises aujourd’hui.

Le rapport affirme le bien-fondé d’un système sophistiqué et très abouti d’aides à la création et à la distribution, mais aussi d’obligations d’investissement par nos entreprises de l’audiovisuel, et, désormais, également par les plateformes.

Ce système repose sur la fameuse chronologie des médias, qui dépend d’accords interprofessionnels souvent difficilement conclus, et qui vont d’ailleurs bientôt revenir en discussion. Sur cela aussi, nous aurons notre mot à dire.

Le rôle du CNC est essentiel dans la perception des taxes affectées et dans la distribution des aides, mais il faut souligner la place très importante des collectivités territoriales, notamment des régions. Je remercie Jérémy Bacchi de l’avoir rappelé.

Ainsi, les aides à la formation, à l’écriture, à la production, mais également à l’accueil de tournages, à la modernisation des salles, aux festivals et aux dispositifs d’éducation à l’image sont très importantes.

On observe même un glissement dans l’équilibre des financements consacrés à la production audiovisuelle et de cinéma dans les régions, dans le cadre des conventions triennales entre le CNC, les régions et les directions régionales des affaires culturelles (Drac). Ainsi, en 2022, les régions ont investi près de 46 millions d’euros quand le CNC attribuait 16,7 millions d’euros. La règle voulant que la région investisse deux fois plus que le CNC est dépassée : nous en sommes désormais à 1 euro du CNC pour 2,7 euros de la région.

Les élus urbains se mobilisent également pour le maintien des salles de cinéma et d’autres élus ont su inventer une offre en milieu rural, en créant, par exemple, des systèmes de cinéma itinérant. C’est le cas dans mon département de la Seine-Maritime, dans lequel le projet CinéSeine a vu le jour en 2016, soutenu par le département, la région, la Drac, et même la réserve parlementaire !

Il existe en France 114 circuits de ce type, ainsi qu’un dispositif d’aide du CNC dédié répondant ainsi à l’objectif d’accès à la culture pour tous, prôné de longue date par le Sénat. Rappelons que notre commission est à l’initiative de l’inscription des droits culturels, et donc de l’accessibilité universelle à la culture, dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, ainsi que dans la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP.

L’ambition de rendre le cinéma plus accessible commence toutefois dès l’école ; aussi, comme Sylvie Robert, j’insiste sur l’importance de sauver les dispositifs Collège au cinéma et Lycéens et apprentis au cinéma, lesquels sont reconnus en matière d’éducation à l’image.

Alors que des millions de jeunes en bénéficient dans de nombreux départements et régions, qui financent séances et transports, ceux-ci ont été unilatéralement remis en cause par Gabriel Attal, qui a supprimé du jour au lendemain la possibilité pour les professeurs animateurs volontaires de se former sur le temps scolaire, provoquant ainsi des vagues de désinscription. (Mme Colombe Brossel applaudit.) Mme la ministre de la culture devrait faire un point rapide avec Mme Nicole Belloubet, ainsi qu’avec les collectivités partenaires, sur ce dossier brûlant, sous peine de voir le système s’effondrer très rapidement.

Enfin, je salue la proposition de mes collègues de conditionner l’octroi des aides au projet à la garantie de la juste rémunération des auteurs, tout en formant le vœu, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement leur témoigne le même respect.

Comme chacun le sait, l’avenir du cinéma va désormais se construire aussi autour d’une juste régulation de l’intelligence artificielle, qui soulève beaucoup de questions en matière de création artistique comme de droit d’auteur. L’adoption récente de l’AI Act a apporté des garanties de respect et de transparence minimale s’agissant des œuvres utilisées pour les bases d’entraînement.

Il convient à ce titre de remercier Thierry Breton qui rappelait il y a quelques jours au Sénat l’importance de cette régulation, laquelle n’est pas contradictoire avec l’innovation. Je m’inquiète toutefois, avec tout le secteur, des récentes déclarations de Bruno Le Maire, qui en fait fi et semble vouloir affaiblir le droit d’auteur. Bercy évoque ainsi une réouverture des débats sur la directive sur le droit d’auteur, ou encore de la mise en place d’un marché unique de la donnée, assimilant films ou séries à n’importe quelle donnée.

Souhaitons que Mme la ministre de la culture agisse pour défendre le périmètre de son ministère et pour garantir une politique française ambitieuse en matière de droit d’auteur à l’heure de l’intelligence artificielle. Quant à vous, madame la secrétaire d’État, nous comptons sur vous pour faire pleinement appliquer le règlement tel qu’il a été voté à Bruxelles. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, SER et CRCE-K, ainsi quau banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, le Gouvernement est désormais dirigé par un homme né en 1989 et animé de grandes ambitions. Quant à moi, je suis une femme, née quelques années plus tôt et attachée à un petit espoir : celui de faire avancer le droit des femmes au cinéma à l’occasion de cette proposition de loi.

En 1971, l’actrice Delphine Seyrig déclarait, dans une interview avec Jacques Chancel : « Il y a beaucoup de femmes en France et on ne parle pas d’elles, ce sont toujours les hommes qui les ont montrées, qui en ont parlé. […] Je voudrais faire des films faits avec des femmes, collectivement, qui montrent leurs difficultés, qui sont gigantesques. » Elle prononçait ces paroles quatre ans avant 1975, avant que la loi Veil ne légalise l’avortement.

Cinquante ans plus tard, la féminisation de la profession souhaitée par Delphine Seyrig reste faible : ainsi que l’a démontré le collectif 50/50, seulement 27 % des réalisatrices sont des femmes ; elles disposent de budgets et d’une rémunération inférieurs ; les films réalisés par des femmes représentent seulement 5,2 % des films sélectionnés par le festival de Cannes depuis sa création. Dans les grands festivals, la direction artistique demeure la chasse gardée des hommes : à Cannes, une présidence de jury sur six, seulement, est accordée aux femmes. Ces sélections conditionnent pourtant la distribution et la promotion des films dans leur succès en salle.

À mon sens, la parité est la première réponse à apporter aux violences morales, sexuelles et sexistes qui perdurent dans le cinéma. Depuis 2018 et le mouvement #MeToo, les nombreux témoignages nous permettent de penser que nous faisons face à un phénomène systémique.

C’est la raison pour laquelle je souhaite que le bonus parité, qui a fait ses preuves, soit généralisé à l’ensemble des aides du CNC. Malheureusement, l’amendement que j’avais déposé en ce sens a été déclaré irrecevable.

La parité n’est toutefois pas la seule solution et nous devons à mon sens aller plus loin. Depuis 2018, nous avons laissé les victimes assumer seules leur défense et s’exposer à des actions en diffamation. En considérant que le droit était suffisant, nous avons laissé perdurer l’idée qu’il s’agissait de conflits interpersonnels. Six ans après, les premiers témoignages, leur nombre et leur actualité démontrent le contraire.

Du côté des professionnels se développe une nouvelle pratique destinée à prévenir ces violences, avec la création de postes de coordinateurs d’intimité. Comme l’a écrit la Société des réalisateurs français (SRF), « nous sommes saisis par le silence des témoins de l’époque et de ceux d’aujourd’hui ». C’est pourquoi nous proposons de renforcer la responsabilité des producteurs : les aides accordées doivent pouvoir être retirées en cas de violence ou de harcèlement.

Je remercie Céline Boulay-Espéronnier, ainsi que Jérémy Bacchi, Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp de leur ouverture sur ces sujets. Je suis consciente que mes propositions sortent quelque peu du cadre imaginé pour cette proposition de loi, mais il est parfois nécessaire de faire des pas de côté pour être au rendez-vous de l’histoire.

Entre mars 2020 et mai 2021, les salles ont été fermées au public pendant 300 jours sur l’ensemble du territoire français, cela n’était jamais arrivé depuis l’invention du cinéma, pas même pendant les périodes de guerre. Pour la première fois de son histoire, le lien entre le cinéma et la salle a été rompu, suscitant l’inquiétude des distributeurs et des exploitants de salle. Cette proposition de loi permet de la dissiper.

Après les modifications apportées en commission, ce texte va permettre une commercialisation facilitée des cartes illimitées pour accompagner le retour du public en salle, mais aussi pour parvenir à une meilleure distribution des films d’art et d’essai dans des zones moins denses du territoire.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en Europe et dans le monde, le droit d’auteur est menacé par la généralisation des outils d’intelligence artificielle. L’accord politique sur l’acte européen adopté à la fin de 2023 ne prévoit pas de garanties suffisantes, il n’est pas à la hauteur de ce qu’ont obtenu scénaristes et interprètes aux États-Unis.

Je m’inquiète donc que cette négociation soit laissée entre les mains de Bercy et de Bruno Le Maire ; l’absence de la ministre de la culture ce soir n’est d’ailleurs pas de nature à me rassurer. À terme, cette évolution risque de fragiliser l’exception culturelle française et le cinéma d’auteur.

Une réflexion plus globale doit s’ouvrir sur l’orientation de la politique de soutien du CNC, dont le but ne saurait être de rééquilibrer la balance commerciale. À mon sens, la qualification en art et essai mériterait d’être recentrée sur des films à l’économie fragile.

Je forme le vœu que, à l’issue de nos débats, ce texte poursuive son chemin à l’Assemblée nationale et que la navette permette de l’enrichir, dans l’intérêt des femmes et du cinéma. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur le banc des commissions.)

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le dit Lino Ventura dans Les tontons flingueurs : « On ne devrait jamais quitter Montauban ! » (Sourires. – M. Philippe Folliot applaudit.)

Nous sommes réunis en ce soir de la Saint-Valentin pour célébrer une histoire d’amour, celle de la France et du cinéma. L’industrie cinématographique est à la fois l’un des points forts de notre économie et l’un des joyaux de notre patrimoine culturel.

C’est justement parce que nous aimons le septième art que la commission de la culture a décidé de se pencher sur son avenir. Aussi, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui résulte d’une collaboration étroite et d’une réflexion profonde menée avec l’ambition de relever les défis sans précédent auxquels notre secteur cinématographique est confronté.

Ceux-ci ont été mis en exergue par la crise sanitaire de la covid-19, une épreuve qui a ébranlé nos fondations, mais qui a également révélé la résilience et l’adaptabilité de notre industrie.

Grâce au soutien robuste des pouvoirs publics, cette période a été l’occasion d’ouvrir une réflexion sur l’avenir de la filière, comme en témoignent les conclusions du rapport de la mission d’information Le cinéma – et non pas l’Empire ! – contre-attaque, menée par Sonia de La Provôté, Jérémy Bacchi et Céline Boulay-Espéronnier. Je salue également l’engagement d’Alexandra Borchio Fontimp, qui a repris avec brio les attributions de notre ancienne collègue. Ce travail a abouti à la présente proposition de loi.

Notre cinéma, reconnu mondialement pour son excellence, joue un rôle indispensable dans le rayonnement de la culture française dans les territoires et à travers le globe. Face à une production américaine prédominante, il se distingue par son originalité, sa créativité et sa capacité à promouvoir des valeurs universelles, renforçant ainsi notre influence culturelle et notre pouvoir d’attraction à l’international.

Les mesures qui nous sont soumises ce soir, telles que l’assouplissement de la procédure d’agrément des films par le CNC, la simplification de l’accès aux abonnements illimités et l’élargissement des possibilités de promotion en ligne, visent à soutenir cette industrie majeure.

Ces initiatives encouragent la fréquentation des salles de cinéma et démocratisent l’accès à la culture cinématographique pour tous les Français, tout en réaffirmant notre engagement envers un cinéma éthique et responsable. Le rapport Le cinéma contre-attaque en souligne l’importance. On peut le dire : la force était avec lui ! (Sourires.)

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. Tout à fait !

M. Pierre-Antoine Levi. Ce travail constitue un effort collectif pour valoriser notre cinéma face aux défis actuels et futurs, en donnant plus de flexibilité aux exploitants et en intégrant le cinéma dans les grandes politiques publiques de notre pays. Une telle approche garantit que notre soutien au cinéma ne se contente pas de profiter à l’industrie elle-même, mais contribue également à l’avancement de nos valeurs communes, que sont la durabilité environnementale et l’équité sociale.

Les travaux de notre commission ont enrichi cette proposition, témoignant de notre engagement commun en faveur d’un cinéma accessible, diversifié et résilient.

L’adoption d’amendements visant à améliorer l’accessibilité des œuvres sur tout le territoire et à renforcer la lutte contre le piratage illustre notre détermination à promouvoir un cinéma inclusif, évitant ainsi le piège d’une culture à deux vitesses et protégeant les droits des créateurs.

Soutenir cette proposition de loi, c’est faire le choix d’embrasser un cinéma à la fois innovant, dynamique et profondément ancré dans nos valeurs républicaines ; c’est aussi réaffirmer notre engagement envers la culture, l’éducation et les valeurs qui fondent notre société.

Aujourd’hui, nous avons la responsabilité de façonner l’avenir du cinéma français, lequel, par sa capacité à inspirer, à questionner et à unir, reflète la diversité et la richesse de notre société. Je forme le vœu que, à l’instar du groupe Union Centriste, le Sénat tout entier vote unanimement en faveur de cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – Mmes Nadège Havet et Agnès Evren ainsi que M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Baptiste Blanc. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre filière cinématographique illustre plus que jamais l’exception culturelle française et notre faculté de résistance.

Comme représentant du Vaucluse, qui est également une terre de cinéma, je tiens à souligner l’importance de cette proposition de loi pour mon département, riche d’un patrimoine culturel et naturel unique et qui a déjà séduit de nombreux cinéastes français et étrangers.

Permettez-moi de féliciter chaleureusement, à mon tour, les auteurs et rapporteurs de cette proposition de loi, laquelle, pour la première fois depuis quinze ans, s’intéresse spécifiquement aux défis rencontrés par notre industrie cinématographique.

Un large travail de concertation a été mené, qui reflète l’engagement et la volonté d’aborder de manière exhaustive les problèmes auxquels cette industrie fait face.

Dans mon département, le cinéma est perçu comme un vecteur de développement économique et culturel majeur et la présentation du plan Cinéma par la présidente du conseil départemental, Dominique Santoni, témoigne de la volonté de faire plus que jamais du Vaucluse une terre de cinéma. Notre ambition est de développer la filière cinématographique, non seulement pour dynamiser l’économie locale, mais aussi pour enrichir l’offre culturelle.

Les objectifs de cette proposition de loi sont clairs et répondent directement aux besoins de notre filière en simplifiant la vie des établissements cinématographiques, nombreux sur notre territoire. Ce texte permettra un meilleur accès aux œuvres pour nos concitoyens, et notamment en milieu rural, comme l’a souligné Agnès Evren, sénatrice de Paris, que je remercie de ce clin d’œil. Nous y sommes très sensibles, ma chère collègue !

En outre, il intègre des mesures innovantes pour lutter contre le piratage en rendant plus efficace la procédure de blocage des sites miroirs, un pas en avant significatif pour protéger les œuvres de nos créateurs et garantir que les retombées économiques des productions cinématographiques bénéficient réellement à notre territoire et à l’ensemble de la filière.

L’engagement du Vaucluse dans le cinéma illustre parfaitement l’impact positif que l’on peut attendre de cette proposition de loi. Celle-ci permettra de renforcer le cinéma partout dans nos régions, de soutenir nos économies locales et de valoriser nos patrimoines culturel et naturel.

Je suis convaincu qu’elle ouvrira de nouvelles perspectives pour le cinéma français et pour les nombreux territoires dynamiques et engagés sur le sujet et je la soutiens donc fortement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en france

Article 1er

Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :

1° L’article L. 212-27 est ainsi rédigé :

« Art. L. 212-27. – Tout exploitant d’établissement de spectacles cinématographiques qui propose une formule d’accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples en nombre non défini à l’avance détermine un prix de référence par place qui ne peut être inférieur à un montant minimal fixé dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. Ce montant minimal est déterminé au regard des prix des entrées vendues sur le marché de l’exploitation sur une période donnée, afin de contribuer à une juste rémunération des distributeurs et des ayants droit. » ;

2° L’article L. 212-28 est ainsi modifié :

a) Les premier et dernier alinéas sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa, après le mot : « référence », sont insérés les mots : « par place mentionné à l’article L. 212-27 » et, après le mot : « des », sont insérés les mots : « distributeurs et » ;

3° L’article L. 212-29 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est supprimé ;

b) Au second alinéa, après le mot : « exploitant », sont insérés les mots : « qui s’associe à une formule d’accès au cinéma et » et, à la fin, les mots : « titulaire de l’agrément en application de l’article L. 212-28 » sont remplacés par les mots : « émetteur de la formule » ;

4° L’article L. 212-30 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, au début, les mots : « Lorsqu’il demande l’agrément d’une formule d’accès en application de l’article L. 212-27, » sont supprimés et, après le mot : « cinématographiques », sont insérés les mots : « qui propose une formule d’accès au cinéma et » ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« 3° Ne peut contenir ni clause relative à la programmation des établissements de spectacles cinématographiques des exploitants associés, ni clause d’appartenance exclusive à une formule d’accès.

« Préalablement à la mise en place d’une formule d’accès au cinéma, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée homologue un contrat-type d’association. La délivrance de cette homologation est subordonnée au caractère équitable et non discriminatoire des conditions d’association proposées par l’exploitant émetteur de la formule. » ;

5° L’article L. 212-31 est ainsi rédigé :

« Art. L. 212-31. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’association à la formule des exploitants bénéficiant de la garantie. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Discussion générale (suite)
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Article 3

Article 2

Les exploitants ayant obtenu l’agrément d’une formule d’accès au cinéma en cours de validité à l’entrée en vigueur du décret en Conseil d’État prévu à l’article L. 212-27 du code du cinéma et de l’image animée, dans sa rédaction résultant de la présente loi, peuvent continuer à en bénéficier jusqu’à la date d’échéance de cet agrément. – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

L’article L. 212-34 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi rédigé :

« Art. L. 212-34. – Le fait, pour un exploitant d’établissement de spectacles cinématographiques, d’offrir à un spectateur, quelles que soient les modalités de l’offre, la vente d’un droit d’entrée à une séance de spectacle cinématographique associée, avec ou sans supplément de prix, à la remise d’un bien ou à la fourniture d’un service ne peut avoir pour effet d’entraîner une diminution de la valeur de ce droit d’entrée par rapport au prix de vente du droit d’entrée qui aurait été remis au spectateur, dans les mêmes conditions et pour la même séance, s’il n’avait pas choisi cette offre ou n’en avait pas bénéficié, ce prix constituant dans tous les cas l’assiette de la taxe prévue au 1° de l’article L. 115-1 et l’assiette de la répartition des recettes prévue à l’article L. 213-10. » – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Après le chapitre II du titre Ier du livre II du code du cinéma et de l’image animée, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :

« CHAPITRE II BIS

« Secteur de la distribution cinématographique

« Art. L. 212-36. – Lorsqu’il apparaît que la diffusion des œuvres cinématographiques d’art et d’essai, prévue dans un nombre important d’établissements de spectacles cinématographiques, n’est pour autant pas assurée de manière équilibrée sur le territoire national, le président du Centre national du cinéma et de l’image animée, après consultation du médiateur du cinéma, peut imposer des engagements de diffusion aux distributeurs de ces œuvres afin qu’ils consacrent une part minimale du plan de diffusion de celles-ci à des établissements situés dans des périmètres géographiques identifiés au regard de leur faible nombre d’habitants.

« Un décret fixe les caractéristiques des œuvres d’art et d’essai, les périmètres géographiques concernés ainsi que les situations justifiant l’intervention du président du Centre national du cinéma et de l’image animée. » – (Adopté.)

Article 4
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Article 6

Article 5

L’article L. 421-1 du code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :

1° Au 5°, les mots : « à l’agrément des » sont remplacés par le mot : « aux » ;

2° Après le 6°, il est inséré un 6° bis ainsi rédigé :

« 6° bis Des dispositions de l’article L. 212-36 encadrant la diffusion de certaines œuvres cinématographiques d’art et d’essai par les distributeurs, ainsi que des textes et décisions pris pour leur application ; ». – (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa du 2° de l’article L. 111-2, après le mot : « général », sont insérés les mots : « et en tenant compte, le cas échéant, du respect d’exigences environnementales » ;

2° L’article L. 311-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée est également subordonnée au respect, par les entreprises de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, des rémunérations minimales prévues par des accords étendus par arrêté du ministre chargé de la culture en application de l’article L. 132-25-2 du code de la propriété intellectuelle. »

Mme la présidente. L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, Fernique, Dossus, Dantec et G. Blanc, Mmes M. Vogel et Senée, M. Salmon, Mme Poncet Monge, MM. Mellouli et Jadot, Mme Guhl et M. Gontard, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

…° La même première phrase du 2° de l’article L. 111-2 est ainsi modifiée :

a) Après les mots : « du cinéma », sont insérés les mots : « et de ses auteurs, » ;

b) Après les mots : « de l’image animée », sont insérés les mots : « sur l’ensemble du territoire » ;

c) Les mots : « des marchés et » sont supprimés ;

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. « Le cinéma est un art ; et par ailleurs, c’est aussi une industrie. » Cette conception duale du cinéma que résumait si bien André Malraux est au fondement des politiques françaises de soutien à ce secteur.

Aujourd’hui, cette dualité s’est toutefois transformée en une asymétrie totale en faveur de la recherche d’une rentabilité économique, au détriment de l’exception culturelle qu’incarne pourtant le cinéma français.

Cet amendement vise à réorienter la politique du CNC vers le soutien au cinéma d’auteur. Recevant la palme d’or du Festival de Cannes en 2023 pour son film Anatomie dune chute, Justine Triet indiquait en effet que « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend est en train de casser l’exception culturelle française ».

Au cœur de ce mécanisme, le CNC se doit d’accomplir sa mission culturelle, et partant, d’attribuer des aides au financement de films dits d’économie fragile, c’est-à-dire aux films fortement dépendants d’aides publiques, tels que les premiers films ou les films dont la distribution et la diffusion ne sont pas garanties, par exemple parce qu’ils ne sont pas produits par des plateformes sur lesquelles ils seront automatiquement diffusés.

L’amendement s’inscrit également dans une logique d’attribution d’aides aux distributeurs et aux exploitants sur l’ensemble du territoire, en écho à l’article 4 de la présente proposition de loi.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de modifier ainsi l’article 6, mes chers collègues.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. Sur le fond, cet amendement ne vise à rien de moins qu’à provoquer une révolution dans l’attribution des aides du CNC, en renonçant à l’adaptation au marché des œuvres. Vous revendiquez d’ailleurs pleinement, ma chère collègue, la volonté que le CNC soutienne exclusivement le cinéma dit d’auteur, tout en laissant la possibilité, via d’autres instruments, par exemple portés par le ministère des finances, que d’autres financements s’inscrivent dans une logique plus économique.

Une telle logique pose toutefois plusieurs difficultés.

Depuis sa création en 1946, le CNC soutient tout d’abord avec efficacité tous les types de cinéma et tire justement sa force de la centralisation de l’expertise et de la vision globale qui président à l’attribution de ses aides.

Il n’y a pas, ensuite, d’opposition juridiquement fondée et pertinente entre un cinéma dit d’auteur et un cinéma qui n’en serait pas. Chaque film est bien le fruit du travail d’un réalisateur et de son équipe.

Le CNC dispose d’ailleurs déjà d’outils spécifiques pour aider les premiers films et les films dits de la diversité. Les données relatives à la création, exposées dans le rapport de la mission d’information, tendent du reste à montrer que la France produit de plus en plus de films à petit budget, au détriment des films dits du milieu.

Je reviendrai sur les auteurs et la thématique de l’intelligence artificielle lorsque nous examinerons un amendement ultérieur dont c’est spécifiquement l’objet.

Pour ce qui est enfin de la dimension territoriale, toute la politique du cinéma en France repose justement sur le souci constant d’une large diffusion territoriale, dont témoigne d’ailleurs l’article 4 de la présente proposition de loi. L’objectif n° 3 du document stratégique de performances du CNC est d’ailleurs déjà de « diffuser le cinéma sur l’ensemble du territoire ».

Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Votre amendement tend à restreindre le champ d’intervention du CNC, quand la mission de cette instance revêt depuis l’origine une dimension qui est à la fois culturelle et économique, comme vous l’avez d’ailleurs rappelé, madame la sénatrice.

Le CNC a ainsi vocation à soutenir non seulement la diversité et l’originalité des créations artistiques, mais également une industrie qui est créatrice d’emplois et qui évolue dans un environnement concurrentiel.

Je rappelle d’ailleurs que les œuvres les plus fragiles bénéficient aujourd’hui d’un taux de soutien plus élevé, à raison d’une majoration de 20 %, les aides publiques pouvant s’élever jusqu’à 70 % du budget total lorsque les œuvres sont considérées comme fragiles.

En ce qui concerne le premier point, j’estime qu’il n’y a rien de choquant dans le fait que le CNC adapte ses aides en fonction de l’évolution du marché. Elles sont ainsi plus pertinentes, et cela ne veut pas dire que le CNC serait guidé par le marché. De fait, dans un monde en constante évolution, il ne me paraît pas approprié de figer des aides dans le temps.

Pour ce qui est du second point, et comme cela a été rappelé, le CNC aide déjà très largement le cinéma d’auteur.

Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable, madame la sénatrice.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes de Marco, Ollivier, Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le g du 2° de l’article L. 111-2 est complété par les mots : « tenant compte des objectifs de promotion de la parité et de la diversité » ;

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Malgré les progrès observés depuis 2018, la parité et la diversité sont encore insuffisantes dans le cinéma. Le présent amendement, qui vise à faire de la parité et de la diversité deux objectifs guidant l’action des instances de pouvoir que sont les comités d’attribution d’aide du CNC, les comités de sélection des festivals, les organes directeurs des festivals, des écoles du cinéma, etc. avait été déclaré irrecevable. Pour des raisons mystérieuses, il n’a toutefois pas été écarté.

Par cet amendement, mes chers collègues, je vous propose donc de contribuer à améliorer la valorisation de l’héritage cinématographique laissé par les femmes cinéastes – que l’on appelle le matrimoine – dans le cadre des missions de conservation et de restauration des films du CNC.

Les réalisations féminines restent encore aujourd’hui marginales et délaissées des yeux du grand public.

Si la parité est impossible dès lors que, pendant des décennies, les films réalisés par des femmes sont restés ultraminoritaires, il importe de s’assurer que les œuvres qui existent ne disparaissent pas dans les limbes de l’histoire et de faire en sorte que, dès lors que la parité augmente parmi les réalisateurs et les réalisatrices, la part des films de femmes restaurés augmente également.

Selon une étude menée par le collectif 50/50 sur la parité derrière la caméra, entre 2013 et 2022, seulement 591 femmes ont réalisé un ou plusieurs films, contre 1 605 hommes.

Par cet amendement, il s’agit donc d’inscrire dans la mission de conservation des œuvres l’objectif de parité, étendu à celui de diversité, qui recouvre également la diversité sociale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. Par cet amendement, ma chère collègue, vous souhaitez au fond vous assurer que le patrimoine cinématographique issu de la parité et de la diversité ne soit pas ignoré.

On peut le regretter, mais l’essentiel des grandes œuvres patrimoniales du passé ont été réalisées par des hommes. Depuis, les femmes et les représentants de la diversité ont fort heureusement trouvé une place plus grande et tournent aujourd’hui des œuvres qui sont le patrimoine de demain, même si, comme cela a été souligné lors de la discussion générale, un long chemin reste à parcourir.

Le CNC s’efforce de mettre à l’honneur les œuvres dites du matrimoine. En 2020, il a par exemple proposé une projection d’œuvres de la grande réalisatrice française des années 1920 Germaine Dulac. L’attribution des aides à la restauration et à la numérisation du patrimoine dépend déjà de critères prenant en compte la diversité et la parité, tels que l’incidence des œuvres sur la société ou encore les talents et collaborations artistiques convoqués par chacune.

Pour toutes ces raisons, ma chère collègue, l’ajout que vous proposez par cet amendement ne présente pas un intérêt évident. Il pourrait même se révéler redondant, car le patrimoine étant avant tout ce qui est entré dans la conscience collective, il ne dépend pas de l’identité du réalisateur. Espérons toutefois que, à l’avenir, la meilleure représentation de la diversité se traduira dans notre patrimoine.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Je vous remercie tout d’abord, madame la sénatrice de Marco, de porter dans le débat la question de la parité, qui m’est également très chère.

Le CNC est doublement impliqué en faveur du patrimoine cinématographique, au titre de sa mission propre de conservation, mais également au titre de sa mission de soutien financier aux initiatives en faveur du patrimoine.

Il a par ailleurs vocation à appréhender notre patrimoine cinématographique dans sa globalité et dans toute sa diversité. Comme Mme la rapporteure l’a rappelé, le CNC se penche notamment sur l’incidence des œuvres sur la société, ainsi que sur les talents et collaborations artistiques convoqués par chacune.

La précision que vous souhaitez apporter pourrait de ce fait contribuer à restreindre le champ d’action du CNC en la matière, madame la sénatrice.

Telle est la raison pour laquelle l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le 6° de l’article L. 111-2 est complété par les mots : « , et de prévenir la fragilisation du droit d’auteur par le recours à l’intelligence artificielle » ;

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. L’intelligence artificielle (IA) étant appelée à jouer un rôle de plus en plus prépondérant dans le cinéma français, et cela dans toutes les phases de la création et de la production, cet amendement vise à étendre la mission du CNC en matière de protection des droits d’auteur en anticipant le recours à l’intelligence artificielle.

Je rappelle que, en octobre 2023, les scénaristes américains sont parvenus à obtenir plusieurs garanties pour protéger leurs copyrights. J’en indiquerai quatre.

Ils ont tout d’abord obtenu que l’intelligence artificielle ne puisse pas se voir reconnaître la qualité d’auteur d’un texte, et que les droits d’un scénariste ne puissent pas être restreints par le contenu généré par l’intelligence artificielle.

Ils ont ensuite établi que, si un scénariste peut choisir d’utiliser l’intelligence artificielle sous réserve que le producteur y consente, ce producteur ne peut pas exiger que le scénariste utilise l’IA.

Les scénaristes américains ont également obtenu que dans le cas où les documents fournis au scénariste ont été générés par l’intelligence artificielle, celui-ci en soit informé par le producteur.

Les auteurs se sont enfin réservé le droit d’interdire que, leurs textes soient exploités pour former l’intelligence artificielle.

L’accord politique trouvé sur le règlement européen sur l’intelligence artificielle n’apporte pas de garantie comparable. Bien que l’Union européenne légifère régulièrement dans le domaine du droit d’auteur, les États membres restent compétents en matière de politique culturelle, les traités ne prévoyant qu’une compétence européenne d’appui en la matière. Qu’attendons-nous donc pour agir, mes chers collègues ?

Par cet amendement, je vous propose de confier cette mission au CNC.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérémy Bacchi, rapporteur. Je partage la préoccupation que vous exprimez, madame la sénatrice de Marco, car j’estime que la montée en puissance de l’intelligence artificielle pourrait effectivement déséquilibrer le régime des droits d’auteur.

Cet amendement vise à prévenir une telle fragilisation du droit d’auteur, mais sa rédaction relève en réalité d’une déclaration d’intention, qui, bien que bienveillante, n’en demeure pas moins une simple déclaration d’intention.

Le sujet que vous pointez est de plus très vaste, et il ne saurait se limiter aux auteurs de cinéma, à l’exclusion d’autres formes de création. J’estime qu’il inclut également les acteurs, et même les doubleurs.

Comme cela a été indiqué par plusieurs collègues lors de la discussion générale, ce sujet commence toutefois à faire l’objet d’un encadrement européen, le règlement récemment adopté ayant été âprement discuté. Il mérite donc selon nous de faire l’objet d’une réflexion globale qui permettra de bien peser les risques, mais aussi les opportunités ou potentialités futures dans un contexte mondial qui tâtonne encore très largement.

Telles sont les raisons pour lesquelles l’avis de la commission est défavorable, ma chère collègue.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Comme Mme la sénatrice Morin-Desailly l’a rappelé lors de la discussion générale, le règlement adopté par l’Union européenne le 2 février dernier, dit AI Act, prévoit d’ores et déjà des obligations en matière de droit d’auteur.

Les fournisseurs de modèles d’intelligence artificielle devront notamment mettre en place une politique interne de respect des droits d’auteur. Un office européen de l’intelligence artificielle rattaché à la Commission sera chargé de la bonne mise en œuvre de cette obligation, des sanctions pouvant être appliquées en cas de manquement.

Comme M. le rapporteur l’a rappelé, la prise en compte du droit d’auteur par les systèmes d’intelligence artificielle est une problématique transverse qui, bien au-delà du simple champ de l’image animée, concerne l’intégralité du champ de la création.

Le CNC porte déjà les préoccupations du secteur, qu’il soutient dans les discussions qui sont en lien avec le développement de l’intelligence artificielle.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mmes de Marco, S. Robert, Ollivier et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mmes Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 311-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque des faits constitutifs d’atteinte à l’intégrité physique ou psychique de la personne mentionnée aux articles 222-22 à 222-33-1 du code pénal se sont déroulés lors de la production d’une œuvre cinématographique, audiovisuelle ou multimédia et ont fait l’objet d’une condamnation pénale, le Centre national du cinéma et de l’image animée retire l’aide dont a bénéficié l’entreprise de production qui assume les fonctions d’entreprise de production déléguée pour la production de cette œuvre, dès lors que cette entreprise n’a pas respecté ses obligations résultant des articles L. 1153-1 à L. 1153-6 du code du travail. » ;

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Depuis 2018, de l’ensemble des témoignages de violences sexuelles et sexistes ou de harcèlement intervenus sur les plateaux, il ressort que les victimes rencontrent des difficultés à obtenir le soutien des témoins présents.

Or les lieux de tournage sont des lieux professionnels, les équipes étant placées sous la responsabilité de l’entreprise de production déléguée.

Sur le plateau, l’entreprise est représentée par un directeur de production et un producteur exécutif.

Conformément au droit du travail, le chef d’entreprise a la responsabilité de garantir la sécurité des salariés lors du temps professionnel. Selon les branches, les conventions particulières adaptent ces règles de sécurité aux risques spécifiques du métier.

Dans le cas du cinéma, cette responsabilité incombe au producteur. Sans déresponsabiliser pénalement les auteurs de violences ou de harcèlement, notre volonté, par cet amendement, est de renforcer la responsabilité administrative des producteurs.

Dans une première version de celui-ci, nous avions proposé que les entreprises de production négligentes, qui ont produit des films lors desquels des faits commis ont par la suite été qualifiés de violences ou de harcèlement et ont été condamnés par un juge, se verraient à l’avenir privées du droit d’obtenir l’aide du CNC.

Cet amendement était encadré par l’absence de mesures de prévention mises en place par l’entreprise et l’absence de diligence au moment de la révélation des faits.

À la suite d’échanges avec les rapporteurs, cet amendement a été rectifié pour permettre le retrait d’une aide à une entreprise de production déléguée après la condamnation pénale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. Cette proposition s’inscrit dans un contexte, hélas ! une nouvelle fois lourdement marqué par un témoignage, celui de Judith Godrèche. Elle est le résultat d’un travail commun réalisé par l’auteur de l’amendement, Mme Monique de Marco, et les rapporteurs, afin d’apporter une réponse rapide et ferme aux violences sexuelles lors des tournages.

Le dispositif proposé revient à sanctionner par un remboursement des aides perçues le producteur délégué qui aurait cumulé deux circonstances : une condamnation pénale pour des faits qui se seraient produits – je le souligne – durant le tournage, et l’absence de respect de ses obligations de prévention figurant dans le code du travail.

Le CNC a déjà la faculté de pratiquer le retrait d’une partie ou de la totalité des aides si ces conditions sont remplies, ce qui s’est déjà produit. Avec ce dispositif, la sanction est alourdie et automatique, puisque c’est la totalité de l’aide qui sera retirée, pour le film en question.

La sanction prévue paraît donc bien proportionnée et circonscrite.

Dès lors, et face encore une fois à la très légitime émotion suscitée par les récents témoignages de victimes, l’avis est favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Je n’apporterai qu’une précision aux propos très exhaustifs de Mme la rapporteure, pour vous indiquer, madame la sénatrice de Marco, que le Centre national du cinéma étendra prochainement à l’ensemble des équipes de tournage l’obligation de formation conditionnant l’accès aux plateaux. Cette mesure devrait être effective dès cet été.

Encore une fois, je vous remercie de porter le sujet des violences sexistes et sexuelles, hélas ! d’actualité ces derniers temps.

L’avis est favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Mme Sylvie Robert. Le groupe SER s’est associé à cet amendement pour deux raisons.

La première est que le monde du cinéma – la rapporteure l’a indiqué – est aujourd’hui secoué par beaucoup d’affaires. Dans ce contexte préoccupant, il est de notre responsabilité d’être au rendez-vous.

La seconde raison est que, par cet amendement, nous octroyons une base légale au retrait des aides et à la suspension des versements auxquels le CNC a déjà pu procéder par le passé. J’estime qu’une telle disposition est d’une grande importance.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2 rectifié bis.

(Lamendement est adopté à lunanimité.)

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L’attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée est également subordonnée au respect, par les entreprises de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, de la formation des équipes aux pratiques destinées à protéger l’environnement et à réduire l’empreinte carbone lors de la production, de la post-production, de la distribution, de la diffusion et des opérations de communication qui s’y attachent. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Le budget carbone moyen de la production d’un film en France est de 750 tonnes de CO2. Une réflexion est déjà en cours chez les professionnels, comme en témoignent des travaux déjà bien aboutis d’Ecoprod ou encore de la Fédération nationale des cinémas français, qui a élaboré un plan de sobriété énergétique en septembre 2022. Le référentiel d’Ecoprod prévoit par exemple un malus en cas d’utilisation d’un jet privé sur un tournage.

Par cet amendement, mes chers collègues, il vous est proposé de renforcer l’objectif de préservation de l’environnement que partagent les auteurs de la présente proposition de loi par l’instauration d’une obligation de formation aux pratiques respectueuses de l’environnement pour tous les métiers de la filière.

Il s’agit, à côté du référentiel AFNOR Spec, actuellement en écriture, de mettre en place des formations par profession pour permettre un partage de connaissances et de bonnes pratiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. Le présent amendement vise à créer une nouvelle obligation pour les entreprises de production. Celles-ci devraient en effet assurer la formation des équipes aux pratiques destinées à protéger l’environnement lors de la production, de la post-production, de la distribution, de la diffusion et des opérations de communication.

La formation des équipes à la protection de l’environnement et aux outils qui peuvent être mis en œuvre dans ce cadre est un sujet fondamental. Une telle proposition pose toutefois deux difficultés, ma chère collègue.

La première a trait au coût d’une telle disposition, qui revient à créer une charge pour les producteurs dont le montant, qu’il n’est pour l’heure pas possible d’évaluer, car certains dispositifs continuent d’évoluer et de s’améliorer et que d’autres n’existent pas encore, pourrait être significatif. De nombreuses sociétés de production de petite taille ne seraient pas en mesure d’absorber de telles dépenses.

La seconde difficulté porte sur l’organisation du travail. Par cet amendement, ma chère collègue, vous faites en effet peser sur les producteurs la charge des actions de formation, y compris dans des domaines qui ne relèvent pas de leurs compétences et au bénéfice d’intervenants dont ils ne sont pas les employeurs. C’est notamment le cas de la distribution, de la diffusion et des opérations de communication qui sont menées par les distributeurs et les exploitants.

Le dispositif mis en place par l’article 6 de la proposition de loi s’inscrit dans une logique incitative, qui repose sur la modulation des aides du CNC en fonction des efforts de préservation de l’environnement réalisés sur les tournages.

Je vous propose d’en rester à ce mécanisme qui, en tout état de cause, se traduira logiquement par des actions de formation, d’autant que, encore une fois, de nombreuses évolutions ne manqueront pas d’intervenir à l’avenir.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Tout comme vous, madame la sénatrice de Marco, le Gouvernement est convaincu que les secteurs de la production cinématographique et audiovisuelle doivent se montrer exemplaires pour réduire leur empreinte environnementale. La présente proposition de loi s’inscrit du reste dans une telle logique.

Comme vous le savez, le CNC a déjà conditionné l’octroi de ses aides à la production de bilans carbone qui incluent le spectre entier des activités qu’emporte la production, notamment les trajets et toutes les activités liées aux différents professionnels qui interviennent.

J’estime donc que votre amendement est satisfait, et c’est pourquoi l’avis est défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes de Marco, Ollivier, Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée, est ainsi libellé :

Compéter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L’attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée est également subordonnée à la mise en place, par les entreprises de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, d’une formation des équipes à la prévention et au signalement de violences sexuelles et sexistes et de harcèlement. »

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Depuis 2018, de légers progrès sont intervenus pour prévenir les risques de violences sexistes et sexuelles sur les tournages.

La formation de sensibilisation que le CNC a notamment instaurée nous paraît toutefois insuffisante. Celle-ci est en effet réservée aux gérants des entreprises de production qui ne sont pas, en temps normal, les producteurs sur les plateaux de tournage. Selon nos informations, il ne s’agit de plus que de rappels à la loi sous forme de modules de trois heures.

Il importe que les personnes exposées à des violences sexuelles et sexistes ou de harcèlement qui sont difficiles à qualifier puissent être informées des situations illégales.

Un référent pour l’ensemble du territoire a été mis en place, ce qui nous semble insuffisant pour aider simultanément toutes les équipes en tournage.

Cet amendement tend donc à renforcer ces mesures en conditionnant l’attribution d’aides du CNC à la mise à place d’une formation obligatoire pour l’ensemble de l’équipe à la charge de l’entreprise de production.

Nous aurions naturellement préféré que ces formations soient financées par le CNC, mais si nous l’avions proposé, nous nous serions heurtés aux règles de recevabilité financière.

Cette proposition est complémentaire de celle que nous avons portée par l’amendement n° 2 rectifié bis. La prévention nous semble en effet préférable aux sanctions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. Les auteurs du présent amendement entendent mettre l’accent sur la formation à la prévention des violences sexuelles et sexistes (VSS) et au harcèlement.

Ce sujet est en effet essentiel, comme l’ont montré de récentes révélations sur des comportements que l’on peut qualifier d’odieux pendant, voire après certains tournages.

Le CNC a d’ores et déjà prévu d’expérimenter l’extension de l’obligation de formation à la prévention des VSS à l’ensemble des équipes, le premier jour de chaque tournage. Mme la secrétaire d’État l’a du reste confirmé.

Le coût de cette formation obligatoire sera assumé par l’Assurance formation des activités du spectacle (Afdas), qui est l’opérateur de compétences, notamment des secteurs de la culture, des industries créatives et des médias. Les paramètres précis de la mesure seront arrêtés d’ici au mois de juin.

Vous conviendrez, ma chère collègue, qu’il serait regrettable de mettre à la charge des producteurs des actions qui seront prises en charge par la formation continue, dans un cadre concerté.

L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marina Ferrari, secrétaire dÉtat. Je souscris à l’excellent argumentaire de Mme la rapporteure, madame la sénatrice de Marco. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6, modifié.

(Larticle 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France
Article 8 (nouveau)

Article 7

I. – Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :

1° Le 10° de l’article L. 111-3 est ainsi rédigé :

« 10° Il homologue les contrats-types d’association à une formule d’accès au cinéma donnant droit à des entrées multiples conformément à l’article L. 212-30 ; »

2° (Supprimé)

3° (nouveau) À la première phrase de l’article L. 213-10, la référence : « L. 212-28 » est remplacée par la référence : « L. 212-27 ».

II (nouveau). – Au troisième alinéa de l’article L. 452-6 du code des impositions sur les biens et services, la référence : « L. 212-28 » est remplacée par la référence : « L. 212-27 ». – (Adopté.)

Article 7
Dossier législatif : proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 8 (nouveau)

Le I de l’article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « passée en force de chose jugée » sont remplacés par le mot : « exécutoire » ;

b) À la même première phrase, les mots : « un titulaire de droits partie à la décision judiciaire » sont remplacés par les mots : « toute personne qualifiée pour agir sur le fondement du même article L. 336-2 » ;

c) Après la référence : « I, », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « le président de l’autorité ou, en cas d’empêchement, tout membre du collège désigné par lui, communique précisément les données d’identification du service en cause selon les modalités définies par l’autorité. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « l’autorité » sont remplacés par les mots : « le président de l’autorité ou, en cas d’empêchement, tout membre du collège de l’autorité désigné par lui » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique tient à jour une liste des services de communication au public en ligne mentionnés au présent I qui ont fait l’objet de sa part d’une demande de blocage d’accès ou d’une demande de déréférencement ainsi que des données d’identification permettant l’accès à ces services et met cette liste à la disposition des signataires des accords mentionnés à l’alinéa précédent. Ces services sont inscrits sur cette liste pour la durée restant à courir des mesures ordonnées par l’autorité judiciaire. » – (Adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 8 (nouveau)
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France
 

8

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 15 février 2024 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

Proposition de loi visant à préserver des sols vivants, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (texte n° 66, 2023-2024) ;

Proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail, présentée par Mme Hélène Conway-Mouret et plusieurs de ses collègues (texte n° 537 rectifié bis, 2022-2023).

À l’issue de l’espace réservé du groupe SER :

Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème « Complémentaires santé, mutuelles : l’impact sur le pouvoir d’achat des Français ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER