M. le président. La parole est à M. Hervé Reynaud. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Hervé Reynaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « à nous de vous faire préférer le train », scandait la SNCF dans les années 1990 et 2000. Le constat est pourtant sans appel : depuis 1947, pas une année sans un jour de grève à la SNCF !

Malgré sa pertinence, le dispositif créé par la loi de 2007 a atteint ses limites, puisqu’il n’empêche pas les grandes grèves fixées à des périodes particulièrement importantes pour les voyageurs. Ainsi, des candidats à des examens ou à des concours ont déjà été recalés d’office faute d’avoir pu se présenter à l’heure aux épreuves. Ainsi, au cours des derniers mois, des grèves massives ont empêché un grand nombre de nos compatriotes de rejoindre leur famille ou d’atteindre leur lieu de vacances. Pourtant, les congés ont eux aussi été conquis après d’âpres luttes sociales.

Je pense aussi et surtout aux usagers des transports au quotidien, à celles et ceux qui doivent se rendre systématiquement sur leur lieu de travail, ne pouvant pas télétravailler : ils sont les premiers touchés par ces mouvements sociaux. Je n’oublie pas non plus les entreprises, qui en subissent les conséquences.

Dans ces conditions, comment assurer un report modal ? Comment inciter les usagers à emprunter les transports collectifs ?

Le contournement des restrictions légales du droit de grève n’est plus acceptable ; d’ailleurs, les Français ne l’acceptent plus. Au mois de février dernier, 64 % d’entre eux considéraient que la grève durant les vacances scolaires constituait un abus.

Mes chers collègues, si notre institution se doit de rappeler les principes qui fondent l’organisation du pays, son rôle est aussi d’adapter notre arsenal législatif aux évolutions de notre société, à la lumière de nos retours d’expérience.

Le texte que nous examinons aujourd’hui a ainsi pour objectif d’améliorer le dispositif permettant d’assurer une nouvelle conciliation – le mot est important –, un nouvel équilibre entre droit de grève et droit à la mobilité.

Il nous faut conduire cette démarche sans a priori, sans biais idéologique. D’autres pays, comme l’Italie, l’ont fait : pourquoi pas nous ?

Je tiens à remercier l’auteur de cette proposition de loi, notre collègue Hervé Marseille, d’avoir développé cette problématique, et notre rapporteur Philippe Tabarot d’avoir, sur la base d’auditions très pertinentes, nourri en commission un débat riche, parfois vif, mais sincère.

M. Hervé Reynaud. Lors d’une récente séance plénière, le conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, en tant qu’autorité organisatrice de mobilité, a également émis un vœu en ce sens.

Comme chacun le sait, le droit de grève est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. À ce titre, il ne saurait être remis en cause, mais « il s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Si la grève est un moyen, et non une fin, de faire valoir les revendications, elle ne doit intervenir qu’en dernier recours, lorsque la négociation collective entre salariés et employeurs n’a pas abouti. Or, mes chers collègues, reconnaissons que la législation française du droit de grève souffre d’une lacune : elle manque d’un cadre législatif clair encourageant le dialogue entre le salarié et l’employeur.

Nombre d’entre nous l’ont vécu en tant qu’élus locaux : cette lacune permet à des collectifs débordant sur leur base les syndicats représentatifs de créer des situations de quasi-blocage. En ce sens, nous partageons totalement les objectifs énoncés dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis.

La commission a adopté divers amendements, au nom de trois principes : tout d’abord, garantir la constitutionnalité du texte en levant tout obstacle juridique à son adoption ; ensuite, éviter les abus du droit de grève, notamment les préavis dormants ; enfin, assurer un service minimum pour les déplacements du quotidien, particulièrement aux heures de pointe.

Il faut sortir de ces situations de blocage. Alors que nous nous apprêtons à accueillir les jeux Olympiques et Paralympiques, nous ne souhaitons pas donner au monde l’image d’un pays à l’arrêt.

Abordons sereinement ce débat. Cette proposition de loi, si elle est adoptée, permettra – j’ose l’espérer – d’amorcer une réconciliation entre usagers et exercice du droit de grève. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l’exercice du droit de grève

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève
Article 2 (nouveau)

Article 1er

I. – Le titre II du livre II de la première partie du code des transports est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Prévisibilité des services de transport terrestre de voyageurs en cas de grève

« Art. L. 1223. – I. – Le présent article est applicable, lorsque leur concours est indispensable au bon fonctionnement du service, aux personnels des services publics de transport terrestre régulier de personnes et des services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs mentionnés à l’article L. 2121-12, à l’exception des services de transport international de voyageurs.

« II. – L’exercice du droit de droit de grève des personnels et agents mentionnés au I peut, le cas échéant, être suspendu entre 6 heures 30 et 9 heures 30 et entre 17 heures et 20 heures pendant des périodes continues pouvant aller jusqu’à sept jours et dont la durée annuelle cumulée ne peut être supérieure à trente jours. Un délai d’au moins cinq jours doit être respecté entre deux périodes de suspension.

« III. – Ces périodes sont fixées chaque année par un décret en Conseil d’État dont la publication intervient au moins quatre-vingt-dix jours avant que la première période concernée ne débute, à peine d’être inopposables. Ce décret est pris après une concertation d’une durée d’au moins trente jours avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives dans les branches entrant dans le champ d’application du présent article.

« IV. – Les périodes définies par le décret en Conseil d’État mentionné au III sont comprises au sein des périodes suivantes :

« 1° De la veille et jusqu’au lendemain des jours fériés mentionnés à l’article L. 3133-1 du code du travail ;

« 2° Les périodes de vacance des classes mentionnées à l’article L. 521-1 du code de l’éducation ;

« 3° De la veille et jusqu’au lendemain des jours des élections nationales et locales au suffrage direct et des référendums ;

« 4° Les événements d’importance majeure sur le territoire français.

« V. – Le manquement aux règles prévues au II est passible d’une sanction disciplinaire. »

II (nouveau). – En cas de suspension, sur le fondement de l’article L. 1223 du code des transports, de l’exercice du droit de grève pendant la période des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le décret prévu au III du même article L. 1223 est publié au moins trente jours avant le début de la première période de suspension et la durée de la période de concertation préalable, prévue au même III, est de quinze jours.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, sur l’article.

Mme Raymonde Poncet Monge. Cet article, qui était à l’origine le seul de cette proposition de loi, est très probablement inconstitutionnel. En effet, il restreint l’exercice du droit de grève dans des proportions telles qu’il en vient à l’empêcher irrémédiablement, donc à l’interdire.

Cet article unique était en réalité un article inique. Le déséquilibre qu’il crée n’a qu’un but : contraindre une seule partie – les salariés – en bridant ses capacités de négociation, alors que la grève signe d’abord et avant tout l’échec d’un long dialogue social. Elle découle souvent d’un défaut de réponse de la part de la direction, après une alarme sociale. On le constate aujourd’hui pour l’organisation des transports parisiens lors des jeux Olympiques.

On nous propose de suspendre le droit de grève par des dispositions somme toute floues : comment définir des « événements d’importance majeure » sur le territoire français ? On devine d’emblée les dérives anticonstitutionnelles auxquelles peuvent donner lieu de telles mesures, dévoilant les réelles intentions des auteurs de ce texte : interdire le droit de grève et, au-delà, brider les capacités de négociation des travailleurs ; vider la grève de toute substance afin de la rendre inoffensive et, ce faisant, ouvrir la voie au détricotage du droit du travail, aux dépens de tous les travailleurs.

Telle est la vocation première de cet article : empêcher le dialogue social pendant les jeux Olympiques en rendant le dispositif évoqué applicable durant cette période.

Les travailleurs négocient actuellement l’amélioration des conditions de travail pendant cet événement. Ils veulent la juste compensation de leurs services, essentiels au bon déroulement des Jeux. De cela, cet article n’a que faire ; il se moque tout autant de la précarisation du travail. Il ne garantit pas le droit à la mobilité et n’améliorera en rien les transports en commun. En réalité, ce n’est pas son objectif.

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, sur l’article.

M. Philippe Grosvalet. « Le désordre et le chaos » : voilà un fantasme auquel, de tout temps, l’on a pu se référer pour combattre le droit de grève, qui plus est dans les services publics.

L’Action ouvrière, syndicat rattaché au Rassemblement du peuple français (RPF), le parti du général de Gaulle, théorisait cette vision en 1948 : « La grève et l’interruption des services publics vitaux pour la Nation ne sont pas admissibles dans un État digne de ce nom. » Tout était dit.

Pourtant, la réalité est tout autre. Permettez-moi de vous renvoyer à la réponse à une question écrite de notre ancien collègue Yves Détraigne, datant en 2018. Celui-ci s’inquiétait des conséquences de la grève dans les transports publics sur l’activité et la santé de nos entreprises. M. le ministre de l’économie et des finances lui a répondu : « Néanmoins, à l’aune des épisodes de grève passés des vingt-cinq dernières années, l’ampleur des effets attendus sur la croissance ne devrait pas dépasser de l’ordre de 0,1 à 0,3 point de PIB trimestriel. Par ailleurs, de tels épisodes sont, pour certains, suivis d’une période de rebond et de rattrapage, si bien que l’effet sur la croissance de l’activité est généralement négligeable. »

Dois-je rappeler, à la suite d’Hervé Marseille, que l’on compte, bon an mal an, entre une demi-journée et une journée de grève par agent ? Par ailleurs, c’est en 2018, avec près de cinq journées de grève par agent, qu’un record absolu depuis 1968 a été enregistré, et ce sans aucune conséquence sur l’activité économique, comme l’a indiqué le ministre.

Au contraire, la grève est source de progrès sociaux et économiques, cela a été souligné : la semaine des 40 heures, les congés payés, la sécurité sociale et les régimes de retraite ont été obtenus par les luttes sociales avant d’être inscrits dans la loi.

Oui, le progrès social est source de progrès économique. Voilà pourquoi nous devons reconnaître le droit de grève comme un bien commun inaliénable et laisser à chacun la liberté fondamentale d’user de ce droit sans jamais en abuser. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST. – M. Christian Bilhac applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, et je veux le dire solennellement, ce texte est une attaque frontale contre toutes celles et tous ceux qui, depuis plusieurs décennies, plusieurs siècles, se sont mobilisés et se sont battus pour améliorer les conditions de travail de toutes et de tous. En 1936, ils ont été des millions à faire grève pour obtenir les congés payés ; aujourd’hui, certains se demandent s’il faut ou non qu’il soit possible de faire grève le jour des départs en congé…

Vous pouvez sourire, mes chers collègues d’en face, mais elles sont nombreuses, ces luttes de l’Histoire, celles que me soufflent à l’oreille mes collègues assis autour de moi : celles des dockers du Havre, celles des mineurs du Pas-de-Calais, celles des usagers quotidiens du RER B.

Dans quelles conditions se rend-on à son travail ? Dans quelles conditions travaille-t-on ? Ces questionnements ont fait l’histoire de notre République.

Aujourd’hui, tous, au quotidien, vous êtes confrontés à des milliers de femmes et d’hommes qui veulent pouvoir se déplacer sereinement. Ne l’oublions jamais : 80 % des usagers des transports du quotidien les utilisent pour se rendre au travail ou pour se former. Aussi la régularité est-elle une exigence.

Ne nous mentons pas : la problématique, ce ne sont pas les jeux Olympiques, c’est la dégradation des conditions de transport du quotidien dans notre pays.

Je suis sénatrice de la Loire, département où l’on trouve la ligne de TER la plus fréquentée de France, si l’on excepte l’Île-de-France. Chaque semaine, on enregistre des retards et des annulations de train : ils ne sont jamais dus aux grèves, ils sont provoqués par les défaillances du réseau.

Oui, il est temps de garantir des transports sûrs, mais ne nous trompons pas d’ennemi : le problème, ce ne sont pas les salariés de ces entreprises, c’est bel et bien l’infrastructure, qui s’est profondément dégradée tout au long de ces années. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, sur l’article.

M. Michel Savin. Je serai bref, mais je veux répondre à notre collègue, selon qui cette proposition de loi n’aura pas d’effet sur cet événement majeur qui marquera notre pays dans quelques mois, les jeux Olympiques et Paralympiques. (Mme Cécile Cukierman sexclame.) Je pense tout le contraire.

Autant, me semble-t-il, nous pouvons, ensemble, faire le constat de la situation dégradée des transports dans notre pays et d’un service, en la matière, qui n’est pas à la hauteur de ce que l’on serait en droit d’en attendre dans un pays comme la France, autant il est permis de se demander si l’on peut prendre en otage, pendant cette période des jeux Olympiques et des Paralympiques, des milliers de Français qui se sont sacrifiés pour acheter des billets afin d’assister à ces compétitions aux côtés de milliers d’étrangers qui vont venir dans notre pays pour faire de même. (Mme Raymonde Poncet Monge sexclame.)

Peut-on prendre le risque que les transports soient à l’arrêt, de donner de notre pays une image catastrophique, de prendre en otage, je le répète, et pour des raisons que l’on peut entendre, ces familles que nous comme vous croisons tous les jours et qui se sont sacrifiées pour prendre part à cet événement qui se déroule une fois tous les cent ans, à cette grande fête populaire et sportive ? Non, ce n’est pas possible ; nous devons donc garantir le déroulement des Jeux.

Aussi, monsieur le ministre, j’espère que le Gouvernement prendra ses responsabilités et aura le courage politique d’inscrire, comme il en a les moyens, ce texte à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale au mois de mai ou au mois de juin prochain, afin que les choses soient réglées. Parce qu’il ne faudrait pas, si des mouvements devaient survenir lors des jeux Olympiques et Paralympiques, qu’il nous dise qu’il ne savait pas.

M. le président. La parole est à M. Hervé Gillé, sur l’article.

M. Hervé Gillé. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole, mais l’intervention de mon collègue m’y incite.

À tenir de tels propos, vous allez finir par la susciter, cette grève au moment des jeux Olympiques !

Plutôt que de créer un tel climat de défiance, totalement contre-productif, il faudrait au contraire, au cours des semaines qui viennent, veiller à créer un climat de confiance précisément afin d’éviter le déclenchement de manifestations ou de grèves.

Au regard du contexte actuel, cette proposition de loi est donc très maladroite : ce n’est pas le moment d’évoquer un tel sujet.

Je me trompe peut-être, mais, il me semble que, jusqu’à présent, vous essayiez plutôt, dans votre camp, de promouvoir la négociation dans le cadre des conventions collectives et l’exercice du droit de grève au travers de celles-ci. Or c’est précisément ce principe que vous bafouez avec cette proposition de loi ! En effet, c’est d’une négociation qu’aurait dû résulter la modification des conditions d’exercice du droit de grève.

Vous vous référez à l’exemple italien, mais c’est bien ainsi que cela s’est passé dans ce pays : la loi a été modifiée après que des contreparties, notamment salariales, ont été obtenues par la voie de la négociation. Ce que vous proposez aujourd’hui est bien différent.

Je le répète, vos propositions sont contre-productives et vous ne faites rien d’autre que d’agiter un chiffon rouge. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Olivier Jacquin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.

M. Fabien Gay. Je commencerai par réagir, avec une certaine solennité, à un propos que je considère comme plutôt malheureux. On peut débattre – et on va le faire – du droit de grève, de sa limitation, mais placer les travailleurs et les travailleuses qui se mettent en grève pour leurs conditions de travail et les salaires sur un pied d’égalité avec des terroristes, de surcroît dans un pays qui a vécu le Bataclan, est tout de même extrêmement limite. (Mme Colombe Brossel applaudit.) Les comparer à des preneurs d’otages n’est ni décent ni digne du débat public et politique.

Mme Raymonde Poncet Monge. Oui, c’est une honte !

M. Fabien Gay. Utilisons les mots avec justesse. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, j’ai entendu certains dire ici que l’on pouvait faire grève par culture ou par plaisir. Je ne sais pas combien parmi vous ont déjà fait grève dans leur vie, mes chers collègues, mais, quand des travailleurs et des travailleuses acceptent de perdre une partie de leur salaire pour l’intérêt général, je peux vous assurer qu’ils ne le font jamais par plaisir !

Et, comme ce fut le cas des cheminots, des traminots ou des gaziers et électriciens, se retrouver, après deux à trois mois de grève, avec une fiche de paie égale à zéro, c’est extrêmement compliqué à vivre.

Enfin, mes chers collègues, tout le monde sait bien ici que, quoi qu’il arrive, cette proposition de loi ne sera pas transmise à l’Assemblée nationale avant les jeux Olympiques et Paralympiques – elle n’ira même pas au bout du processus parlementaire. Aussi, n’entretenons pas l’illusion qu’elle réglera la problématique des transports pendant ces Jeux.

En revanche, le problème, c’est bien que les lignes 15, 16 et 17, ainsi que, quoi que nous en pensions, le CDG Express, ne seront pas en service, contrairement à ce qui était prévu.

À ce jour, le million d’usagers du RER B, notamment les travailleurs qui l’utilisent, n’en peuvent plus. La problématique, c’est le sous-investissement dans les équipements et c’est bien cela qu’il faudrait traiter, plutôt que prétendre que le problème, c’est celui d’une possible grève pendant les jeux Olympiques. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par MM. Jacquin et Devinaz, Mmes Bélim et Bonnefoy, MM. Gillé, Fagnen, Ouizille, Uzenat, M. Weber, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 11 est présenté par MM. Fernique et Dantec, Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, G. Blanc, Dossus et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.

L’amendement n° 18 rectifié est présenté par MM. Grosvalet, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold, Laouedj et Masset et Mme Pantel.

L’amendement n° 25 est présenté par M. Barros, Mme Varaillas, M. Corbisez et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Olivier Jacquin, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Olivier Jacquin. Vous l’avez compris, nous nous opposons aux multiples tentatives, à celle d’aujourd’hui comme aux précédentes, de la majorité sénatoriale de restreindre l’exercice du droit de grève dans les services de transport terrestre de voyageurs.

Je tiens à le souligner, il existe un cadre de prévisibilité des conflits sociaux déclinés sous la forme de nombreux dispositifs : la procédure d’alerte sociale quatorze jours avant la grève ; le préavis de grève obligatoire cinq jours auparavant ; la déclaration individuelle quarante-huit heures à l’avance ; l’obligation de négocier après l’alerte sociale et après le préavis ; enfin, l’élaboration d’un plan de transport par l’entreprise concernée pour assurer les dessertes prioritaires définies par l’autorité organisatrice et l’élaboration d’un plan d’information des usagers.

Ce cadre de prévention des conflits et de dialogue social permet, en cas de grève dans les transports, de mettre en place un service, certes réduit, mais prévisible.

Si ce cadre peut toujours être amélioré, nous considérons qu’une concertation avec les partenaires sociaux est un préalable à toute modification de notre législation sur le droit de grève.

Par ailleurs, nous estimons que légiférer sur le droit de grève de cette façon, au détour d’une proposition de loi qui, en outre, prive les parlementaires d’une étude d’impact, risque, dans un contexte marqué par un malaise social grandissant, d’attiser encore les tensions sociales.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 11.

M. Jacques Fernique. Dans la rédaction initiale de cette proposition de loi, son article unique prévoyait la possibilité de suspendre – d’interdire ! – l’exercice du droit de grève pour des périodes continues pouvant aller jusqu’à quinze jours, dans la limite de soixante jours par an, tout manquement au respect de ces règles pouvant entraîner une peine d’emprisonnement d’un an.

Ayant sans doute eu l’intuition du caractère inconstitutionnel de ces dispositions, la commission a décidé de réduire de moitié le nombre de jours consécutifs – de quinze à sept – et le nombre de jours total – de soixante à trente – au cours desquels il peut y être fait recours. Pour autant, quelle qu’en soit la durée, cela reste bien une interdiction et il s’agit bien de supprimer un droit essentiel, en des temps où l’exercice de ce droit est particulièrement efficace.

De fait, cet article devrait purement et simplement être censuré par le juge constitutionnel.

Je reviens sur le fameux modèle italien : ainsi que le ministre l’a laissé entendre, celui-ci n’a pas été mis en place sans qu’ait eu lieu préalablement une concertation préalable, contrairement à ce que vous entendez faire au travers de ce texte. En outre, en Italie, le champ de la loi et celui du règlement ne sont pas identiques à ce qu’ils sont chez nous.

M. le président. La parole est à M. Philippe Grosvalet, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.

M. Philippe Grosvalet. Je tiens à rappeler ici la valeur constitutionnelle de ce droit, dont toute modification exige la plus grande prudence.

Je rappelle également le manque de concertation avec les partenaires sociaux dans l’élaboration de ce texte, le caractère inadéquat d’un tel véhicule législatif, qui n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, ainsi que l’absence de toute visibilité sur ses conséquences sociales.

Cela a été dit : le climat social est à vif et cette proposition de loi ne fait qu’exciter et agiter inutilement les esprits à la veille d’un événement sportif mondial tel que celui que nous accueillerons cet été.

Le timing n’est pas le bon, la forme n’est pas la bonne, les réponses que ce texte apporte ne sont pas pertinentes.

Pour conclure, je veux évoquer ce que notre collègue Stéphane Demilly a dit tout à l’heure à propos de Mme Béchu.

Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. Mme Michu ! (Rires.)

M. Philippe Grosvalet. Ah oui, pardon ! (Nouveaux rires.)

Je suppose qu’il faisait allusion non à la Mme Michu de Balzac, mais à cette Mme Michu que des publicitaires ont inventée et qui représenterait prétendument la Française moyenne.

Au-delà d’une certaine forme de mépris de classe qui perce sous cette caricature, je dirai à mon collègue que, fort heureusement, les millions de M. et Mme Michu que compte notre pays et qui n’ont plus les moyens de faire eux-mêmes grève sont bien contents, heureux et fiers que d’autres puissent les défendre à leur place.

M. Olivier Paccaud. Je n’en suis pas sûr !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 25.

M. Pascal Savoldelli. Tout à l’heure, notre collègue Stéphane Le Rudulier, en présentant ses arguments contre la motion tendant à opposer la question préalable, a évoqué l’histoire d’une Américaine à Paris. Il serait encore présent dans notre hémicycle que je lui demanderais si elle a récemment fait grève.

Je m’explique.

Les salariés de l’industrie automobile américaine ont fait grève pendant six semaines à la fin de l’année 2023. Ont-ils eu tort ? Ils ont obtenu de 25 % d’augmentation de salaire !

M. Pascal Savoldelli. En ce moment, les ports américains sont bloqués. Les grévistes demandent 32 % d’augmentation de salaire. Certes, tout ne se résume pas aux questions de salaire, mais, enfin, cela redynamise et réactualise tout de même quelque peu le droit de grève.

En outre, comme l’a fait remarquer Fabien Gay, il faut manier la métaphore de la prise d’otage avec beaucoup plus de prudence.

En relisant le texte de la proposition de loi, j’ai demandé aux collègues de mon groupe si les centristes allaient faire comme à l’Assemblée nationale : un peu de com’ avant de s’attaquer à la grève fiscale !

Eh oui ! Tout à l’heure, on nous a expliqué que la grève serait catastrophique : elle nous ferait perdre entre 12 millions d’euros et 15 millions d’euros. Mes chers collègues, selon l’Insee – ce n’est pas le parti communiste qui le dit –, il manquerait chaque année dans les finances publiques entre 20 milliards et 25 milliards d’euros de recettes.

Écoutez-moi : supprimons cet article et décidons d’interdire pendant soixante jours, pendant trente jours, la grève fiscale, plutôt que d’en faire porter la responsabilité sur les salariés. (M. Pierre Barros applaudit.)